Pour Saint-Barthélemy, les enjeux d’une connectivité numérique à la performance accrue sont primordiaux. En raison de son relatif isolement géographique, bien évidemment, mais aussi et surtout pour offrir à l’île, à ses résidents et à ses visiteurs des outils toujours plus efficaces. Par conséquent, à travers son schéma local de résilience adopté lors du conseil territorial du 20 décembre dernier, la Collectivité a poursuivi sa réflexion et son action pour tendre vers un renforcement de la connectivité de l’île. Pour ce faire, des discussions ont été menées avec le groupe Orange international afin de permettre à Saint-Barthélemy de se raccorder au futur câble « Célia » qui reliera la Martinique à la Floride (Etats-Unis).
« Célia », pas un « omnibus numérique »
Pour l’heure, deux câbles sous-marins offrent un accès numérique à Saint-Barthélemy. Il s’agit du GCN (Guadeloupe Câble Numérique), depuis 2006, et du SSCS (Saba Statia Cable System), depuis 2013. Deux structures qui connectent l’île au reste du monde via Saint-Martin. Pascal Peuchot, responsable du Pôle « innovation transition énergétique » au sein de la Collectivité, explique les enjeux d’un tel projet. «Aujourd’hui, un fournisseur d’accès internet sur le territoire utilise la fibre optique mise à disposition par la Collectivité, souligne-t-il. A l’exception de Starlink, qui fournit par satellite. Pour les entrées ou les sorties, on utilise l’un des deux câbles qui nous connecte à l’internet mondial. Peu importe par où il passe. Notre point de faiblesse est que les deux câbles arrivent au même endroit. Or, le Schéma local de résilience incite à l’accueil d’un troisième câble qui arriverait plutôt sur la côte Nord. » Ce qui correspond très précisément à ce qu’offre une connexion avec le projet « Célia » d’Orange.
Contrairement à la majorité des câble sous-marins, «Célia» ne sera pas un « omnibus ». Pascal Peuchot précise : « Il ira directement de la Martinique à la Floride. Nous, ça nous permettra d’aider les opérateurs à redescendre vers la Guyane qui porte un projet de lien avec le Portugal. L’idée est donc de proposer une route de Saint-Barthélemy jusqu’en Guyane et l’Union européenne, sans passer forcément par les Etats-Unis. Ce qui est aussi une question de protection des données. Ce que souhaite la Collectivité, c’est rendre accessibles les câbles sous-marins à tous les fournisseurs d’accès. Pour améliorer la qualité de service. Comme le marché ne fait pas ce travail, la Collectivité se positionne en acteur neutre. Pour proposer un prix identique à tout le monde. »
Déploiement en 2027
Néanmoins, la Collectivité ne peut pas avancer seule sur ce chemin. C’est la raison pour laquelle une réflexion a été menée avec les autres territoires des Antilles et de la Guyane. Des échanges qui ont débouché sur un mémorandum d’accord entériné par le conseil exécutif. « Car c’est un sujet qui concerne toutes les îles », insiste Pascal Peuchot qui souligne l’importance de bénéficier d’un contenu internet qui soit accessible au plus proche. Précisément grâce à des points d’échanges de trafic couplés à des centres de données. « Avoir un data center sur nos îles implique des coûts élevés mais, si on se réunit entre les îles françaises et hollandaises, on renforcera la taille de nos marchés et on attirera plus facilement des fournisseurs pour avoir du contenu », explique le spécialiste. L’ensemble s’avère on ne peut plus technique. Toutefois, l’idée reste simple : accroître les performances et la « résilience » du réseau numérique. Couplé à une connexion à un troisième câble sous-marin neuf, à la fois régional et international, ce système ferait de Saint-Barth un « hub numérique ».
Il va sans dire qu’une telle opération aura un coût important pour la Collectivité. Selon Pascal Peuchot, il a été estimé à hauteur de dix millions d’euros en incluant les études, la construction du câble de raccordement et son installation. « Tout cela nous mettrait à l’abris pendant au moins 25 ans », précise-t-il, soulignant : « Ce n’est pas un investissement à perte puisque la Collectivité va faire rentrer de l’argent avec cette nouvelle connexion. Il y aura un retour sur une dizaine d’années. »
Pour ce qui est de l’agenda, l’année 2025 sera consacrée aux études menées par un navire câblier, 2026 à la construction du câble et 2027 au déploiement. Quant à la concurrence de Starlink, Pascal Peuchot la voit davantage comme un complément. « Car la qualité satellite ne peut pas être la même que celle du câble, assure-t-il. Et il n’y a pas de visibilité sur la durée du service ni sur le maintien des tarifs. » T.F.