En métropole, les agences de voyages sont assaillies d’appels de fans de Johnny Hallyday, qui prévoient de venir sur notre île dès que possible. Le Comité du tourisme espère que ce phénomène pourra renforcer la saison estivale.
Chez Mojito Spirit, agence spécialisée dans les voyages vers les Caraïbes, Jean-Marc « n’arrête pas depuis trois semaines ». Si habituellement, les demandes spécifiques pour Saint-Barthélemy sont rares, le choix de Johnny Hallyday de se faire inhumer à Lorient a créé un tout nouveau marché. « J’ai facilement une demande par jour qui se concrétise par un achat pour aller se recueillir à Saint-Barth », assure le professionnel. « Actuellement, on travaille beaucoup avec la Baie des Anges, mais aussi le Christopher et la Villa Marie pour les voyages à partir du mois de mars. Je remplis les hôtels, tant mieux ! » Lundi matin, Jean-Marc a vendu deux voyages «Johnny » : l’un à 3.800 € pour une semaine à deux avec vols et location de voiture, l’autre à 5.000 €. Et pour ceux qui n’auraient pas le budget suffisant, Mojito Spirit propose une alternative : « On vend des séjours en Guadeloupe, avec un aller-retour à Saint-Barth sur la journée, à 1.500 € la semaine. »
« Je ne m’attendais pas à une telle demande »
Chez Voyage Antillais, dont le bureau est situé dans le premier arrondissement de Paris, le téléphone sonne aussi beaucoup depuis début janvier. «On a eu pas mal d’appels, ils veulent surtout découvrir l’île et faire une sorte de pèlerinage», explique-t-on à l’agence qui ne vend que les billets d’avion. « En général, ils nous appellent surtout pour avoir une idée du budget nécessaire qu’ils doivent mettre de côté. »
A Aix-en-Provence, le tour opérateur Turquoise TO, spécialisé dans les îles, a mis en place un « package » spécial Johnny, au mois de mai. « On a eu très rapidement des demandes », explique le directeur Eric Thomas. « On a bloqué des places pour dix personnes sur un vol Air France vers Saint-Martin, le 16 mai, avec une semaine au Tom Beach. Cela nous permet de négocier les tarifs. On propose ce séjour à 2.100 €. Ça peut être le voyage d’une vie, pour certains. » Si cette offre fonctionne bien, elle sera rééditée.
Cet « effet Johnny » arrive alors que les professionnels du tourisme étaient en plein état des lieux de Saint-Barthélemy après Irma. « Je ne m’attendais pas à une telle demande», admet Jean-Marc de Mojito Spirit. Ce phénomène va-t-il s’inscrire dans le temps ? « Le plus gros sera en 2018 et 2019, c’est certain. Je pense que ça va durer, car j’ai une équivalence avec Jacques Brel aux Marquises, pour lequel on reçoit toujours des demandes. Il y aura continuellement des fans de Johnny sur votre île », prédit l’agent de voyage. Son confrère de Turquoise TO renchérit : « Selon moi, cet effet va s’inscrire dans le temps. A l’image de Jacques Brel et Paul Gauguin, qui reposent aux îles Marquises, et pour lesquels on a toujours des demandes alors que c’est beaucoup plus difficile d’accès que Saint-Barthélemy. Cela peut aussi être une manière de parler de l’île autrement que par son côté luxe. Et encore, pour l’instant, je crois que rien n’est fait sur place concernant ce nouveau tourisme. » Sur place, justement, on est un peu déconcerté par tout cet engouement. « S’ils sont dix ou vingt, on peut les accueillir, mais s’ils viennent à 800, nous n’avons pas les capacités d’hébergement », explique-t-on à la Collectivité territoriale, qui reçoit aussi des coups de fil de fans. «On leur conseille surtout de bien préparer leur voyage.»
Prolonger la saison
Le Comité du tourisme -qui n’a toujours pas de vraie ligne téléphonique fixe opérationnelle depuis Irma- reçoit des appels transférés sur mobile, chaque jour. « On leur recommande en général de venir l’été, car tout est ouvert sur l’île, mais le climat est plus calme, propice au recueillement, et c’est un peu moins cher », indique Nils Dufau, président du CTTSB. «De plus, ça permet de prolonger la saison touristique. Ils ont l’air partants.»
Certains fans de l’idole des jeunes ont d’ores et déjà effectué leur pèlerinage au cimetière de Lorient. « On sait que certains se sont débrouillés pour venir tout de suite. D’autres veulent aller à Saint-Martin en vacances, et passer une journée à Saint-Barth », poursuit Nils Dufau. « Ils veulent se recueillir mais aussi découvrir pourquoi Johnny a choisi Saint-Barthélemy. Ils sont les bienvenus quand ils veulent, et je crois que pour tout le monde, l’idéal serait la période de juin et juillet. »
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« La
seule solution, y aller un jour ou l’autre »
Franck, fan auvergnat de Johnny Hallyday, ne peut imaginer de ne pas se rendre sur la tombe de son idole, quelle que soit la distance à parcourir. « Je compte bien venir, même si c’est sûr que c’est pas à côté. J’ai vu les vidéos des fans qui sont allés se recueillir sur sa tombe, mais ce n’est pas pareil. La seule solution, c’est d’y aller un jour ou l’autre. » Franck économise pour venir en fin d’année 2018, ou début 2019, et se renseigne sur les tarifs des vols entre la métropole et Saint-Barthélemy. « Mais d’ici là, le fan club, dont je suis membre, aura peut-être organisé quelque chose… »
En effet, le jour des funérailles parisiennes du rockeur, le président du fan club officiel de Johnny Hallyday, « Limited Access », a évoqué l’idée d’un voyage groupé. Une telle opération a déjà été réalisée en 1996, pour un concert de l’idole des jeunes à Las Vegas. Le fan club n’avait pas fait les choses à moitié : 5.000 fans se sont répartis dans 32 avions direction les Etats-Unis, dont quatre affrétés spécialement pour le show. Le tour operator qui avait mis sur pied cette organisation n’existe plus aujourd’hui. Et de toute façon, impossible d’imaginer un débarquement d’une telle envergure sur une île de 21 km2. Mais ce souvenir prouve ce dont sont capables les nombreux amoureux de Johnny Hallyday. Comme Franck, qui soupire : « Vous avez de la chance, vous l’avez tous les jours avec vous… » A la Collectivité, quelques jours après l’enterrement, un homme a appelé pour savoir s’il était possible de venir à 8.000 personnes, avec toute sa communauté de gens du voyage. A priori, il s’agissait d’un canular…
JSB 1261