L’annonce de la délivrance par la Collectivité d’un permis de construire pour une centrale à béton à Saline a entraîné de nombreuses réactions. Le président Bruno Magras estime donc nécessaire d’apporter une explication à ce choix controversé.
Dans la précédente édition du Journal de Saint-Barth (JSB 1426), l’élue territoriale Marie-Angèle Aubin a fait part de son opposition à l’attribution d’un permis de construire pour une centrale à béton à Saline. Une opinion lue et entendue par le président de la Collectivité, Bruno Magras, qui a pris la décision d’apporter une « réponse explicative » et détaillée à destination de l’élue mais aussi et surtout du public.
Dans un premier temps, il revient sur les raisons qui ont conduit à la création de la zone d’activité de Saline. « Afin de répondre aux demandes des entreprises de BTP qui étaient confrontées à l’absence de zone de stockage, voire de recyclage des remblais et déblais de leurs chantiers, et face à la multiplication des déversements sauvages constatés un peu partout dans l’île, le Conseil Territorial a décidé de créer une zone d'activité dans le secteur des Salines où se trouvait une ancienne carrière de gravier, rappelle Bruno Magras. Cette décision a été confirmée à la majorité, le 24 février 2017, lors de l’adoption de la première carte d’urbanisme devenue définitive. »
« Des centaines de milliers de tonnes de remblais recyclées »
Le président de la Collectivité précise que deux entreprises de recyclage des matériaux ont été autorisées à s’installer dans la zone. « Depuis, ce sont des centaines de milliers de tonnes de remblais qui ont pu ainsi être recyclées, précise-t-il. Si tel n'avait été le cas où en serions-nous ? Ces entreprises produisent du gravier, font du criblage et vendent de la terre végétale. L'une d’elle exporte même régulièrement par barge une partie de ses remblais non recyclés vers Saint-Martin. L’autre approvisionne en gravier l’une des centrales à béton de Public. » La nouvelle centrale à béton, précisément, est le sujet de la controverse soulevée par Marie-Angèle Aubin.
« Rien ne s’oppose à cette centrale »
Bruno Magras estime qu’une troisième structure est nécessaire sur l’île et s’en explique. « Une demande d'installation d'une centrale à béton a été déposée en Collectivité, indique-t-il. Il convient de préciser qu’il y avait trois centrales de production de béton dans la zone de Public. Depuis la fermeture de l’une d’elle, la pression s’est reportée sur les deux autres. Parallèlement, compte tenu de la nature de la zone où se trouvent les deux centres de recyclage, rien ne s’oppose à l'installation de cette centrale. » Un avis qui n’a pas été partagé par la commission d’urbanisme, puisqu’elle a voté contre la délivrance d’un permis. Principalement en raison du non-respect des règles concernant la hauteur des bâtiments.
En revanche, le Conseil exécutif s’est prononcé favorablement. Une décision que le président justifie. « Une fois installée, avec la mise en place d’un filtre à particules, la hauteur totale de la centrale serait de 7 mètres alors que la règle est fixée à 6 mètres à l’égout du toit, constate-t-il. Or, la carte de l’urbanisme prévoit que dans un environnement où les constructions existantes ont une hauteur supérieure à 6 mètres, le Conseil exécutif peut accorder une dérogation au pétitionnaire. C’est sur cette base que le permis de construire a été délivré. » Sans surprise, le choix d’une troisième centrale est assumé.
« Postures politiques » pré-électorales
Parallèlement, Bruno Magras ne manque pas d’envoyer une petite pique à Marie-Angèle Aubin. Même s’il ne juge pas utile de la nommer. La prise de position de l’élue n’est, pour le président, qu’une manœuvre politique alors que s’annonce le scrutin territorial. « Il est assez naturel qu’à quelques mois des élections, certains veuillent prendre des postures politiques, commente-t-il. Mais il est dommage que ceux qui ont voté favorablement pour la création de la zone d’activité des Salines se dérobent quand il convient d’assumer ce choix assez simple : autoriser une activité industrielle dans une zone d’activité précisément dédiée à ce type d’usage. » L’intéressée appréciera.
Tout aussi conscient que ses opposants de l’échéance électorale à venir, Bruno Magras n’oublie pas de se tourner vers l’avenir. Ainsi, il déclare : « L’enjeu est de veiller à ce que les installations industrielles de l’île se modernisent pour réduire leurs nuisances. Un travail a déjà été fait, en particulier avec la reconstruction complète du centre de traitement des déchets à Public en 2017, l’installation de nouveaux moteurs EDF en 2013 ou la sécurisation de la livraison des hydrocarbures sur le port de commerce. Des améliorations sont en cours au niveau des centrales à béton de Public, améliorations qu’il conviendra d’évaluer. Une expertise de la DEAL a aussi été sollicitée à propos des concasseurs de Saline. C’est en ce sens que nous devons poursuivre. »
La prochaine réunion du Conseil territorial, annoncée pour le vendredi 18 juin, ne devrait pas être dénuée d’intérêt. En effet, difficile d’imaginer que le sujet de la centrale à béton ainsi que les prises de position des uns et des autres ne soient pas évoqués.
« Une grande consternation »
Si Marie-Angèle Aubin a pris son courage à deux mains avant de se positionner contre la construction d’une nouvelle centrale à béton à Saline, les plus touchés par l’apparition de ce nouvel édifice sont les habitants du quartier. Le bruit des machines, la circulation des camions, les dégagements de poussières, tous les éléments sont évoqués par celles et ceux qui redoutent l’implantation de la centrale dans la zone d’activité. « J’ai lu avec une grande consternation que la Collectivité a approuvé la construction d’une centrale à béton à Petite Saline, témoigne un résident. Ma maison donne sur le site et, depuis plusieurs années, elle est ruinée par les concasseurs Laplace et Questel. Nous ne pouvons pas vivre dans la maison à cause de la poussière et du bruit et aucun touriste ne la louera. »
Cet habitant regrette les choix d’évolution et le manque d’écoute de la Collectivité. « Nous menons campagne contre ces installations depuis qu'elles ont commencé, assure-t-il. Nous avons été totalement ignorés. Notre vie et notre investissement à Saint-Barth ont été ruinés. Si cela peut nous arriver, cela peut arriver à n'importe qui. »
Convaincu, il affirme : « La centrale à béton est une catastrophe pour l'île. Le site est une mine à ciel ouvert. Les dommages environnementaux causés par l'excavation, le concassage et le mélange sont horribles et causent des dommages naturels. Et que dire de la circulation intense et épouvantable ? Les habitants de la vallée de la Petite Saline sont les plus touchés mais n'ont pas de voix car ce ne sont pas des personnes en vue. » Et de lancer, péremptoire : « Saint-Barth peut être une destination de luxe ou une carrière à l’échelle industrielle, mais pas les deux. »