Juliette Gréaux, présidente de la commission urbanisme, a présenté les nouveautés de la carte d’urbanisme qui doit être révisée d’ici la fin de l’année. Les orientations générales voulues pour ce document, qui restreindra notamment les hauteurs et les constructions sur les plages, ont mis tout le monde d’accord, même si certains regrettent qu’elles arrivent tard.
La carte d’urbanisme adoptée en février 2017 est toujours en balance chez les tribunaux : si la cour d’appel de Bordeaux l’a validée avec une ou deux retoquades, plusieurs contestataires ont porté l’affaire devant le Conseil d’Etat. Pour autant, la commission urbanisme présidée par Juliette Gréaux a travaillé à l’amélioration du document, qui sera révisé en novembre après une consultation du public durant le mois de septembre.
Avant de donner la parole à la conseillère territoriale, Bruno Magras introduit le débat en rappelant qu’à sa première élection comme maire de Saint-Barthélemy en 1995, «dix-huit lotissements avaient déjà été accordés par l’Etat ». Façon de souligner qu’il n’est pas responsable de l’intégralité de ce qui existe sur l’île aujourd’hui. « La carte actuelle est appliquée depuis 2017 et commence à porter ses fruits », poursuit-il. « Pour une fois, la Collectivité dispose d’un document opposable aux tiers. »
182 demandes de
déclassement de terrains
Ce qui devrait changer dans la future version de la carte : en bord de plages les droits à construire devraient être considérablement réduits ; les bâtiments à deux niveaux devraient être limités uniquement aux quartiers où ils sont déjà la norme ; de nouvelles zones URa (intermédiaires entre zones résidentielles et zones naturelles) devraient voir le jour, la commission urbanisme ayant reçu 182 demandes de déclassement de terrains. L’aménagement en bord des routes devrait aussi être encadré (murets, clôtures, recul du bâti). Les détails sont à lire dans notre précédente édition (JSB 1381).
Après l’exposé de Juliette Gréaux, la conseillère territoriale d’opposition Bettina Cointre (Tous pour Saint-Barth) prend la parole. «Cette révision est positive à mon sens », commence-t-elle. «Les propositions vont dans le même sens que celles que j’avais formulées au moment du vote de la carte, en 2017. » Et de rappeler non sans une pointe d’amertume qu’en 2016, elle avait déjà proposé un classement particulier des plages, par exemple, et que sa suggestion avait été retoquée. « Dommage que cela ne se soit pas fait à l’époque, cela aurait évité certains projets que l’on voit aujourd’hui, comme l’Emeraude Plage ou la grosse villa à côté de la cabane de surf, à Lorient. »
Terrassement
et soutènement
Philippe Baffert, le technicien de la carte d’urbanisme employé par la Collectivité, participait par téléphone au conseil territorial pour répondre aux éventuelles questions. Il a reconnu certains manquements dans le document actuel, qualifiant même de «fâcheuse » la villa en cours de construction à Flamands, sous la Baboune, et indiquant qu’il en prenait sa part de responsabilité. « On a un vrai problème sur les terrassements et soutènements. En 2017, la carte avait traité la question des terrassements au dessus des maisons existantes, mais pas en dessous. C’est un oubli. »
La volonté de la majorité de restreindre l’urbanisation fait l’unanimité ce vendredi soir, bien que beaucoup regrettent que ces éléments de révision arrivent tard. Sur certaines plages, les terrains sont déjà tous bâtis.
Plus globalement, « des problèmes, il y en aura », prévient Bruno Magras. « Je plaide pour que les élus gardent une souplesse pour agir. Nous sommes sur un territoire exigu avec une topographie particulière, il faudrait quasiment accorder les permis de construire au cas par cas. Ce qui fait débat aujourd’hui, ce sont essentiellement les grosses baraques. En 2017, nous avons limité la construction à 150 m2 par module. Maintenant, on a un terrain de 33.000 m2 qui vient de se vendre à Grand Fond, avec un projet de vingt maisons. Les acquéreurs ont le droit de construire plusieurs modules si la taille du terrain leur permet », rappelle-t-il. « Par ailleurs, les parcelles cédées aux enfants seront de plus en plus petites. Si on leur demande une végétalisation de 40%, plus un parking, plus une zone d’épandage… A l’avenir, c’est évident qu’il y aura des problèmes de ce type. Dans certains secteurs, il faudra de la souplesse, parce qu’appliquer des règles stricto sensu pourrait conduire à de graves problèmes sociaux à Saint-Barthélemy. »
Le débat sur les nouvelles orientations de la carte est acté malgré une abstention, celle de l’élu Saint-Barth d’Abord Ernest Magras. Prochaine étape, la présentation et la consultation du public sur le document final, en septembre.
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Bâtiments trop hauts : une quarantainede sursis à statuer délivrés depuis février
Depuis février, le conseil exécutif a prononcé une quarantaine de sursis à statuer sur des demandes de permis de construire, en raison des hauteurs trop élevées des bâtiments. Philippe Baffert avait expliqué qu’avant février 2020, bien que la prescription de la révision de la carte ait été votée en 2018, il n’était pas possible de surseoir à statuer car les nouvelles dispositions étaient trop imprécises. Les nouvelles règles de hauteur ont été détaillées au cours d’une réunion début février, puis inscrites dans une note signée du Président et publiées sur le site de la Collectivité. Cette note limite les hauteurs à 3,50 mètres à l’égout du toit, dans la majorité des cas, et à 5,50 mètres là où le paysage est déjà composé de bâtiments à étage, c’est à dire l’Anse des Cayes, Saint-Jean, Flamands et Corossol. Dans les mornes la hauteur privilégiée doit être à 3,50 mètres, mais jusqu’à 25 mètres “d’altitude”, elle peut atteindre les 5,50 mètres. Une carte précise ces nouvelles règles, parcelles par parcelles, et est visible au service de l’urbanisme. Ces règlementations seront fixées secteur par secteur dans la future carte de l’urbanisme. Mais en attendant, la note signée par Bruno Magras permet à la Com depuis février de surseoir à statuer, ce qui suspend la décision sur le permis durant deux ans. Le conseil exécutif n’a en revanche pas le droit de le faire si le pétitionnaire possède un certificat d’urbanisme datant de moins de 18 mois, et délivré avant le mois de février 2020. Les personnes concernées par un sursis à statuer ont plusieurs options : soit elles demandent un réexamen de leur demande de permis, une fois que la carte d’urbanisme est votée, si le projet est finalement conforme aux nouvelles règlementations. S’il ne l’est pas, ils peuvent soumettre un nouveau projet retravaillé pour qu’il entre dans les clous.
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Moins de villas de location, plus d’habitat ?
Les élus Saint-Barth Autrement, Hélène Bernier et Maxime Desouches, avaient en février suggéré au Président de règlementer la destination des permis de construire (JSB 1342). En gros, ils souhaitaient limiter la construction de nouvelles villas à vocation d’hébergement touristique (l’île en compte 850 selon le CTTSB), pour favoriser des projets de résidence principale, destinées aux habitants de l’île ou à la location à l’année. Juliette Gréaux a répondu vendredi sur ce point. Cette mesure est réalisable, si la majorité souhaite la mettre en œuvre, mais elle devra être intégrée au code de l’habitation, non à la carte d’urbanisme. Le code de l’urbanisme actuel doit, une fois la nouvelle carte adoptée, être abondé d’une seconde partie qui en fera un “code de l’urbanisme, de l’habitation et de la construction”. Par ailleurs, Juliette Gréaux souligne qu’elle constate que de nombreux permis de construire sont délivrés pour des résidences principales, mais que dans les faits,souvent le bien se retrouve sur le marché de l’hébergement touristique. « Tout changement de destination doit être déclaré au service de l’urbanisme », rappelle l’élue. « Pour moi, c’est une fraude ».
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Le recueil de recommandations enthousiasme le CESCE
Outre la réglementation, la commission urbanisme prépare la rédaction de deux annexes à la carte d’urbanisme : un lexique pour en faciliter la lecture, et surtout un recueil de recommandations architecturales. L’idée est d’inciter les pétitionnaires à se tourner vers des projets qui correspondent au style Saint-Barth. Dans son avis rédigé pour le conseil territorial de vendredi 26 juin, le CESCE « soutient entièrement cette idée et préconise que les recommandations contenues dans ce recueil s’inscrivent clairement dans la tradition patrimoniale locale, et orientent les nouveaux projets vers des habitations durables, autonomes en énergies ». Le Conseil économique, social, culturel et environnemental se propose, si la Collectivité le souhaite, de participer à la rédaction de ce recueil, par la plume de François Pécard, architecte depuis 40 ans sur l’île et conseiller au sein de l’institution.