La nouvelle a d’abord circulé en « interne » avant d’être diffusée de manière plus large, le vendredi 8 décembre. Dans un communiqué publié sur les “réseaux sociaux”, les organisateurs des Voiles de Saint-Barth, François Tolède et Luc Poupon, ont ainsi annoncé l’annulation de l’édition 2024. « C'est avec un profond regret que nous vous annonçons l’annulation de l'édition 2024 des Voiles de St. Barth, prévue initialement du 14 au 20 avril, écrivent-ils dans ce court document. Après de multiples négociations avec un futur partenaire titre, celles-ci n'ont malheureusement pas pu aboutir, du moins pour cette année. Nous tenons à vous assurer que cette annulation n'a pas été décidée à la légère. Nous avons exploré diverses options et solutions alternatives pour garantir la tenue de cette édition. »
Pas nouveau partenaire après le retrait de Richard Mille
La recherche d’un « futur partenaire titre » fait évidemment suite au retrait de celui qui accompagnait les Voiles depuis treize ans : Richard Mille. Un sponsor principal qui a pris la décision de « partir vers d’autres horizons », explique sans plus de précisions François Tolède, qui préfère concentrer l’attention sur l’annulation de l’édition 2024. «Nous étions en pourparlers avec un nouveau partenaire titre mais il nous a fait une pseudo défection, assure l’organisateur des Voiles. Il cherchait à s’installer commercialement sur l’île mais il n’a pas trouvé d’emplacement. » Une impossibilité à s’implanter à Saint-Barth qui aurait donc entraîné le retrait, tardif, de ce nouveau « partenaire titre » dont le nom ne sera pas prononcé.
Dès l’annonce de ce désistement, François Tolède indique qu’il s’est rapproché de la Collectivité territoriale pour exposer les difficultés rencontrées par l’organisation des Voiles pour le financement de l’édition 2024. « Le président m’a dit qu’il n’était pas question d’abandonner les Voiles, mais tout cela a traîné et quand nous nous sommes revus, aucune décision n’avait été prise », affirme François Tolède, qui regrette une « lourdeur politique », estimant que certains élus « n’ont pas pris conscience de l’ampleur d’une annulation comme celle-là ». Quoi qu’il en soit, sans solution, François Tolède et Luc Poupon ont pris leur décision. « Nous avons des obligations vis-à-vis des participants, des bateaux, de nos autres partenaires », souligne le premier. D’autant plus que certains engagés avaient anticipé leur résidence à Saint-Barthélemy pour la compétition du 14 au 20 avril prochain.
« Des difficultés politico-économiques »
En effet, plusieurs futurs participants ont déjà loué des logements, notamment des villas, pour installer leurs équipes. « Ces gens-là se retrouvent dans une impasse, remarque François Tolède. J’espère que les loueurs accepteront de rembourser les « déposits » ou, au moins, de trouver un accord pour un report en espérant que ces gens reviendront en 2025. » Ce qui ne sera sans doute pas le cas si, cinq mois avant le début de leur réservation, un remboursement des frais déjà engagés leur est refusé. « Nous sommes face à des difficultés politico-économiques, constate François Tolède. Nous avons même réfléchi à organiser une demi-édition, avec un budget réduit de moitié (environ 300.000 euros), mais on ne peut pas se retourner comme ça, sans sponsor titre. Nous ne sommes pas capables d’assurer seuls cette organisation. »
Six millions d’euros de retombées économiques
L’annulation des Voiles 2024 est regrettable à plus d’un titre. Tout d’abord, les organisateurs soulignent qu’une trentaine d’engagements avait déjà été enregistrée. « On devait avoir un plateau magnifique, notamment avec les multicoques, assure François Tolède. On sentait un engouement incroyable avec ce plateau de dingue. » De plus, les Voiles de Saint-Barth représentent des retombées économiques qui oscillent entre six et sept millions d’euros, en une semaine. « Sans compter les retombées que l’on ne connait pas et qui sont celles des accompagnateurs », glisse François Tolède.
De fait, dès l’annonce de l’annulation, des commerçants se sont manifestés pour exprimer leurs inquiétudes. « On s’était laissé dire qu’il pourrait y avoir un problème avec les Voiles mais là c’est catastrophique, confie un restaurateur. On va tous s’asseoir sur six ou sept millions de recettes. Quand on a déjà des charges qui ont doublé, voire triplé, une facture d’électricité en hausse de 30%, sans parler de la taxe de ramassage des déchets… On ne voit pas tellement où l’on va. Clairement, ce qui est sûr, c’est que la saison va se terminer fin mars. ». Car les Voiles de Saint-Barth étaient le dernier événement de la saison touristique. Avec son annulation en 2024, il est probable que la fréquentation de l’île s’en ressente dès le courant du mois de mars.
Pour les organisateurs, l’objectif est désormais d’assurer la tenue d’une édition en 2025. «Nous comprenons l'importance de cet événement pour la communauté de la voile internationale et pour vous tous, passionnés de ce sport, ont écrit François Tolède et Luc Poupon dans leur communiqué. Nous sommes tout aussi déçus que vous de devoir renoncer à cette édition, mais nous restons déterminés à œuvrer pour assurer la pérennité et l'organisation des Voiles de Saint-Barth dans les années à venir. Sachez d’ores et déjà que l’ensemble de l’équipe est au travail pour l’organisation de l’édition des Voiles 2025, du 13 au 19 avril. »
Chaque année, ce sont plus de 120 personnes qui s’investissent dans l’organisation et la bonne tenue des Voiles de Saint-Barth.
Réactions
Xavier Lédée, président de la Collectivité territoriale
« C’est forcément une déception. L’organisateur nous a alerté il y a quelques semaines de la difficulté à trouver un nouveau sponsor principal. D’après ce que j’ai compris, quelqu’un s’était plus ou moins engagé et les a laissés à la dernière minute. Nous avons travaillé avec eux. Je les ai personnellement mis en contact avec deux sponsors principaux qui étaient plutôt partant pour prendre le relais. La Collectivité était également partante pour allonger la subvention (100.000 euros pour l’édition 2023). Les élus de manière globale, étaient partants. Malgré tous ces éléments, l’organisateur a décidé de ne pas donner suite cette année. Certainement pour une question de timing. Ils ont fait le choix d’une mise en stand-by. Aujourd’hui, notre travail au sein de la Collectivité est de nous assurer que l’absence de cet événement ait un impact aussi faible que possible sur l’activité touristique de l’île. »
Pascale Minarro Baudoin, présidente du comité du tourisme
« C’est triste de ne pas avoir les Voiles cette saison. C’est un événement qui fait briller la destination, qui apporte des anciens navigateurs, des nouveaux, des propriétaires de bateaux, donc c’est un bel événement pour clôturer la saison. Malheureusement, cela ne se fait pas pour, je pense, des raisons liées un peu à une organisation tardive. Malgré la participation financière de la Collectivité chaque année, ils n’arrivent pas à boucler le budget. J’espère qu’ils trouveront un sponsor adéquat pour l’année prochaine. J’ai compris qu’il y a eu une fin de contrat avec Richard Mille, que d’autres sponsors étaient sur la liste mais que rien ne s’est fait. Donc, c’est dommage. Il y avait une proposition de faire un événement en semi-teinte avec un plus petit budget. Je ne sais pas si cela aurait été une bonne idée. Après, c’est un événement privé avec une participation de la Collectivité. J’espère que les Voiles brilleront de mille feux l’an prochain. »
David Blanchard, conseiller territorial chargé des sports
« On a fait des réunions, on a essayé de trouver des solutions. Cette annulation est une grosse déception. J’ai toujours participé, en tant que bénévole, aux Voiles de Saint-Barth. Mon père l’a aussi fait pas mal d’années et j’ai pris le relais. Je pensais que nous pourrions trouver une solution, que c’était en bonne voie, par le biais d’une aide exceptionnelle de la Collectivité, par exemple, en imaginant un changement au niveau des aides pour l’année suivante. C’est un événement sportif qu’on enlève, donc je suis forcément déçu. Parce que les Voiles nous ont beaucoup aidé chaque année à prolonger un peu la saison. Aujourd’hui, la saison est beaucoup plus longue qu’avant. Donc ça ne va peut-être pas trop avoir d’influence sur le monde qu’il pourra y avoir sur l’île. Mais c’est un événement sportif qui avait bien sa place, qui était bien ancré. Et puis à la différence de la Bucket, qui est entièrement privé, les Voiles permettaient la participation de nombreux bateaux très différents. J’espère de tout cœur qu’elles pourront avoir lieu à nouveau l’année prochaine. Même si ce n’est pas gagné. Ce qui est sûr, c’est que nous serons là pour les soutenir. »
Olivier Leroy, président de l’association des hôtels et villas
« Nous avions connaissance des balbutiements autour de l’édition 2024. C’est un événement que l’on apprécie tous. Clairement, ce n’est pas une bonne nouvelle. Toutefois, sur cette période de l’année, nos occupations sont déjà plutôt bonnes. Nous avons d’ailleurs toujours estimé que les Voiles de Saint-Barth arrivaient un peu trop tôt dans la saison. On a toujours considéré qu’il serait préférable que l’événement soit décalé un peu plus tard dans la saison basse. »
