Saint-Barth - droits des femmes 8 mars

Une trentaine de personnes ont participé le vendredi 8 mars à la soirée organisée au théâtre du Paradis à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Sur scène, la gendarmerie, l’association France Victimes et une psychologue ont répondu aux questions du public.

« Aucune femme victime de violences ne dormira dehors »

En 2023, 77% des victimes de violences intrafamiliales à Saint-Barthélemy étaient des femmes. Parallèlement, la gendarmerie a enregistré six faits de viol et treize d’agression sexuelle. Aussi, la soirée organisée le vendredi 8 mars au théâtre du Paradis sur le thème des violences faites aux femmes, dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, s’est inscrite dans une réalité sociétale des plus actuelles. L’événement a été organisé de concert par SB Artists, la préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin et la Collectivité territoriale. Une rencontre en deux temps, puisqu’elle a d’abord été marquée par un débat sur les violences faites aux femmes puis, dans un second, par un spectacle donné par la troupe féminine « Cabaret » de l’Ajoe menée par Cécile Coudreau.

« Pas évident de s’exprimer »
Ce sont deux hommes qui ont inauguré la soirée. Le président de la Collectivité, Xavier Lédée, a remarqué que la parole peine encore à se libérer sur les violences faites aux femmes. « Il n’est pas évident de s’exprimer sur une petite île, a-t-il constaté. Un vrai travail reste à faire pour comprendre que même de simples gestes, ou une parole, peuvent être graves. » Le préfet délégué des Iles du Nord, Vincent Berton, a insisté sur le fait que le 8 mars est un moment destiné à « prendre de la hauteur » sur les sujets qui préoccupent et occupent les femmes. « Il ne faut pas tomber dans le catastrophisme, mais il y a une augmentation significative des violences faites aux femmes à Saint-Barthélemy, a-t-il rappelé. Ce sont des phénomènes complexes. Par conséquent, il ne faut pas trop simplifier les comportements humains. »

46 enquêtes ouvertes
Pour lancer les débats, animés par la déléguée du préfet à Saint-Barthélemy Aliénor Barbé-Guillaume, la chorale de SB Artists baptisée Les Castafiores a entonné trois chants évoquant les violences conjugales, la charge mentale et la libération de la parole. «Les violences conjugales peuvent être diverses, a détaillé Aliénor Barbé-Guillaume. Physiques, verbales, économiques, administratives… » Sur la scène, le colonel Maxime Wintzer, qui dirige les forces de la gendarmerie à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, assure : « Les chiffres doivent nous inquiéter. Si les campagnes médiatiques incitent les gens à nous contacter, la loi du silence qui entoure la victime existe toujours. En 2016 à Saint-Barthélemy, seuls 28 faits de Vif (violences intrafamiliales) avaient été recensés. En 2023, nous sommes intervenus environ 130 fois pour des Vif. Ça ne veut pas dire qu’il y a plus de violence, mais plutôt une prise de conscience. Moi, ça me rassure qu’il y ait cette augmentation. Cela signifie qu’il y a plus de signalements. » Il précise qu’actuellement, 46 enquêtes judiciaires pour des violences intrafamiliales, dont des violences sexuelles, sont ouvertes.

Expulsion du domicile conjugal
Olivier Canale Fatou, directeur de l’association France Victimes, se veut aussi ferme que rassurant sur la prise en charge des victimes de violences conjugales. « Des logements d’accueil existent à Saint-Barth et à Saint-Martin, rappelle-t-il. Aucune femme victime de violence ne dormira dehors. » Quant aux actions de protection, elles sont multiples. L’interdiction pour l’agresseur d’entrer en contact avec la victime, la mesure d’éloignement (qui peut signifier l’interdiction de séjour à Saint-Barth) ou l’obligation de quitter le domicile conjugal. « Nous travaillons au quotidien avec le procureur de la République, insiste Olivier Canale Fatou. Un magistrat peut aujourd’hui rendre une ordonnance de protection en moins de 24 heures. Les femmes victimes de violences sont prises en charges et protégées. »
Le directeur de France Victimes précise que grâce à l’ordonnance de protection, un auteur de violence peut être contraint à quitter le domicile conjugal, « même s’il en est le propriétaire ». De fait, il peut non seulement être obligé de s’en aller mais aussi de payer le loyer si la victime continue d’occuper le logement. Sybel Aydin, juriste et directrice adjointe de l’organisme, souligne que même si le couple vit dans le logement de fonction dont dispose l’auteur des violences, la justice a la possibilité de l’évincer du domicile. « Enormément de victimes veulent rester au domicile conjugal et ne comprennent pas pourquoi c’est à elles de le quitter », remarque la juriste.

« On ne baisse pas les bras »
Le colonel Wintzer reprend la parole et souligne que 30% des faits de violence sont en lien avec la consommation d’alcool ou de drogue. Et d’ajouter que 15 à 20% des violences interviennent au sein de couples étrangers ou de passage sur l’île. « On ne baisse pas les bras et on aide tout le monde », affirme-t-il en donnant l’exemple d’un mari violent qui après avoir quitté l’île en direction des Etats-Unis, a été interpellé à son ­arrivée.
La longueur des procédures est évoquée. Leur efficacité également. « Plus les victimes attendent, plus il nous est difficile de déterminer quelles sont les blessures », insiste le colonel. Par ailleurs, il est précisé que lorsqu’une victime de violence conjugale se présente à l’hôpital, l’établissement de santé est tenu d’alerter la gendarmerie. « Il existe des protocoles pour détecter les victimes de violences conjugales, explique Olivier Canale Fatou. Nous allons sensibiliser le personnel hospitalier sur cette question. » Car, comme le rappelle le colonel Wintzer, « ce sont des dossiers qui ne doivent pas traîner et on prend ces affaires très au sérieux ». Il ajoute : « Ce n’est pas parce que la victime ne porte pas plainte que l’on ne va pas interpeller l’auteur. »
Pour l’entourage, comment savoir s’il y a des violences ? « Si vous vous posez des questions, c’est sans doute qu’il se passe déjà quelque chose », réplique le colonel Wintzer. Une psychologue complète : « Les violences conjugales sont aussi très souvent psychologiques. Il ne faut pas minimiser la question de l’emprise de l’agresseur sur la victime. Et des insultes, ce n’est pas une dispute. Un agresseur peut aussi couper sa victime de sa famille, de ses amis. Souvent, les victimes ont honte de la situation dans laquelle elles sont. » Olivier Canale Fatou confirme : « On reçoit beaucoup de femmes qui ne veulent pas porter plainte. Sur un cas concret, il nous a fallu huit mois pour accompagner physiquement une femme jusqu’au dépôt de plainte. Notre rôle n’est pas de juger les victimes mais de les accompagner au mieux. »
Les échanges prennent fin. Avec le sentiment que le sujet des violences faites quotidiennement aux femmes devrait générer de manière plus fréquente des discussions dans l’espace public. Ne serait-ce que pour libérer davantage encore la parole.

Des contacts utiles
L’association France Victime est joignable par téléphone (0690378401) ou par courriel (francevictimes978@ gmail.com).
Site internet : www.france-victimes.fr
Pour contacter la gendarmerie, le numéro d’urgence classique (le 17) et le numéro d’écoute réservé aux femmes victimes de violences (le 3919). La gendarmerie dispose aussi d’un système de géolocalisation par téléphonie mobile (GendLoc). L’application est téléchargeable sur Apple et Android store.

 

Journal de Saint-Barth N°1558 du 14/03/2024

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