Saint-Barth -

Reda Amalou, fondateur et associé du cabinet d’architecture AW2, a conçu les plans du nouveau projet hôtelier de Saint-Jean baptisé Emeraude Plage. ©redaamalou.com

« Une architecture avec une conscience écologique »

Fondateur associé du cabinet d’architecture AW2 qui a conçu le nouveau projet du complexe hôtelier Émeraude Plage, Reda Amalou évoque l’importance de créer un ensemble respectueux des préoccupations locales en s’inspirant de l’histoire et du mode de vie de l’île.

 

A Saint-Jean, le projet hôtelier de L’Etoile n’est plus. Après des années de conflits et, surtout, des mois de travail, il a cédé sa place à un nouveau projet qui reprend le nom de l’ancien établissement détruit par l’ouragan Irma en 2017 : L’Emeraude. Il est toujours porté par la Saint-Jean Beach Real Estate invest SAS mais se présente sous un autre jour. Grâce, en grande partie, aux travaux de conception réalisés par l’agence d’architecture AW2. Son fondateur et associé, Reda Amalou, évoque avec enthousiasme le défi qu’a pu représenter la reprise d’un dossier a priori si complexe.
Depuis 27 ans, l’agence AW2 travaille dans le secteur de l’hôtellerie de luxe et d’expérience. « Mais avec l’ambition ultime d’essayer de faire voyager les gens différemment, de manière unique », insiste Reda Amalou. Dans quarante pays, des établissements ont été érigés d’après les plans imaginés et réalisés par son agence. « Nous privilégions les hôtels de type “resort”, diffus, pas les grosses masses, précise l’architecte. Nous nous inscrivons dans l’esprit des spécificités locales, dans le sens le plus noble du terme. » Sur le projet de Saint-Jean, Reda Amalou et ses équipes ont été approchés dans ce qui pourrait être qualifié de deuxième phase du projet. « Nous avons été sollicités pour notre expérience, je pense, mais aussi parce que nous avons développé, bien avant la mode actuelle, une préférence pour les structures en bois, explique Reda Amalou. En étudiant le local, on a développé une architecture avec une conscience écologique. On travaille en lien très fort avec le lieu. Je pense que c’est cette expertise que le maître d’ouvrage est venu chercher avec nous. »

« Réinventer en conservant le sens »
De fait, pour l’architecte, afin de créer un ensemble respectueux des préoccupations locales, il fallait « se positionner de manière forte et repenser ce qui avait été fait ». Il déclare : « Les hôtels ne peuvent plus être seulement basés sur la qualité du room service, de la taille des chambres, etc. Ils doivent intégrer la sensibilité du lieu, sa culture sous toutes ses formes, son histoire… Il a donc fallu s’inspirer de tout cela, le réinventer tout en conservant le sens des choses. Et, surtout, en ayant une approche écologique. »
L’expérience des projets en zone tropicale est loin d’être étrangère à Reda Amalou et à ses équipes. « C’est souvent problématique, admet-il. Pour ce projet, on a beaucoup travaillé sur l’eau et son cycle d’utilisation, en deux ou trois fois. C’est extrêmement important pour que l’on ne perde pas l’eau créée au départ. » Il insiste sur l’importance de créer une « poche verte », avec des espèces endémiques, en intégrant les bâtiments dans un paysage végétal. Minimiser l’utilisation des énergies fossiles grâce au solaire et mettre en place des système économes, tels sont les objectifs de Reda Amalou. « La climatisation est l’un des appareils qui représente une consommation majeure, rappelle-t-il. Or, on sait que la ventilation naturelle peut fonctionner une grande partie de l’année. »
S’il est un défi qui a stimulé l’imagination de l’architecte dès sa première visite à Saint-Jean, c’est le lien entre le site du futur hôtel et la plage. « C’est puissant, constate-t-il. Et assez unique au monde. Donc ce rapport entre les bâtiments et la plage, c’est quelque chose de critique sur laquelle il fallait fortement travailler. » Il a donc imaginé une structure pavillonnaire sur plage entièrement en rez-de-chaussée. « Il fallait penser une architecture de pavillon dans un jardin, de manière à donner depuis la plage la sensation d’un lieu végétalisé, ajoute-t-il. Cette énergie dans les deux sens est importante. C’est un enjeu majeur pour l’île. » Particulièrement sur un site qui est bloqué à l’état de terrain vague depuis près de sept ans.

 

L’étude d’impact présentée à la population
Depuis le lundi 8 avril et jusqu’au vendredi 3 mai, l’étude d’impact jointe à la demande de permis de construire du projet d’hôtel Emeraude Plage (anciennement L’Etoile) à Saint-Jean est tenue à la disposition du public à l’accueil de l’hôtel de la Collectivité. Le dossier présenté comprend un résumé non technique de l’étude ainsi que le dossier complet de l’étude d’impact et ses annexes. On peut notamment y lire : « Le projet modifié adopte un gabarit très proche de l'ancien hôtel Emeraude Plage. Il comprendra en effet 38 chambres, un restaurant de plage de 60 places, un espace fitness réservé aux clients de l'hôtel, une boutique et tous les locaux techniques, locaux du personnel et places de parking nécessaires au bon fonctionnement de l'établissement. » Il est à noter que le propriétaire de la SAS Saint-Jean Beach Real Estate Invest l’est également de l’hôtel Le Barthélemy.
L’ensemble des éléments est également consultable sur le site internet de la Collectivité. Durant cette période, le public pourra formuler ses observations en déposant ou en adressant un courrier par voie postale, à l’adresse suivante : A l’attention du Président du Conseil Territorial, Service de l’environnement de la Collectivité de Saint-Barthélemy, 4 rue de Piteå, Gustavia-BP 113, 97098 Saint-Barthélemy Cedex.
De plus, jusqu’au vendredi 3 mai à 17 heures, la population pourra également adresser ses observations à l'adresse électronique suivante : consultation.etoile@comstbarth.fr

 

Justice, médiation et nouveau projet
L’histoire du projet hôtelier qui a émergé à la suite de la destruction de l’hôtel Emeraude Plage par l’ouragan Irma en 2017 a été marquée par de nombreux épisodes.
La première demande de permis de construire a été déposée le 26 février 2019 par la SAS Saint-Jean Beach Real Estate Invest. Un dossier complet qui a été élaboré en se basant sur les règles établies par la carte de l’urbanisme du 24 février 2017. Le 19 décembre 2019, le conseil exécutif accorde un permis de construire à la SAS Saint-Jean Beach Real Estate Invest pour un hôtel de 50 chambres qui comprend des piscines, un restaurant, un spa, une boutique, des locaux techniques, des locaux utilisés par le personnel et un parking souterrain, sur un terrain constitué de trois parcelles d’une superficie totale de 12 254 mètres carrés.
Les élus d’opposition du groupe Saint-Barth Autrement mais aussi l’association Saint-Barth Essentiel soulèvent divers problèmes à plusieurs reprises. Face à ces protestations, la Collectivité convainc la SAS Saint-Jean Beach Real Estate Invest de rédiger une demande de permis de construire modificatif. Le permis de construire modifié est déposé le 28 août 2020 et délivré le 3 juin 2021. On y trouve la suppression d’un niveau sur deux bâtiments en front de mer, la réorganisation de six corps de bâtiments, la suppression d’une des deux piscines communes situées au cœur du projet, des modifications mineures sur trois bâtiments et sur une construction, l’ajout d’un corps de bâtiment à usage technique, l’adaptation de la station d’épuration et du niveau sous-sol. Rien qui puisse satisfaire l’association Saint-Barth Essentiel et les opposants au projet. Une nouvelle procédure est donc engagée devant le tribunal administratif et le permis modifié est suspendu. Dans la foulé, la SAS Saint-Jean Beach Real Estate Invest demande qu’un autre permis modificatif lui soit accordé. Une requête qui restera définitivement lettre morte après la décision rendue le 23 décembre 2022 par le tribunal administratif de Basse-Terre qui prononce l’annulation des permis de construire (originel et modificatif) délivré par la Collectivité territoriale à la SAS Saint-Jean Beach Real Estate Invest.
Depuis, une médiation a été engagée par la Cour administrative d’appel de Bordeaux. Elle a abouti à la signature le 19 mars dernier d’un accord transactionnel de médiation entre la société SAS Saint-Jean Beach Real Estate Invest et l’association Saint-Barth Essentiel. Interrogé sur l’avancée du projet, le président de la Collectivité Xavier Lédée détaille : « Le projet sollicité a pour objet la : « Mise en conformité du projet par rapport aux nouvelles règles d'urbanisme (zone UV) - Réduction du nombre de clés : 38 au lieu de 50 / Réduction du sous-sol d'environ 60% / Augmentation de la surface plantée- Réduction de la surface de plancher créée et modification de l'aspect architectural ». Il a été conçu selon les règles d’urbanisme applicables à ce jour (soit la carte dans sa rédaction résultant de la délibération n°2021-071 CT du 9 décembre 2021, rendue exécutoire le 26 décembre 2021). » Le président ajoute que le projet est en cours d’instruction « dans les mêmes conditions que les autres demandes d’urbanisme ».  Le conseil exécutif devra se positionner prochainement sur ce dossier. « La collectivité s'est assurée, avec l'ensemble des protagonistes, que la médiation aboutirait à un accord dans l'intérêt de la population de Saint-Barthélemy », assure Xavier Lédée.

 

Journal de Saint-Barth N°1562 du 11/04/2024

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