La règlementation concernant les documents exigés des étrangers non communautaires pour entrer à Saint-Barthélemy est en passe d’être modifiée par les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères. Un projet qui contrarie la Collectivité.
Le conseil exécutif vient de donner un avis «très défavorable » à un projet de modification des règles d’entrée sur les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, régies par un arrêté datant du 18 avril 2012, que les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères projettent de modifier par un nouvel arrêté.
Tous les changements envisagés concernent uniquement les visas de court séjour, c’est à dire valables pour une durée de moins de trois mois.
Première chose, l’obligation de détenir un visa serait levée pour les ressortissants de certains pays, dont le gouvernement pense qu’ils ne représentent plus un risque migratoire. Cette liste est régulièrement mise à jour, au vu des contextes internationaux. C’est donc une mesure nationale, qui s’appliquerait aussi à Saint-Barth et Saint-Martin. Ainsi, si la Collectivité salue la volonté de rétablir l’obligation de visa pour les Vénézuéliens et les Albanais, elle regrette que le projet prévoie de lever cette obligation pour les Péruviens, Ukrainiens et les Colombiens, « alors que ces pays, principalement la Colombie, peuvent représenter un risque migratoire à Saint-Barthélemy », stipule-t-elle dans sa délibération.
Visa Schengen
Le projet comporte aussi la disparition des visas “Saint-Martin” et “Saint-Barthélemy” au profit d’un visa unique DFA, pour départements français d’Amérique, qui regrouperait la Guadeloupe, la Martinique et les îles du Nord. Le gouvernement y voit une simplification administrative pour les consulats comme pour les voyageurs.
De plus, les titulaires d’un visa délivré par l’un des vingt-six pays de l’espace Schengen pourront, tant que le document est en cours de validité, entrer à Saint-Barthélemy sans formuler de nouvelle demande de visa à la France. Cette disposition ne serait bien sûr pas ouverte à toutes les nationalités, seulement quelques-unes, dont la Chine, la Russie, l’Inde ou la Thaïlande. Exemple : un Chinois qui aurait obtenu un visa court séjour en Islande, membre de l’espace Schengen, pourra entrer à Saint-Barthélemy sur la durée de son visa (90 jours).
Pour le conseil exécutif, «ces propositions tendent globalement à assouplir les conditions d’entrée à Saint-Barthélemy, dans un contexte de forte tension sur le marché du travail de l’île, et ne plus prendre en considération les particularités géographiques, économiques et institutionnelles de Saint-Barthélemy ».
L’assemblée a profité de la délibération pour réitérer deux demandes à l’Etat. D’abord, la Collectivité souhaiterait instaurer la possibilité de délivrer un visa directement à la frontière, «lorsque l’intérêt économique ou culturel de l’île est établi. » Mettons qu’un riche homme d’affaires koweïtien ait été mal informé sur la nécessité de posséder un visa court séjour pour venir à Saint-Barth ; il serait dommage que l’homme doive annuler sa venue faute d’un délai suffisant pour obtenir le sésame administratif. Chaque année, la situation se produit « quelques dizaines de fois », note le conseil exécutif. En général l’entrée sur le territoire finit par être acceptée, le dossier traité en urgence par les services de l’Etat, mais la Com préfèrerait pouvoir gérer le problème à sa frontière, de façon plus souple.
Pour finir, le conseil exécutif a dénoncé une « atteinte grave au plein exercice de la compétence de la Collectivité en matière de travail des étrangers » de la part de l’Etat. En effet, contrairement au reste de la France, à Saint-Barth, c’est la Com qui délivre les autorisations de travail aux étrangers non-communautaires. La préfecture, elle, se charge des titres de séjour uniquement. Sur ces derniers, pourtant, la mention “Autorise le travail à Saint-Barthélemy” est toujours inscrite, ce qui crée une confusion certaine.
Selon la préfecture des Iles du Nord, actuellement, 500 étrangers non-communautaires vivent à Saint-Barthélemy, majoritairement des femmes de 40 ou 50 ans, venues d’Haïti ou de République Dominicaine, et employées dans les hôtels comme femmes de chambre ou lingères. Aucun étranger en situation irrégulière n’est recensé sur l’île.
JSB 1346