Saint-Barth -

Saint-Barthélemy refuge “gay friendly”

> Leonard et Morris, touristes américains enchantés de leur première venue à Saint-Barthélemy.


Etre homo à Saint-Barth, plus facile quailleurs ? Cest ce qui ressort des témoignages dhabitants gays et lesbiennes, rencontrés à la veille de la journée mondiale de lutte contre lhomophobie, le 17 mai.

 

Alors que les agressions homophobes se multiplient en France, selon l’étude de l’Ifop parue mardi, Saint-Barth semble être un îlot de tranquillité de ce point de vue. Les plaintes pour injure ou discrimination en raison de l’orientation sexuelle sont rarissimes à la gendarmerie. De nombreux couples vivent leur homosexualité sans se cacher et sans difficulté.

 

Ils sont peut-être les premiers à s’être ouvertement établi sur l’île en tant que couple gay : Stéphane et Bernard, ex-tenanciers de la boutique du même nom, sont plus qu’acceptés et intégrés sur l’île. Et n’ont en mémoire aucune hostilité à l’égard de leur amour qui dure depuis maintenant 44 ans. A peine un ou deux canulars téléphoniques par des adolescents de l’île, dans les années 80. « On a adopté dès le départ un comportement exemplaire, de sorte que l’on ne puisse rien nous reprocher », raconte Bernard Blancaneaux. « Ici, la liberté est grande tant qu’elle n’affecte pas celle des autres. Les autochtones sont des gens exceptionnels qui nous ont fait l’honneur de nous accepter, c’est l’une des plus belles choses que nous ayons vécue. Mais il a fallu le construire. »

 

Discrétion publique

« J’ai pris conscience que j’étais homosexuel au lycée, en Guadeloupe. Il y a sans doute eu des critiques derrière mon dos, mais je n’ai jamais subi de violence, aucun traumatisme lié à ça », raconte Julien*, natif de Saint-Barth. Qui reconnaît que l’homosexualité « a toujours été un tabou sur l’île. Mais cela a été accepté par toute ma famille, comme dans mon entourage professionnel. Avec mon conjoint, on ne s’expose pas publiquement, mais on ne se cache pas non plus. Et cela n’a rien à voir avec le fait d’être homo ; beaucoup de couples hétéro sont aussi discrets en public. Je ne vois pas pourquoi parce que l’on est homo, on serait obligé de le montrer. »

 

Même au collège et lycée, périodes réputées difficiles pour l’affirmation d’une orientation sexuelle autre qu’hétéro, Julien n’a aucun mauvais souvenir lié à son homosexualité. « La seule chose que les habitants souhaitent, c’est que l’on respecte l’île, et la vie en communauté. Le respect et le travail passent avant toute autre considération. »

 

Les gays et lesbiennes de Saint-Barth n’échappent pas au qu’en dira-t-on. Quand elle a affirmé son homosexualité il y a une vingtaine d’années, Hélène Bernier a bien sûr pensé au regard des autres. «J’ai eu une chance, en tout cas que je considère comme une chance aujourd’hui, c’est d’être tombée gravement malade. Après cela, je me suis dit que c’était ma vie, je voulais la vivre comme je l’entends, peu importe ce que pensent les gens. » Sa famille a suivi le même cheminement. « Mais j’ai beaucoup de chance d’avoir les parents que j’ai. A leur âge, à Saint-Barth, leur ouverture d’esprit est énorme. D’ailleurs, ce qu’ils craignaient, c’est avant tout le regard des autres. »

 

Regard qui reste un moindre mal par rapport à de nombreux autres territoires de France et du monde. « Homo ou hétéro, nous faisons tous l’objet de rumeurs et de cancans, de toute façon ! », rit Julien. Même topo chez Joséphine* : « Je peux me balader main dans la main avec ma compagne sans problème. Il y a éventuellement des regards, mais c’est plus de la curiosité que de l’hostilité. »

 

Argument touristique

« Il y a un esprit de tolérance assez remarquable à Saint-Barth », assure Romuald*, résident avec son compagnon depuis vingt ans. Sa vie en métropole, dans l’Est de la France, a été bien plus compliquée qu’ici. Il n’a souvenir d’aucune discrimination sur l’île, ni même d’un regard de travers ; mais il ne peut pas en dire autant des îles voisines. «Quand je suis allé à la Barbade, c’est carrément écrit à l’aéroport : homosexualité interdite. J’ai aussi eu une mauvaise expérience à Saint-Martin, dans un hôtel de Philipsburg. Le réceptionniste m’a demandé de prouver que mon compagnon et moi-même étions de la même famille, sans quoi il refusait de louer une chambre à deux hommes.» Ni une ni deux, Romuald a changé d’hôtel et écrit une lettre indignée au dirigeant du groupe hôtelier, aux Pays-Bas. « Il m’a renvoyé une lettre d’excuse, mais le mal était fait. Selon moi, de nombreux Américains viennent à Saint-Barth justement pour cela. La tolérance qu’on trouve ici, elle n’existe pas partout aux Antilles. Le seul endroit ou je l’ai retrouvée, c’est la Martinique. »

 

Pas de communautarisme

La tolérance, c’est l’une des raisons qui a poussé Emeline*, trentenaire venue de l’Hexagone, à s’installer sur l’île tout récemment avec sa compagne. « Ici, j’ai un sentiment de liberté, de ne pas être jugées. Chacun fait ce qu’il veut. C’est beaucoup plus tendu en métropole », raconte-t-elle. « Ça a fait partie de notre décision de venir vivre à Saint-Barth. »

 

Pas de lieu estampillé gay ou lesbien, pas d’association, ni de réunions ou soirées dédiées : à Saint-Barthélemy, si de nombreux habitants sont homosexuels, il n’existe pas de communauté organisée.

Cela prouve « qu’il n’y a pas besoin de créer un lien communautaire, puisque nous ne sommes pas dans une situation d’agressions ou discriminations homophobes », en déduit Julien. « C’est comme pour toutes les minorités, dès lors qu’il y a ghettoïsation, du communautarisme, cela crée des tensions. On n’a pas besoin de soirées spéciales, de bar spécial », tranche Romuald. Joséphine renchérit : « Je n’ai pas besoin de communauté ou de rassemblement. Je ne ressens pas le besoin de partager autour de mon orientation sexuelle, mais peut-être que ça manque à ceux qui auraient besoin d’en parler, car ça peut être dur. ça manque peut-être aussi pour les homos célibataires qui veulent rencontrer quelqu’un. »

 

Si tous se sentent chanceux de vivre dans le climat tolérant de Saint-Barth, affirmer son homosexualité reste une étape délicate à franchir, selon la sensibilité, la famille et l’entourage de chacun. «Quand ça s’est su, j’ai reçu des appels de plusieurs filles de Saint-Barth qui se sont confiées à ce sujet », raconte Hélène Bernier. « Certaines ont quitté l’île depuis, d’ailleurs. Ça demande quand même du courage de le dire au grand jour. »

 

* Les prénoms suivis d’une étoile ont été modifiés.


JSB 1328







Journal de Saint-Barth N°1328 du 16/05/2019

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