Comme tous les dimanches de marché, Ginette Rio est installée derrière son étal situé sous les volets fermés du Sélect. Devant elle, une sélection de ses nombreux punchs (elle en compte plus d’une centaine) posés sur la table. Elle se fend d’un large sourire pour accueillir des clients tandis que des passants la saluent en lançant : « Félicitations Ginette ! » En effet, la semaine dernière au Salon de l’Agriculture qui se tenait Porte de Versailles, à Paris, trois punchs fabriqués par Ginette Rio ont été distingués. Les « Punchs Gigi » ont reçu une médaille d’or (punch scrubb), une d’argent (punch passion) et une de bronze (mangue).
« Mon fils Lucky m’a appelé depuis Paris pour m’apprendre ça, s’étonne encore Ginette. J’étais tellement contente. Je ne me faisais pas trop d’illusion, donc c’était une belle surprise. Surtout pour la médaille d’or du scrubb, parce que c’est le coco qui a fait ma réputation. Mais avec le froid, la coco ne tient pas ! » Pour les deux autres, passion et mangue, la surprise a été tout aussi grande. Mais comme le dit Ginette en riant : « Ils sont tous bons mes punchs ! »
Le coup de foudre
Tout a commencé en 1972. A tout le moins pour l’histoire qui réunit Ginette Rio et le rhum. Car « Gigi » est née en 1946 à Colombier. « En 1972, je travaillais dans l’hôtellerie, raconte-t-elle, et je me suis dit qu’il faudrait que je fasse quelque chose. C’est là que j’ai commencé à faire le punch coco. Mais je ne le vendais pas, c’était comme ça. » A la même époque, Ginette fait la connaissance de Max Rio. « Il arrivait de Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor, pour travailler à Saint-Barth dans l’hôtellerie, se souvient-elle. Ça été le coup de foudre ! A l’époque, mon patron au Village Saint-Jean était Roger Lacour. Quand je suis partie, j’attendais mon premier enfant. Et Roger a quitté en même temps que moi parce qu’il allait se marier. »
De son union avec Max, Ginette aura trois enfants. «Mais j’en ai perdu un », soupire-t-elle avant de reprendre son récit. « Je travaillais pour moi, explique-t-elle. J’ai eu une épicerie puis mon bar à Anse des Cayes, et mon restaurant en 1978. Je vendais mes rhums et puis des cocktails que j’avais créés. Le “Barracuda” que j’avais fait pour l’équipe de rugby, la « “Glissade” parce qu’un Américain qui travaillait avec moi m’avait dit qu’on dirait de la glissade, le “Lagon bleu”, « “Neige rose”, etc. Les cocktails c’était pour le soir et la journée les gens prenaient leur ti-punch pour l’apéro avant de manger. » Malheureusement, le restaurant part littéralement en flamme en 2009. « Qui ne connaissait pas Chez Ginette ?!! », lance la médaillée, tout sourire.
L’aventure aurait pu s’arrêter là, mais Ginette Rio a de la suite dans les idées. « Comme je n’avais plus de place pour faire mes rhums, j’ai loué un local pendant treize ans à Corossol, indique-t-elle. Et puis il a été vendu aux enchères. Maintenant, j’ai ma petite boutique chez moi à Corossol. » Tous les jours, elle coupe ses fruits, les met dans le rhum et place les bouteilles au soleil. « Comme ça, à la fin de la journée, on peut déjà les goûter », sourit-elle.
Pour la sucession, Ginette compte sur son fils, Lucky. Il travaille pour prendre la relève. « Ma fille, Eve, elle ne veut pas, glisse-t-elle. Elle a été élevée là-dedans, il y avait tout le temps du monde chez moi, donc elle veut faire autre chose, c’est normal. » Et puis il y a ses trois petites filles, que Ginette évoque avec fierté. Néanmoins, la fierté, ce sont sans aucun doute ses enfants et ses petites filles qui en ressentent les effets depuis une semaine, en sachant leur mère et grand-mère récompensée pour ses efforts.