Le ministre des Outre-mer va-t-il annoncer une date de sortie de crise ? C’est en tout cas ce que lui demandent les socioprofessionnels qui lui ont adressé un courrier. En attendant, ils tentent de s’organiser, dans le flou.
« On attend », répondent tour à tour les professionnels du tourisme qu’on interroge sur leur situation. Le dimanche 31 janvier, ils ont appris que les voyages vers Saint-Barthélemy étaient tous interdits, sauf motif impérieux à compter du 2 février, minuit. « Les clients annulaient pour les 48 heures suivantes », relate Anne Dentel, présidente de l’association des hôtels et villas de Saint-Barthélemy. Résultat : 100% d’annulation des séjours pour la semaine du 8 au 14 février -quel touriste pourrait justifier d’un motif impérieux pour venir sur l’île ? Également directrice des locations d’Eden Rock Villa Rental, Anne Dentel estime qu’aujourd’hui, une dizaine des villas dont elle s’occupe sont encore louées par des personnes arrivées avant la mise en place des nouvelles mesures sanitaires, alors qu’une quarantaine étaient réservées. Du côté de l’hôtel, une dizaine de chambres sont encore occupées sur une capacité de 37 clés.
« Les restrictions de voyage imposées le 2 février ont non seulement eu pour effet de nous faire perdre toutes les réservations de location de villas en février, mais ont aussi conduit de nombreux clients à annuler les réservations de voyage en mars, avril et mai », souligne Stiles Bennet, Président et CMO de Wimco, qui représente 385 villas à Saint-Barthélemy.
Au port de Gustavia, une dizaine de Mégas Yachts ont eux aussi annulé leur passage prévu cette semaine. « Les propriétaires de ces Mégas Yachts ou les Charters préfèrent renvoyer leurs bateaux ailleurs (Iles vierges, Bahamas, Floride, etc.) », précise Ernest Brin, directeur du port.
Résultat, pour les restaurants, qui dépendent en grande partie de l’arrivée des touristes, la situation se complique. Non seulement les clients annulent mais en plus, de nouvelles règles imposent un écart de deux mètres entre chaque table. « Dans la plupart de nos établissements on est passé à une capacité d’accueil de 25-30% par rapport à la période pré-Covid », explique Nicolas Gicquel, de l’association des restaurateurs de Saint-Barth, les plus petites structures sont les plus pénalisées par les nouvelles règles. » Son restaurant, le Bonito, pouvait accueillir jusqu’à 120 personnes avant l’épidémie, environ 90 jusqu’à la semaine dernière et désormais, il ne peut pas en recevoir plus de 45 par service.
« On relativise en se disant qu’au moins on est ouverts et que la situation est pire en métropole et dans d’autres pays », dit-il. D’autant que la saison avait bien commencé. La reprise post-confinement semblait amorcée. « La période de novembre à janvier a été une des plus importantes en terme d’occupation des chambres depuis les dix dernières années, relate Nils Dufau, président du Comité territorial du tourisme (CTTSB). Désormais presque tous les hôtels détruits pendant Irma ont rouvert, ce qui nous permet d’accueillir plus de monde. »
Vanessa Panza, directrice de l’association des hôteliers et villas de Saint-Barthélemy insiste : « On est dans un domaine d’activité où on ne peut pas dire à nos partenaires ou à nos clients « on ne sait pas ». Du fait de notre insularité notre situation est quand même particulière en termes de gestion des stocks, d’accueil de personnels saisonniers, etc. »
Fermer ? Quelques jours ou plus longtemps ? Face à la baisse d’activité, les établissements s’interrogent. « Tout ce qu’on veut, c’est une date, à partir de là tout va s’enchaîner », déclare Anne Dentel. Certains hôtels et restaurants ont mis une partie de leur personnel au chômage partiel, d’autres leur font prendre RTT et congés.
En attendant d’en savoir davantage sur l’avenir, les socioprofessionnels tentent de s’organiser. Quasi quotidiennement, ils communiquent entre eux par meetings virtuels, rencontrent les services de la Préfecture ou ceux de la Collectivité. Les associations des hôtels et villas, des agences immobilières et des restaurateurs, ont envoyé le 5 février une lettre conjointe au ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu. « Nous mesurons la complexité de la situation et le principe de précaution appliqué pour protéger les territoires ultra-marins, écrivent-ils. Nous poursuivons continuellement nos efforts par l’encadrement de nos employés et le strict respect permanent des mesures sanitaires (contrôle de température, test PCR à -72 heures, isolement prophylactique de 7 jours, test PCR à J+7). »
Soulignant le poids de l’économie touristique sur l’île, ils poursuivent : « Nous pouvons nous organiser afin de mettre notre activité en veille les 15 prochains jours. Mais nous sommes préoccupés de savoir ce qu’il adviendra ensuite, sur le moyen et long terme. Afin d’optimiser nos gestions en termes de coûts fixes et en termes d’accueil des visiteurs français et étrangers lorsque la situation s’améliorera, nous avons besoin d’une date de réouverture, d’une visibilité. Les charges d’exploitation de nos structures en local sont telles qu’économiquement parlant, nous craignons que l’impact soit plus long que ces quelques semaines de veille et que de nombreux établissements ne soient pas en capacité de ré-ouvrir leurs portes au public avant la saison prochaine, soit en novembre 2021. » Car les aides de l’Etat ne permettent pas de couvrir certaines charges comme les loyers, très élevés sur notre île, pour les établissements mais aussi pour certains de leurs saisonniers qu’ils logent. Le Bonito, par exemple prend en charge le loyer d’une trentaine de salariés.
Les saisonniers dont les logements ne sont pas payés par leur employeur commencent d’ailleurs à s’inquiéter. « Je travaille pour les pourboires, explique par exemple Paulinha, serveuse dans un restaurant de plage. Mon salaire me permet tout juste de rentrer dans mes frais. »
En attendant la réponse du ministre, les professionnels veulent encore croire à la reprise : « Si l’île rouvrait d’ici la fin du mois de février, il y a une chance que nous puissions récupérer certaines des réservations perdues pour mars et avril, ce qui serait une bonne nouvelle pour les entreprises locales », souligne Stiles Bennet. Aux mois de mars et avril, les établissements attendaient des reports de réservation datant du confinement de 2020. Jusqu’à quand vont patienter les touristes ?