Tous les ans à la même période, le problème resurgit. Pour les nouveaux arrivants sur l’île mais aussi pour les personnes qui résident à Saint-Barth depuis des années. Les premiers, lorsque leur nouvel employeur ne propose pas de les loger, sont en quête d’une chambre ou d’un appartement. Les seconds, souvent parce que le bail de leur logement est arrivé à échéance et que le propriétaire souhaite en récupérer l’usage, doivent impérativement trouver un toit s’ils veulent rester sur l’île. Un phénomène qui n’est pas l’apanage de saisonniers mais également de salariés aux revenus confortables. Parfois même de chefs d’entreprise. Quoi qu’il en soit, la pénurie et les prix à la location sont deux obstacles qui se dressent systématiquement face à celles et ceux qui cherchent à se loger.
« 3.600 euros pour une chambre »
Sur les réseaux sociaux ou les sites spécialisés, les annonces pullulent depuis plusieurs semaines. Elles vont de la recherche d’un appartement ou d’un studio à « une chambre sur un bateau », dans une collocation et, plus rares, concernent parfois une recherche de maison. Mais pour toutes ces personnes qui n’ont pas la chance de bénéficier d’un logement fourni par leur employeur, les solutions sont peu nombreuses. Si certaines recherches sont, financièrement, quelque peu déconnectées de la réalité du terrain avec des fourchettes de loyers qui oscillent entre 1.200 et 1.700 euros par mois, d’autres semblent pourtant entrer dans les canons très élevés de Saint-Barth : 2.000 à 2.500 pour un appartement ou un studio, 4.000 à 6.000 euros pour une maison. Ça ne semble plus suffisant.
Arrivée sur l’île, en famille, il y a moins de deux ans, Solène* devait être logée par son employeur. Malheureusement, la crise du Covid-19 et d’autres facteurs ont considérablement retardé la livraison de l’appartement qui lui était promis. Depuis son arrivée, elle a changé de logement à trois reprises. Une situation pour le moins perturbante. Pourtant, comme elle le confie, elle dispose de revenus « très confortables » mais, constate-t-elle, « qui sont loin de coller à la réalité de Saint-Barth ». Elle explique : « Pour commencer, l’offre est très inférieure à la demande réelle. Et depuis mes recherches à mon arrivée j’ai vu une envolée fulgurante des prix. Avant le Covid, pour un appartement avec une ou deux chambres, on était entre 2.400 et 2.600 euros par mois. C’était cohérent avec ce qui se pratiquait sur l’île. » Quand elle s’est mise en quête d’un nouvel appartement il y a une poignée de semaines, Solène a été soufflée par la hausse des tarifs. « On vient de me proposer une chambre dans une villa pour 3.600 euros par mois, s’étouffe-t-elle. C’est hallucinant. Et puis il n’y a quasiment plus de logement disponible à l’année. » Comme d’autres personnes dans cette situation « précaire », Solène envisage donc le départ. A regret. « C’est une idée qui murit de plus en plus », souffle-t-elle. Elle n’est pas la seule à envisager cette solution.
Des annonces, pas de proposition
De fait, parmi les nombreuses annonces qui inondent les réseaux sociaux, beaucoup concernent des résidents de longue date. Cinq, huit, dix, parfois quinze ans de présence à Saint-Barth. Pourtant, à défaut d’habitation, le départ sera leur seule issue. Stéphanie* fait partie de ces «anciens » qui pensent à s’envoler. « Après des années dans le même logement, on apprend que le bail n’est pas renouvelé, raconte-t-elle. Mon premier sentiment a été de la colère et de l’incompréhension, et puis j’ai relativisé. Mais avec deux enfants, ça limite clairement les offres disponibles. » Après plusieurs annonces publiées sur les réseaux sociaux, elle n’a toujours pas reçu la moindre proposition. A l’inverse, Nathalie, qui cherche aussi «une chambre », a rapidement été sollicitée. Malheureusement pour des propositions des plus farfelues, pour ne pas écrire parfaitement déplacées. «Quelqu’un m’a même gentiment proposé de partager son lit », grogne-t-elle, mi amusée, mi outrée.
Pascal* habite l’île depuis plus de sept ans. Lui aussi cherche un nouveau toit. Si, malgré ses connaissances et sa belle situation professionnelle, il n’a pas encore de solution, il ne désespère pas. « J’ai un ou deux canapés de dispo chez des amis pour le moment, mais ça ne peut pas durer », sourit-il. Et puis il assure se sentir privilégié lorsqu’il compare sa situation à celle de nouveaux arrivants ou de personnes présentent sur l’île depuis moins longtemps que lui. « On travaille énormément à Saint-Barth, avec de haute exigences en matière de qualité, affirme-t-il. Alors quand les revenus ne sont pas à la hauteur et que le logement est précaire, il faut sérieusement s’interroger sur l’intérêt de rester. Surtout quand on est nouvel arrivant et que l’on ne bénéficie pas d’un statut fiscal adapté à l’île. »
« Un logement, ça vaut de l’or »
Pour Solène, la question du logement est évidemment primordiale. Surtout en famille. « On voit pourtant de plus en plus de situation de colocation, une sorte de migration, de regroupement de familles », constate-t-elle. Une éventualité qu’elle se refuse à envisager. Même chose pour Stéphanie. « Pas question de balader mes enfants de canapé en canapé », lance-t-elle. Et de souligner les rapports parfois délicats avec les propriétaires. « Avec ces baux d’un an renouvelables, on n’ose rien dire quand il y a un truc qui ne va pas dans la maison, glisse-t-elle. On s’est toujours occupé de tout sans rien demander de peur de déranger et d’être mis dehors.» Pascal confirme : «En tant que locataire, en effet, on est très prudent. Un logement correct à Saint-Barth, ça vaut de l’or. Au sens propre comme au figuré ! »
Pour Stéphanie, Solène, Pascal et les autres, les recherches continuent. Avec l’espoir de trouver - rapidement- la « perle rare ».
*Les prénoms ont été modifiés.