Une volonté de changement s’accompagne parfois d’un excès de précipitation. Il arrrive que celui-ci soit qualifié de péché et il a bien souvent pour conséquence de provoquer un résultat inverse à celui escompté. Quoi qu’il en soit, lorsque les élus du conseil territorial ont approuvé, le 22 décembre en séance ordinaire, un sixième avenant au contrat de délégation de service public pour la modernisation et l’exploitation du service de propreté confié à Ouanalao Environnement, ils ont également entériné une hausse de la grille tarifaire pour les apports en déchetterie des ordures ménagères, de collecte sélective et de carton pour les professionnels. La seule difficulté est que ces derniers, les professionnels du transport de déchets, n’ont pas été préalablement consultés. Ou comment placer la charrue avant les bœufs.
C’est donc le 30 décembre, deux jours avant la mise en application du nouveau système, qu’ils ont été informés de ces modifications. Quelque peu stupéfaits, les professionnels ont immédiatement sollicité un entretien auprès de la Collectivité. Une réunion a donc été organisée dans l’urgence, le jeudi 5 janvier, en présence de la troisième vice-présidente, Marie-Angèle Aubin.
Pour la Collectivité, il s’est agi d’exposer les raisons de ces augmentations. « Une modification qui s’avérait nécessaire dans le cadre de l’équilibre des marchés, au regard des tarifs qui n’avaient pas évolué depuis une décennie », précise sobrement Xavier Lédée dans un communiqué de la Collectivité publié hier, mercredi 11 janvier, sur un réseau social. Elle découle surtout d’une alerte du groupe Paprec qui a enregistré d’importants surcoûts lors de la construction de la deuxième unité d’incinération du centre de déchets de Ouanalao Environnement. Principalement en raison des contraintes et retards nés de la crise du Covid puis de l’inflation galopante qui a touché l’ensemble des secteurs d’activité. Il faut donc parvenir à équilibrer ce surcoût et pour cela, faire entrer un million d’euros dans les caisses.
55 passages en déchetterie en deux jours
Dans un premier temps, la Collectivité a procédé à une révision à la hausse de la taxe d’enlèvements des déchets pour les professionnels (JSB 1498). Elle a ensuite décidé de revoir la grille tarifaire pour les apports en déchetterie (JSB 1501). « Avec des tarifs colossaux », s’étouffe Jérôme Guinet de la société Top Services. Mais au-delà des prix, c’est la méthode de travail que le patron estime inapplicable. « Jusqu’a présent, on collectait mutuellement les déchets des clients privés, explique-t-il. On remplit et on va vider à la déchetterie. Avec le nouveau système, on doit faire de la facturation client par client. » Ce que l’entreprise a fait pendant deux jours, suite à la mise en application de la décision territoriale. « En décembre, on a fait 51 passages en déchetterie, détaille Jérôme Guinet. Les 2 et 3 janvier, on en était déjà à 55 passages. Le 3, on n’est pas arrivé à faire le ramassage pour tous les clients. Il faut mettre en place une logistique client par client et aussi établir des tableaux spéciaux car ils n’ont pas les mêmes déchets ! On scanne toutes les factures pour facturer en fin de mois, parce qu’ils vont nous demander des comptes. » Une évidence puisque, jusqu’à présent, ce service était gratuit.
Selon ses estimations, le chef d’entreprise considère qu’avec cette modification des tarifs, le coût global en déchetterie pour ses clients sera d’environ 30.000 euros par mois. Des sommes que la société sera obligée d’avancer dans l’attente des paiements. Néanmoins, une fois encore, c’est le fonctionnement qui interpelle Jérôme Guinet. « Avant, une tournée durait 2h30 en moyenne, assure-t-il. Là, elle commence à 6h45 pour finir à 11h45 (heure de fermeture de la déchetterie, ndlr). Avec des allers et retours entre chaque client. On ne peut pas y arriver. »
Pour les entreprises de climatisation, la difficulté est autre et davantage liée au tarif. En effet, il est désormais de 2.000 euros pour une tonne. Les clients des sociétés ont donc le choix entre payer un professionnel pour les débarrasser de leur machine usagée ou la déposer par leurs propres moyens en déchetterie.
De son côté, suite à la suspension décidée par le président, la Collectivité a « convié (les professionnels du transport des déchets, ndlr) à proposer des solutions pratiques ». Une réflexion est également en cours dans les services territoriaux. Avec, pour l’heure, quelques pistes. Comme la création en déchetterie d’une carte spécifique aux transporteurs leur permettant d’enregistrer chaque passage, ou l’instauration d’un prélèvement à la source par le biais d’une écotaxe sur les produits entrants sur l’île.