Manger de la viande de Saint-Barthélemy, c’est possible, mais illégal. Sans abattoir ni service vétérinaire sur place, la vente et la consommation sont hors la loi.
Un délicieux colombo de cabri, plat traditionnel de Saint-Barthélemy ; or ceux que vous mangerez dans les restaurants de l’île sont faits à partir de viande importée - ou illégale. Car les cabris sauvages de Saint-Barth ne sont pas classés comme du gibier, il est donc interdit de les tuer et de les consommer. Quand aux élevages, ils devraient être déclarés aux services de l’Etat et chaque animal marqué à la naissance. Même si c’était le cas, sans abattoir homologué, interdit de tuer ses bêtes. Il en va de même pour tous les animaux de l’île. Or, depuis des générations, des habitants élèvent des poules, des cochons, des vaches, des moutons, des chèvres. Et les vendent pour leur viande, morts ou vifs.
Dans le cercle familial
C’est une pratique illégale. «Saint-Barthélemy tombe sous le coup du code rural, qui indique que l’on n’a pas le droit de consommer un animal non identifié », résume Michel Vély, directeur du service vétérinaire et phytosanitaire à la préfecture de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. « Si vous abattez un bovin en dehors d’un abattoir, c’est 6 mois de prison et 7.500 euros d’amende. C’est un délit. » Quelques exceptions à la règle : un cochon, par exemple, peut être abattu et consommé uniquement dans le cercle familial. Les détenteurs de volailles, eux, «peuvent avoir des tueries particulières, mais ils doivent les déclarer ».
Dans les années 60, un lieu d’abattage était construit à l’entrée du port de Gustavia. En 1988, un nouvel abattoir était bâti en lieu et place de l’actuelle station d’épuration, pour remplacer peu à peu le premier bâtiment. Les habitants amenaient leur bêtes, qui étaient tuées là au petit matin, et leurs restes jetés dans la mer ou dans la rade –repas de rêve pour les requins.
Ainsi, alors que l’agriculture française tient salon en ce moment à Paris, à Saint-Barthélemy, l’activité agricole, pour ce qui est de l’élevage, est quasi impossible. « Il y a un vide juridique », admet Michel Vély. « J’ai discuté avec le président de la Collectivité et le directeur de l’Agence de l’environnement, l’idée serait de mettre en place un établissement d’élevage qui gère tout ça, et d’identifier les animaux au niveau de Saint-Barthélemy. Saint-Martin est en train de créer son propre établissement d’élevage », informe Michel Vély. Quand, après Irma, le gouvernement a annoncé sa volonté de renforcer les effectifs de la préfecture des Îles du Nord, le chef des services vétérinaires et phytosanitaires a sauté sur l’occasion pour formuler une demande : « J’aimerais bien qu’on ait quelqu’un à plein temps à Saint-Barthélemy. » Entre la gestion des cabris sauvages, la création d’une réglementation phytosanitaire pour les plantes, l’élevage et l’abattage des bêtes, les contrôles d’hygiène dans les restaurants, il y aurait déjà de quoi travailler.
Résultat : les viandes que l’on consomme à Saint-Barthélemy proviennent d’Europe ou des Etats-Unis, principalement. Pourtant, un circuit court ne demande qu’à exister. De tout temps, les Saint-Barth ont subsisté grâce leurs petits élevages, des viandes 100% bio qui plus est. Si la place et l’herbe verte manquent pour installer des troupeaux de vaches, des fermes caprines, des basses-cours ou des porcheries sont tout à fait imaginables sur l’île –d’autant qu’à toute petite échelle, elles existent déjà. Et pourraient même être rentables. Qui sait, peut-être verra-t-on un jour le président de la République flatter la croupe d’un porc de Saint-Barthélemy, porte de Versailles…
Le premier abattoir à Gustavia, à l’entrée du port, dans les années soixante. ©DR
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