L’association Saint-Barth Essentiel a commandé deux rapports distincts à deux ingénieurs géologues, experts auprès des tribunaux, dans le but d’exposer les éventuelles dégradations environnementales engendrées par les travaux de construction de l’hôtel de l’Etoile, à Saint-Jean.
Si deux semaines se sont écoulées sans que Saint-Barth Essentiel n’organise une manifestation devant le site du chantier du futur hôtel de L’Etoile, l’association n’en poursuit pas moins son action afin d’obtenir l’arrêt des travaux.
Ainsi, tandis que la justice doit encore se prononcer sur la validité du permis de construire accordée par la Collectivité au porteur du projet (lire encadré), Saint-Barth Essentiel a fait appel à deux ingénieurs géologues libéraux, experts auprès des tribunaux. L’objectif étant de bénéficier de deux nouvelles expertises, distinctes, afin d’exposer les éventuelles conséquences écologiques et environnementales des aménagements en cours sur la plage de Saint-Jean.
Deux angles d’analyse
Gérard Monnier, ingénieur géologue et hydrogéologue, expert auprès du tribunal de Versailles, s’est fendu d’un rapport de quatorze pages. Pierre Revol, ingénieur agronome et géologue, expert auprès du tribunal de Nancy, a quant à lui rédigé 31 pages. Dans les deux cas, leurs conclusions font état de « risques élevés » d’inondations, voire de submersion, suite à l’édification des structures de l’hôtel.
Si les deux études ne semblent pas aussi étayées, elles n’abordent pas les problématiques liées aux travaux sous un angle similaire. Du moins pas exactement. Quand Gérard Monnier évoque régulièrement la méthodologie des différentes phases des travaux et insiste sur le fait qu’elle « ne paraît pas adaptée au projet et à la sensibilité environnementale du milieu », Pierre Revol plonge davantage dans les modifications envisageables du milieu naturel pendant et après les travaux.
Absence de renseignements
Concernant l’emploi du Jet-Grouting (procédé de consolidation de sol qui consiste à injecter sous haute pression un coulis à base de ciment, réalisant in situ un mélange sol-ciment) et les opérations de rabatement de la nappe phréatique, Gérard Monnier précise : « Elles font courir des risques en termes de pollution des eaux de la plage, en cas de débordement du puits d’infiltration, par exemple. »
Il remarque également l’absence de renseignements sur certaines caractéristiques du milieu dans l’étude initiale. « Les impacts hydrauliques des pompages et injections ne sont pas évalués », souligne-t-il.
La baie de Saint-Jean modifiée
Dans son rapport, Pierre Revol écrit que le bloc de soubassement en béton, en cas d’érosion, « créera des modifications de la stabilité du trait de côte qu’il est difficile d’évaluer à ce stade et qui modifierait profondément l’aspect général de la baie de Saint-Jean ».
Comme son confrère, il observe que les conséquences de cette érosion à l’échelle de la baie ne sont pas évoquées dans l’étude d’impact initiale. De fait, il recommande de mener une étude hydrogéologique « afin de connaître précisément les écoulements souterrains des nappes d’eaux pluviales s’écoulant des reliefs vers la mer ». Il affirme que « le projet actuel fait barrage aux écoulements souterrains et peut produire une élévation au niveau de la nappe avec des conséquences inestimables ».
Des expertises jointes à la procédure judiciaire
Sur l’emploi du Jet-Grouting, l’expert craint une pollution de la nappe phréatique qui risque d’être « rapidement transférée au milieu marin avec des conséquences pour les équilibres biologiques locaux, notamment les coraux ». Mais c’est surtout l’après travaux qui inquiète Pierre Revol. Il évoque notamment l’augmentation des rejets des eaux usées, la modification des caractéristiques physiques du sol et du sous-sol après l’emploi du Jet-Grouting.
Les deux rapports ont été envoyés par courrier au préfet de Saint-Barthélemy et Saint-Martin ainsi qu’au ministre des Outre-mer. Parallèlement, ils ont été intégrés à un mémoire complémentaire que l’association Saint-Barth Essentiel a fait parvenir au tribunal administratif. Le but de cette nouvelle démarche judiciaire est d’accélérer la décision de justice. Pour ce faire, les avocats de l’association envisagent de demander au tribunal de se transporter sur les lieux du litige.
Reprise des travaux
Dans notre édition du 12 mai (JSB 1423), nous relations l’arrêt des travaux de construction de L’Etoile suite à l’intervention de la police territoriale et du service de l’urbanisme. En l’absence d’autorisation en bonne et due forme afin de stocker le sable extrait de la plage de Saint-Jean de l’autre côté de la route ainsi qu’à Petit-Cul-de-Sac, l’entreprise de construction avait été contrainte de stopper son activité. Brièvement puisque l’autorisation de dépôt de sable à Petit-Cul-de-Sac a été délivrée par la Collectivité dans les jours suivants. Nul doute qu’après la fermeture de la montée de Camaruche, les allers et retours des camions entre Saint-Jean et le site de dépôt vont être remarqués.
A la place de l’Emeraude Plage
Pour mémoire, le projet d’hôtel de L’Etoile, porté par la société Saint-Jean Beach Real Estate Invest, implique la construction de seize bâtiments avec une capacité d’accueil de cinquante chambres. Il comprendra également plusieurs piscines, un restaurant, une boutique, mais aussi un sous-sol de près de 5400 mètres carrés qui abritera un parking et un Spa. L’établissement sera érigé en lieu et place de l’Emeraude Plage, dévasté par l’ouragan Irma en septembre 2017.
Un permis examiné par la justice
Un premier permis de construire a été accordé par la Collectivité en décembre 2019. Face aux réticences exprimées, principalement sur la hauteur de certains bâtiments en front de mer, un permis modificatif est déposé en août 2020. A chaque fois, le Conseil économique, social, culturel et environnemental (Cesce) émet un avis défavorable. Un avis que la Collectivité n’a, par définition, aucune obligation de suivre.
Deux référés en suspension sont déposés devant le tribunal administratif par l’association Saint-Barth Essentiel et l’établissement voisin du futur hôtel, l’Eden Rock. Deux procédures d’urgence retoquées par les magistrats. Aujourd’hui, la validité du permis de construire fait toujours l’objet d’un examen, sur le fond, par la justice. Mais aucune décision interdisant la poursuite des travaux n’a été formulée.