Élève au conservatoire régional de Bordeaux en chant lyrique, Winona Berry représentera Saint-Barth lors de la grande finale du concours Voix des Outre-mer, à l’opéra Bastille (Paris).
«Je pensais que le chant lyrique c’était des grosses femmes, avec des grosses voix », confie en riant Winona Berry. Il y a encore quelques années, cette jeune fille qui a vécu toute son enfance à Saint-Barth n’y connaissait rien en chant lyrique. En février prochain, elle sera la première candidate de l’île à concourir pour la grande finale du concours Voix des Outre-Mer, à l’Opéra Bastille. « Maintenant, je sais que la corpulence n’a rien à voir avec la voix », reprend la chanteuse amateure de sa voix posée.
Le monde de la musique, pourtant, ne lui est pas étranger. « On m’appelait le jukebox à la maison », s’amuse la jeune fille, qui était la pro du karaoké dans sa famille et jouait au piano. D’un père Saint-Barth et d’une mère métropolitaine, Winona a vécu sur l’île jusqu’à l’âge de 15 ans. Assez pour forger son identité et lui transmettre le désir de devenir une ambassadrice de Saint-Barth.
« J’ai vu qu’il y avait un concours dédié à l’Outre-Mer, donc je me suis dit que c’était l’occasion parfaite pour représenter mon île, se souvient l’étudiante au conservatoire de Bordeaux. Je voulais casser cette image de Saint-Barth qui est toujours lié au luxe. » Samedi 2 juillet, lors de la demi-finale du concours, Winona a démontré devant un jury composé de grands noms de l’opéra, que Saint-Barth était aussi un vivier de talent.
« J’ai ressenti une vibration dans tout mon corps »
Partie à Agen pour poursuivre ses études supérieures, c’est lors d’un cours de musique qu’elle découvre sa vocation pour le chant lyrique. « J’étais en spécialité musique et notre prof de lycée nous faisait étudier le classicisme, qui est la période d’apogée du lyrique, raconte Winona. Il nous a demandé de faire un duo, et lorsque j’ai chanté, j’ai ressenti une vibration qui a parcouru tout mon corps. » Winona n’a plus qu’un objectif en tête : devenir chanteuse lyrique.
« Au départ j’étais à la fois en faculté de musicologie et au conservatoire, mais plus on avance dans les années, plus c’est compliqué de mener les deux de front », indique l’artiste. Elle laisse alors tomber les cours théoriques de l’université pour se consacrer à son instrument : la voix. Cours de théâtre, de solfège et de chant, Winona progresse rapidement et se met à rêver aux conservatoires nationaux comme Paris et Lyon.
Un premier concours prometteur
Exercice inévitable dans ce milieu, Winona tente sa chance pour la 5ème édition du concours Voix des Outre-mer. « C’est grâce aux concours qu’on gagne en visibilité et qu’on peut obtenir des bourses, rappelle la chanteuse. Ça nous permet de nous intégrer dans le milieu du travail tout simplement. » Après avoir envoyé une vidéo, Winona est sélectionnée pour la demi-finale Ile-de-France du concours. Pour se préparer au grand soir, elle a accès à quatre masterclass animées par Fabrice di Falco, chanteur martiniquais aussi président du concours, et Pascal Gmyrek.
« C’était une super expérience, pendant plusieurs jours on baigne dans le chant, se remémore l’étudiante. Au début, c’était très surprenant parce que tout était filmé. Tu arrives et tu chantes pour te présenter aux autres. » Au total, treize chanteurs ont concouru dans les catégories lyriques et « c’est pas lyrique » afin d’accéder à la grande finale. Dans une robe rose satinée, Winona a ouvert le bal avec le morceau « J’ai perdu mon Eurydice » tiré de l’opéra Orphée et Eurydice de Gluck.
« C’est un morceau qui ne demande pas tant une prouesse technique, précise Winona. Il repose plutôt sur l’interprétation, la manière dont je vais le remplir avec mon timbre de voix. » Pour expliciter son propos, la jeune fille se lance dans le récit du mythe d’Orphée. « Ce morceau se situe à la fin de l’histoire, lorsqu’Orphée a perdu une deuxième fois et pour toujours Eurydice. On a lui a dit de ne pas se retourner mais il le fait quand même, il a chié dans la colle », lâche sans filtre la jeune fille.
Contrairement au personnage qu’elle incarne, Winona, elle, met le destin de son côté. Dans la catégorie lyrique, elle obtient le troisième prix et son ticket pour la grande finale à l’Opéra Bastille, à Paris. « Pour mes 18 ans, je suis allée voir avec ma mère mon premier opéra et c’était à Bastille, se souvient Winona, avec les yeux qui brillent. Je vais marcher dans les pas de tous ceux qui y sont passés, c’est incroyable. » Et par la même occasion, faire monter Saint-Barth sur les planches de l’opéra national.