A deux reprises, une famille de Saint-Barth qui se rendait sur l’île en passant par la Guadeloupe a été refusée à l’embarquement. Selon la Police aux frontières, ce père et ses deux enfants n’auraient pas eu de motifs impérieux valables. Ils s’en défendent.
« Vous avez une adresse à Saint-Barth ? Alors quel est le nom de la rue ? Si vous êtes résident vous n’avez qu’à me montrer votre feuille d’imposition. » Jeudi 11 janvier, Patrick* père de famille qui se rendait sur l’île avec ses deux fils de 16 et 17 ans pour rejoindre son épouse qui y vit s’est heurté non pas à un mur mais à plusieurs, incarnés par les agents de la Police aux frontières (PAF) à Orly.
Partis de Montpellier, l’homme et ses deux fils ne rencontrent aucun contrôle au départ. Mais à Orly, où ils devaient prendre l’avion direction Pointe-à-Pitre, les agents de la PAF n’ont pas voulu croire à leurs motifs impérieux : « ils pensaient qu’on était des touristes ».
« On a réveillé ma femme à 5h30 du matin avec le décalage horaire, l’agent n’a pas voulu la croire quand il lui a dit qu’elle travaillait sur l’île, qu’il suffisait de faire une recherche Google », relate le père, encore étonné. « On nous a dit qu’on ne pourrait voyager que si mes enfants s’inscrivaient au lycée sur l’île ! Je leur ai dit qu’il n’y en avait pas… ». Après environ trente minutes de dialogue de sourds, l’agent leur conseille de revenir le lendemain « ce ne sera pas la même brigade ».
Les trois hommes dorment à l’hôtel, cela engendre des frais supplémentaires mais au moins, ils ont une journée de plus pour assembler les preuves de leur rapprochement familial. « J’avais tous les justificatifs possibles et imaginables. J’ai même amené mon contrat de mariage ! », rapporte Patrick. « Le vendredi, on retourne sûrs de nous à l’aéroport. C’était pire. Là, c’était Kafka. » En trois minutes de dialogue, la policière qu’ils rencontrent rembarre leur demande. Patrick lui tend l’écran de son téléphone où est affichée la liste les motifs impérieux sur le site de la Préfecture de Guadeloupe. On peut y lire : « Le retour des étudiants à leur domicile est un motif impérieux de déplacement. » ou encore « Je suis célibataire géographique. Puis-je rendre visite à mon conjoint? Oui. Il s’agit d’un rapprochement familial. »
Mais l’agente ne veut rien savoir. « Elle m’a dit que c’était un vieux texte. » Il a pourtant été partagé sur le site de la Préfecture de Guadeloupe le 8 février. Il est toujours en ligne. La discussion est coupée net. Pas moyen d’argumenter. A leurs côtés, Patrick et ses fils croisent une jeune femme en pleurs. Malgré un bail et un contrat de travail signés, son voyage est refusé. Ils ignorent où elle devait se rendre.
« Résultat, on est revenus à Montpellier, on a dû refaire des tests PCR. On doit prendre le train pour Genève avec deux correspondances, se lever à l’aube pour faire un test antigénique, passer par Amsterdam, puis Sint-Maarten et arriver à Saint-Barth dimanche », explique Patrick épuisé. Evidemment, cela engendre encore des frais. « On devait arriver jeudi, on sera là dimanche si tout va bien. J’avais réservé 11 jours, on a quatre jours en moins. Les garçons étaient effondrés. Ils voulaient voir leur maman. Si on ne peut pas venir ils ne la verront pas avant l’été. » Finalement, après un bug sur le site internet de l’EHAS où les voyageurs doivent s’enregistrer à Sint-Maarten, leur vol a encore été décalé. Patrick et ses deux fils sont arrivés lundi 15 février sur l’île, cinq jours après leur départ.
*Par souci d’anonymat, le prénom a été changé.
D’autres situations absurdes
Le site réunionnais Clicanoo raconte une histoire similaire : Liza, 28 ans a trouvé un travail à La Réunion après une longue période de chômage en métropole. Malgré son contrat de travail, les policiers de la PAF d’Orly refusent de la croire. Ils lui demandent de montrer ses échanges de textos avec son employeuse. “Alors comme ça vous utilisez des smileys avec votre patronne ?”, répondent-ils incrédules. Ils veulent que Liza l’appelle. Il est 23 heures à la Réunion, sa future patronne dort. Après cinq essais, elle répond enfin. Les policiers tentent de piéger Liza en confrontant les versions. Heureusement, elle fait un sans faute. Mais l’interrogatoire ajoute « beaucoup d’anxiété » à son départ.
Le ministre s’exprime
Alors que plusieurs refus d’embarquement ont été signalés, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu a communiqué sur les réseaux sociaux : « Les jeunes Ultramarins étudiant dans l’Hexagone doivent pouvoir rentrer chez eux. J’ai chargé la Délégation Interministérielle Français Outre-mer
de leur apporter toutes les informations pour que les retours au pays se déroulent sereinement et dans les meilleures conditions sanitaires. »