Saint-Barth - Les mouettes apre?s Irma en 2018.

L’hôtel les Mouettes de retour sur ses pattes après le cyclone Irma, en 2018.

Le temps de la migration est venu pour Les Mouettes

Quand on traverse le quartier de Lorient, la pancarte à la mouette est inévitable. Que l’on soit un voyageur de passage ou un local en quête de cadeaux, les sourires de Claudette et Coralie nous accueillent. La clientèle d’habitués qui vient année après année depuis 43 ans ou encore les fans de Johnny Hallyday présents sur l’île la semaine dernière pour son anniversaire (le 15 juin) iront désormais trouver ailleurs un des meilleurs rapports qualité-prix de l’île. Claudette Gumbs nous a raconté l’histoire de cette institution ouverte par ses parents Alice et Martin Gréaux en 1981.

Alice et Martin Gréaux aux Mouettes en 2002, 21 ans après ­l’ouverture de leur hôtel.

JSB : Les Mouettes, c’est une histoire de famille qui s’étend sur trois générations ?
Claudette Gumbs : Mon grand-père travaillait sur ce terrain. Mes parents, Martin et Alice Gréaux, ont ouvert l’hôtel en 1981. J’ai ouvert la boutique en 1995. En 2000 mon mari Jean-Joseph Gumbs dit « Jojo » a commencé à gérer l’intendance. Ma nièce Émilie, également propriétaire, y a travaillé de 2007 à 2017 et ma fille Coralie depuis 2014.

Quel a été le parcours de vos parents, Alice et Martin Gréaux ?
A 18 ans mon père est parti travailler à Curaçao, Aruba et Saint-Thomas. Dans les 1950 il était un des premiers à avoir une voiture sur l’île. Il avait la carrière de graviers à Salines. Dans les années 1980 il a ouvert le dancing La Licorne à Lorient avant de se lancer dans l’aventure des Mouettes avec ma mère.

Qu’y avait-il sur ce terrain de bord de mer avant l’hôtel ?
Des cocotiers et des lataniers. Ça ne se faisait pas de construire en bord de mer à cause des cyclones. Avec les feuilles de latanier mon grand-père faisait des tresses qui se vendaient au mètre, un moyen de faire quelques sous car c’était la misère.
Toute la famille a appris à nager ici. On était libre, tous les enfants de Lorient se rassemblaient pour se baigner, on jouait dans l’eau avec des chambres à air de pneus.

Les bungalows des Mouettes, à Lorient, dans les années 1980.

Au début des années 1980, n’y avait-il que des hôtels de famille à Saint-Barth ?
Oui. A Lorient : l’hôtel-club «Autour du Rocher » (détruit pas un incendie en 1991, ndlr), L’Hôtel Normandie (transformé en logements du personnel de l’hôtel Carl Gustaf, ndlr) et Le Manoir (devenu une villa, ndlr). Il y avait aussi La Presqu’île à Gustavia, Le Petit Morne à Colombier, l’Hôtel des 3 Forces à Vitet (transformé en logements, ndlr) et le St Barth Beach Hôtel à Grand Cul de Sac (actuel emplacement du Barthélemy, ndlr).
Et puis Jean Florvil Gréaux, avec qui mon père était ami, à construit l’Auberge de La Petite Anse à Flamands. Ça l’a motivé, il avait de l’ambition mais pas d’argent alors il a fait un emprunt. Il y avait beaucoup plus de mouettes à l’époque, elles venaient pondre entre avril et octobre donc papa a décidé de l’appeler «L’hôtel Les Mouettes ».

Vous aviez 18 ans à l’époque, quels souvenirs gardez-vous ?
Le chantier s’est fait par étapes sur plusieurs années. Mes parents avaient le même âge que leurs clients, ils étaient amis, ça me plaisait beaucoup. Papa parlait anglais, pas maman mais ils géraient tout à deux. On faisait des repas de famille à l’hôtel.
Aujourd’hui il y a comme une barrière entre le client et l’hôtelier. C’est dommage d’avoir perdu ce lien familier. Nous avons cependant gardé cette proximité avec des clients comme la famille Beyzack qui vient des Etats-Unis depuis l’ouverture de l’hôtel. Chaque année ils apportaient leur dinde pour Thanksgiving et la cuisait au Barbecue. Ça sentait la dinde toute la journée sur la propriété ! Ils sont revenus fêter leurs 60 ans de mariage en 2012 et arrivent bientôt avec leurs enfants et petits-enfants pour la fermeture de l’hôtel.

Vous avez fait carrière à Saint-Barth, est-ce que ça a toujours été une évidence ?
Je n’avais envie de me séparer ni de l’île ni de mes parents. Pendant quinze ans j’ai travaillé à la « Bijouterie Miot » devenue « Little Switzerland » quand les Miot ont vendu.
Après des travaux, en 1995, au moment d’ouvrir la boutique « Les Mouettes », il y a eu l’ouragan Luis. Après quelques mois pour tout remettre en état on a pu ouvrir. En 2017 l’ouragan Irma a endommagé une partie de l’hôtel mais on a réussi à tout remettre à neuf et à réouvrir rapidement.

Qu’est-ce qui a fait le secret des Mouettes ?
L’emplacement sur la plage familiale de Lorient, au calme. On a toujours tout eu sur place : la boulangerie avec Madame Duzant, la station-service de Denis Giraud, Chez Jojo (supermarché, ndlr) avec Jojo Berry, le Minimart « Chez Giraud ». L’église et le cimetière donnent un côté religieux qui rassemble les gens. On se rencontrait, on discutait : une vraie vie de village.

Et Johnny dans tout ça ?
Il est enterré juste à côté de l’hôtel.
Le décès de Johnny Hallyday a créé une demande supplémentaire, surtout pour son anniversaire le 15 juin et son décès le 5 décembre. Cependant on a toujours privilégié notre clientèle d’habitués. A la boutique, on avait tellement de demande qu’on a fini par proposer des souvenirs autour de Johnny.

Qu’est-ce qui va le plus vous manquer ?
Je n’y pense pas. La vie continue. Il y a un temps pour tout. Pour mon mari et moi, il est temps de passer la main. Gérer un hôtel c’est 24h/24, 7 jours/7, beaucoup de travail et de sacrifices, mais je ne regrette pas, je l’ai fait avec beaucoup d’amour. La propriété est un héritage familial qui restera dans la famille.
J’ai surtout un immense sentiment de gratitude envers notre fidèle clientèle qui au cours des années a contribué à faire de l’hôtel ce qu’il est.
 

 

Journal de Saint-Barth N°1572 du 20/06/2024

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