Si les surfeurs et surfeuses de Saint-Barth trustent les podiums de surf du monde entier, sur le circuit professionnel comme amateur, les coachs du Reefer Surf Club de l’Ajoe y sont forcément pour quelque chose. Nina Reynal, Matthieu Granier, Dimitri Ouvré et David Blanchard sont devenus des références dans le développement et la formation surf pour des athlètes toujours plus exigeants et avides de performances. Entretien croisé avec Nina Reynal et David Blanchard.
De manière générale, en compétition, quel est l’apport du coach dans la performance d’un athlète ?
Nina Reynal : Il s’agit tout d’abord d’un apport technique pour améliorer la performance de l’athlète. Dans le surf, cela peut être la lecture du plan d’eau, l’analyse des vagues, la technicité des manœuvres à effectuer, l’accompagnement tout au long de la série… Il est également très important de faire des feed back vidéo afin que les athlètes voient ce qui va ou ne va pas et ainsi s’améliorer pendant le reste de la compétition. Mais il y a aussi l’apport psychologique, pour la motivation, la confiance, pour rester mobilisé si les résultats immédiats sont moindres que ceux espérés.
David Blanchard : C’est une préparation d’ensemble, avant, pendant et après la compétition. Dans l’échec comme la victoire, un coach doit être présent pour son athlète dans l’aspect physique, moral et émotionnel.
Comment préparez-vous un champion à une grande compétition ?
Nina Reynal : Il faut faire beaucoup de mise en situation, réaliser des séries comme en compétition. L’analyse vidéo aussi est très importante, tout comme la préparation physique, essentielle pour s’adapter à tout type de conditions météorologiques.
David Blanchard : Il y a un gros travail technique qui est effectué, avec beaucoup de répétitions dans les mouvements et forcément des corrections qui vont avec, souvent via l’analyse vidéo, qui est devenue un support incontournable aujourd’hui.
Pensionnaires et cadre de l’Ajoe, comment transmettez-vous cette fierté d’appartenir à ce club à vos élèves ?
Nina Reynal : La grande famille de l’Ajoe fait partie du monde associatif depuis longtemps, et nous, les surfeurs, sommes fiers de représenter ce club et Saint Barthélémy à travers les compétitions au niveau régional, national et international. Et vu la taille de notre île, on peut dire que c’est exceptionnel d’avoir autant de bons résultats !
David Blanchard : Pour ma part, au-delà de la passion naturelle pour le surf je pense que la réussite de l’Ajoe dépend du choix de l’encadrement, qui est primordial mais aussi du nombre de bénévoles qui arrivent à être concernés par la vie du club.
Quel est votre avis sur la formation des entraîneurs dans les « sports de glisse » ?
Nina Reynal : Cela dépend des parcours de chacun, pour ma part, ayant suivi un cursus STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), la formation BPJEPS (brevet professionnel de la Jeunesse, de l'Éducation populaire et du Sport) était un bon complément pour moi.
David Blanchard : Le diplôme ne fait pas tout ! Il faut savoir se remettre en question régulièrement pour évoluer et se recycler.
Pensez-vous avoir toujours les moyens nécessaires pour permettre à vos élèves de performer en compétition :
Nina Reynal : Au-delà d’avoir le soutien de notre club et de la collectivité pour nos déplacements et nos projets, nous essayons, toujours de notre côté, de faire le maximum pour que surfeurs puissent réussir dans leur discipline.
David Blanchard : Non, pas toujours malheureusement, car si nous sommes tous tributaires de la météo, nous déplorons parfois le manque de compréhension et de dialogue de certaines compagnies aériennes.
Qu’est ce que c’est le fameux « flair » du coach pour vous? C’est une intuition ?
Nina Reynal : Le surf étant un sport qui requiert beaucoup de pratique, de travail et de talent, pour créer son style bien à soi, notre rôle de coach sera de déceler, au plus tôt, le potentiel de l’athlète pour le pousser à développer son propre style.
David Blanchard : Il s’agit d’être en phase avec l’environnement. Notre discipline s’exerce en milieu naturel, il faut donc essayer d’anticiper les bonnes décisions à prendre avec l’athlète, comme prendre ou laisser passer telle ou telle vague par exemple.
Quelles différences existent entre l’ancienne et la nouvelle génération de surfeurs ?
Nina Reynal : Pour moi c’est la technologie, qui a beaucoup évolué ! Par exemple, les jeunes ont maintenant accès à des piscines à vagues pour s’entrainer en permanence sur une même vague sans dépendre des conditions météo. Il y a aussi les équipements où les planches de surf sont, de nos jours, beaucoup plus performantes. Les jeunes font aussi beaucoup plus appel à la vidéo pour faire leur feed back.
David Blanchard : Le surf d’aujourd’hui est beaucoup plus innovant et le matériel mis à disposition a beaucoup évolué c’est vrai, comme l’arrivée du carbone dans les équipements ou les combinaisons stretch pour ne citer que ça. Je trouve aussi les athlètes beaucoup plus affinés et soucieux de leur corps qu’auparavant.
Justement, que pensez-vous des innovations technologiques dans le sport ?
Nina Reynal : On n’arrête pas le progrès vous savez, et je pense qu’il est important de se servir de tous les outils disponibles pour être le plus performant possible.
David Blanchard : Le surf a besoin de ces technologies, quand Nina parle des piscines à vagues, c’est exactement ça !
Ces nouvelles technologies ne nuisent elles pas à l’accompagnement technique et mental que seul un coach « humain » peut prodiguer ?
Nina Reynal : Non, la technologie ne remplace pas le coach et ce dernier doit se servir d’elle pour faire évoluer ses athlètes.
Quel bagage psychologique faut-il avoir pour être un bon coach ?
Nina Reynal : Je dirai une bonne capacité d’écoute, de la patience aussi et savoir faire preuve d’empathie…
David Blanchard : C’est clair qu’il faut savoir être à l’écoute et avoir un mental fort pour valoriser son expérience et aussi savoir la transmettre.
Quelle est la part de préparation mentale dans le surf de haut niveau ?
Nina Reynal : On peut être très bon à l’entrainement mais le jour de la compétition, on a que 20 minutes pour s’exprimer, c’est donc là que la préparation mentale est primordiale. Il faut arriver à mettre en confiance l’athlète pour qu’il soit le plus efficace possible au moment voulu.
David Blanchard : En vrai, la préparation mentale est beaucoup plus importante que ce que l’on croit !
Quels sont vos objectifs pour le club et vous-même pour la saison et les années à venir ?
NR : Je veux continuer à faire apprendre le surf et emmener les jeunes vers la compétition pour ceux et celles qui en ont l’envie. Et aussi développer la pratique féminine dès le plus jeune âge.
David Blanchard : Pouvoir amener nos jeunes au plus haut niveau avant qu’ils aient à faire des choix dans leurs études et dans leur discipline.