Tandis que les onze équipages engagés dans la Transat Paprec, la 16e de l’épreuve (les sept premières au départ de Lorient et les neuf suivantes depuis Concarneau), bataillaient sur l’océan pour gagner Saint-Barthélemy avec l’espoir de décrocher la victoire, près de 20.200 amoureux des courses au large pilotaient leur Figaro Beneteau 3 virtuel devant leur écran d’ordinateur. A ce petit jeu de la Virtual Regatta, c’est un Saint-Barth qui, pour la première fois depuis la création de cette épreuve en ligne, a remporté la victoire après 19 jours, 19 heures, 46 minutes et 45 secondes de course. L’identité de ce navigateur électronique est Barbenoire SBH, ou Elie Blanchard de son état civil. Un grand vainqueur qui n’avait absolument pas envisager de franchir la ligne d’arrivée en première position. « Il y a plus de 20.000 skippers qui participaient, alors je n’avais pas prévu de gagner, s’amuse-t-il. J’avais déjà participé plusieurs fois à la Virtual Regatta mais je n’avais jamais été mieux classé que 700 ou 800e. Bon, vu le nombre de participants, c’est déjà pas mal ! » Cette année, il entendait bien faire mieux. « Peut-être dans les cent premiers », confesse-t-il. Un objectif dont il était déjà très éloigné après dix jours de course puisqu’il ne pointait qu’aux alentours de la millième place. Mais une décision va totalement faire basculer le classement.
Barre au Nord !
Alors que les routeurs conseillent à tous les participants de s’orienter au Sud, Elie Blanchard (enfin, Barbenoire SBH !) décide de ne pas suivre ces instructions et barre au Nord. « J’ai regardé la carte des vents sur les sept jours à venir et pour moi, c’était gagnant, assure-t-il après la course. On n'est que quelques-uns à être partis au Nord et certains n’ont même pas continué. » Toutefois, dans un premier temps, il ne tarde pas à nourrir quelques doutes quant au bienfondé de son choix. En effet, au cours des deux jours qui suivent, il plonge au classement et apparaît au-delà de la 2.000e place. « J’ai quand même continué parce que si j’étais revenu au Sud, j’aurais perdu encore plus de places, constate-t-il. Le treizième jour, j’ai entamé la descente vers Saint-Barth et j’ai vu que je gagnais des places super vite. Je me suis même dit que je pouvais peut-être entrer dans les dix premiers ! » Il va faire bien mieux.
De fait, au 15e jour de course, il passe en tête ! « Personne ne m’a vu arriver, s’amuse Elie Blanchard. Tout le monde était dans le Sud à bagarrer, du coup ils ne me voyaient au Nord. Et quand je suis passé premier, ils ne pouvaient plus rien faire. Ils ont tous été trompé par leur routeur. Il n’y avait que deux joueurs, eux aussi partis au Nord, qui pouvaient me rattraper. Il y avait de la pression mais j’ai tenu. » Mieux, il franchi la ligne d’arrivée avec 1h21 d’avance sur le second. « D’habitude, sur ce genre de course, ça se joue sur quelques minutes, parfois quelques secondes, explique le vainqueur. Les gars de la Virtual Regatta n’en revenaient pas ! » Une satisfaction supplémentaire. « J’ai reçu une cinquantaine de message de pros de la Virtual et de plein d’autres joueurs », se félicite-t-il. Mais la victoire n’a pas été obtenue sans efforts.
Debout toutes les deux heures
Pendant près de vingt jours, la vie d’Elie Blanchard a été rythmée par sa transat virtuelle. « J’allais six à sept fois par jour sur l’ordinateur, raconte-t-il. Je faisais les derniers réglages vers minuit et je rattaquais à 6 heures du matin. Sauf les deux dernières nuits où j’étais debout toutes les deux heures ! Même s’il fallait que je fasse une grosse erreur pour être rattrapé puisque j’avais de l’avance. Mais tant qu’on n’a pas coupé la ligne, on n'a pas gagné ! Il y a deux ans, j’ai passé un copain de Saint-Barth à la Pointe de Colombier ! »
A 44 ans, Elie remporte donc sa première transatlantique virtuelle. A la grande fierté de ses enfants, qu’il a suivi à Toulouse le temps de leurs études. « D’habitude, quand ils viennent regarder, ils voient mon classement et me disent : « Houla, mais qu’est-ce que tu fais ?!! » Là, quand ils ont vu que j’étais premier, ils étaient trop contents. » Les dix années de jeunesse passées à l’école de voile de Saint-Barthélemy n’ont pas été inutile lors de cette traversée. Mais aussi, et surtout, ses souvenirs de la Transat AG2R.
Le tour de l’île en Figaro avec Laurent Jourdain
« A l’époque, les jours après l’arrivée de la course, les skippers faisaient le tour de l’île, se souvient Elie. J’ai eu la chance de monter avec Laurent Jourdain sur son bateau. C’était impressionnant, même pour un simple tour de l’île ! Là, on se dit que traverser l’Atlantique sur un bateau comme ça, c’est fort. »
Aujourd’hui, le vainqueur de la Virtual Regatta de la Transat Paprec 2023 émarge à la 8.663e place du classement VSR, qui compte 276.652 classés. Nul doute qu’il va effectuer un bond dans la hiérarchie ! « J’ai fait la transat en solitaire mais il y a plein de team, explique Elie Blanchard. Il y en a 22 qui m’ont demandé de les rejoindre depuis ma victoire. Je prends mon temps pour bien choisir, car avec la bonne équipe, on peut vite monter au classement. »
Pour l’heure, Barbenoire SBH est déjà reparti en mer sur une autre Transat virtuelle, cette fois sur Imoca dans une course à étapes. Avec un petit regret : celui que la victoire dans la Virtual Regatta de la Transat Paprec n’ait récompensé par aucun prix. « Il y a quelques mois, une régate en direction de Tahiti a permis au vainqueur de gagner deux allers et retours pour Tahiti, constate Elie Blanchard. Dans une autre, il y avait une Rolex à gagner. » Néanmoins, à défaut de prix, le vainqueur 2023 peut se targuer d’avoir devancé près de 20.000 concurrents et, surtout, d’être le premier Saint-Barth à remporter cette Transat virtuelle. Ça valait le coup de se relever la nuit.