En 9h19, Alexis Wozniak a relevé le défi qu’il s’était lancé voilà plusieurs mois : celui d’effectuer un tour de l’île à la nage en moins de dix heures.
En ce dimanche 10 mars, la plage de Saint-Jean accueille les finales d’une compétition de surf. Autour de la cabane de l’Ajoe Reefer Surf Club, l’ambiance se veut conviviale, amicale, familiale. Une quiétude dominicale qui, presque soudainement, laisse place à une effervescence quasi générale. « Il arrive », lance une femme dressée sur la pointe des pieds, le regard tourné vers la pointe Est de la plage. « Il », c’est Alexis Wozniak.
Il est un peu plus de 16 heures et il fournit ses derniers efforts pour, enfin, retrouver la terre ferme. Quand il sort de l’eau, sous les acclamations des dizaines de personnes venues l’accueillir, cela fait très précisément 9h19 qu’il nage. Une haie d’honneur constituée par des planches de surf accompagne sa sortie des vagues de la baie de Lorient. Alexis Wozniak a relevé son propre défi : il a accompli l’exploit d’effectuer un tour de l’île de Saint-Barthélemy à la nage, simplement vêtu d’un bonnet et d’un maillot de bain.
« Des hauts et des bas »
Alexis Wozniak est entré dans l’eau aux environs de 7 heures. Il a ensuite parcouru 28 kilomètres dans des conditions météorologiques idéales mais dans une mer parfois éprouvante. « Il y a eu beaucoup de hauts et de bas », commente l’athlète sur la plage en dévorant des petits gâteaux. « Mais je n’ai pas pensé à abandonner, assure-t-il. Je me suis tellement investi et j’avais demandé à tellement de personnes de m’aider, de bénévoles, de gens qui ont pris de leur temps. Donc j’y ai pensé sur le parcours quand j’avais des moments de bas. A ma famille aussi. »
En décembre, Alexis Wozniak – qui vit et travaille à Saint-Barth depuis six ans – avait été contraint de repousser son tour de l’île en raison d’une météo aussi capricieuse que défavorable. Alors, lorsqu’il débute sa nage, il est animé par des sentiments mêlés de soulagement, d’excitation et d’appréhension. « Je ne vais pas mentir, je suis parti avec des doutes, déclare-t-il. Même si j’ai nagé beaucoup pour me préparer, c’était sur de plus petites distances, douze kilomètres maximum. Et souvent avant ou après le travail, quatre à six fois par semaine. Mais là, je m’attaquais à plus du double, donc il y avait forcément une appréhension. Est-ce que je ne vais pas craquer, exploser en plein vol ? Ma hantise était d’avoir des pépins physiques. Aux ravitaillements, j’avais peur soit de trop manger, soit de ne pas manger assez. Le problème des épreuves longue distance, avant même le mental, ce sont les facteurs météo mais aussi les soucis de digestion, de crampe, etc. C’était ma peur. »
Quelques engourdissements passagers mis à part, Alexis Wozniak a échappé au pire. Même dans les parties de l’île où la mer s’est montrée agitée. « Là, je me disais que c’était très long, lance-t-il. Mais quand il y avait de longues portions où l’on voyait loin devant, j’avais l’impression que l’île s’écartait. A Saline, j’ai trouvé ça très long. Mais c’est parce qu’en fait je voyais la pointe de gouverneur ! Après je me suis dit que je n’arriverai jamais à Tortue… »
« De l’euphorie au doute »
Pendant ses 9h19 d’efforts, mille pensées ont traversé son esprit. Avec parfois des changements d’humeur déroutants. « En deux ou trois minutes, je pouvais passer de l’euphorie, en ayant presque les larmes aux yeux dans mes lunettes, au doute complet », s’étonne-t-il. Et puis il y a eu le franchissement de ces fameux douze kilomètres, sa distance maximale d’entraînement. « J’ai commencé à avoir des raideurs dans le bras, confesse-t-il. Mais la vraie sensation de mur (comme en marathon, ndlr), je l’ai eue à l’Anse des Cayes. J’arrivais sur la fin et là je me suis dit que ça commençait à être long. Et puis j’ai pris mon dernier ravitaillement et je me suis dit « allez, je termine d’une traite, sans m’arrêter ». Mais je n’avançais plus, j’avais l’impression d’avoir tout donné. »
« J’ai rêvé de bouffe sur le chemin »
Sans parler du fait que, malgré les ravitaillements composés de compotes et de bananes mangées en nage statique, la faim a commencé à le tenailler. « J’ai rêvé de bouffe sur le chemin, sourit-il. Au tout début je n’avais pas faim, donc je me suis forcé. Mais passé un cap, je rêvais de crêpes au chocolat, de choses comme ça. »
A son arrivée, il est surpris de découvrir autant de monde sur la plage. « J’entendais des bruits mais je me disais que c’était dans ma tête, assure-t-il. Et puis en me rapprochant, j’ai vu qu’il y avait du monde… » Un accueil qui a quelque peu effacé la fatigue. Au point de lancer : « Maintenant il va falloir que je me trouve un nouveau défi, peut-être un Ironman. » Une perspective dont il s’excuse déjà auprès de son épouse, Julie, qu’il a remercié pour son indéfectible soutien tout au long de sa préparation. « J’ai pensé à elle pendant que je nageais », confie-t-il. Le couple n’aura toutefois disposé que de peu de temps pour savourer les retrouvailles après l’exploit. « Je travaille demain », glisse Alexis. Se lever le lendemain matin d’un dimanche pareil pour aller au travail, malgré des douleurs aux cervicales et des maux de têtes, cela relève aussi du défi !
Des compagnons de parcours |