Samedi soir, lors des Trophées du Sport au stade de Saint Jean, Chantal et Éric Gréaux se sont vus récompensés de leur investissement sans faille sur l’île. Fondateurs du club et de la ligue de taekwondo à Saint Barthélemy, le couple profitera de sa venue sur l’estrade pour annoncer qu’il s’agit leur dernière année ici, sans même avoir de repreneur...
Un quart de siècle au service de leurs élèves. Plus qu’une passion, c’est un style de vie que Chantal et Éric Gréaux ont enseigné durant toutes ces années à la tête du club de taekwondo de Saint Barthélémy. « Il faut bien se rendre compte que le taekwondo que l’on peut voir à la télévision, aux Jeux Olympiques par exemple, est différent dans certains aspects que la version plus “traditionnelle”. Le système de combat n’est pas réaliste, on recherche plutôt le spectacle, les points sont comptés un peu comme à l’escrime grâce à une armure électronique qui décompte les “touches”. Avant on devait entendre le bruit de ce plastron pour définir s’il y avait point ou non, on pouvait voir des K.O... Ici, et depuis que l’on enseigne avec Chantal, ma femme, on recherche cette efficacité plus conservatrice de notre art martial », déclare Éric Gréaux presque mélancolique. Lui qui a eu la chance d’apprendre auprès de maîtres coréens, ainsi que sa femme, investie quotidiennement dans cette aventure, sont les principaux témoins de ces changements dans les règles comme dans les têtes des jeunes de l’île. « Il y a une sorte de creux générationnel depuis deux ans maintenant. On a de moins en moins de jeunes ayant le goût de la compétition, du défi. On est plus dans le loisir, le côté ludique... on ne sait pas comment l’expliquer, on ressent cette timidité vis à vis du combat, et bien sûr, on ne peut pas les forcer. Si ce phénomène perdure, d’autres associations seront peut-être concernées, malheureusement », constate Chantal Gréaux.
Le couple est bien placé pour observer ce penchant. En effet, les trois quarts de leurs soixante-quinze licenciés sont des enfants de moins de quinze ans. Un nombre limité cette année à l’instar de bons nombres d’associations sportives sur l’île. Bien que décourageante, cette situation n’en est pour autant pas insurmontable. Cependant, pour des raisons personnelles, Éric Gréaux et sa femme vont quitter Saint-Barthélemy l’été prochain, sans que personne ne soit à même de reprendre le flambeau. « On a pu envoyer certains de nos membres en formation par le passé, mais ils ne sont plus résidents ici... Pour former un instructeur fédéral, il me faudrait un deuxième degré au BPJEPS, or je n’ai que le tronc commun, il me manque donc la partie spécifique. Cela aurait été plus simple ainsi, et encore, même si l’on forme quelqu’un en Métropole ou qu’une personne déjà formée vient s’installer sur l’île, il faut savoir que ce rôle est bénévole », annonce Éric Gréaux avant que sa femme ne complète : « Alors il faut bien imaginer qu’à côté il faille obtenir un logement, gagner sa vie tout en s’assurant que les journées de travail permettent d’être disponibles tous les soirs. C’est compliqué, très compliqué. Et puis si une personne formée pour donner des cours arrive ici, il faut également un président, un secrétaire, un trésorier pour le club et la ligue mis en place... » Nostalgiques mais unis, ces deux-là se voient bien monter un nouveau club, où qu’ils aillent, en espérant bien sûr que celui de Saint-Barthélemy perdurera ou renaîtra de ses cendres, une telle aventure sportive ne peut se terminer ainsi.
Gregory M.-B.