Saint-Barth - Antoine Questel

Antoine Questel tire sa révérence

La nouvelle est tombée de manière abrupte. Comme la décision d’Antoine Questel. Au début de la semaine dernière, le champion aux six titres de champion de France de windsurf a annoncé sa décision de mettre un terme à sa carrière. Ainsi, à 39 ans et après vingt années passées au plus haut niveau, Antoine Questel tire sa révérence. Au beau milieu de la saison.
« L’hiver dernier, je savais que je n’en avais plus pour très longtemps, confie le slalomer. Mais je ne pensais pas m’arrêter en milieu de saison. » Pourtant, de son propre aveu, Antoine Questel était « remonté à bloc » au moment d’attaquer la compétition. « J’allais vite sur l’eau, j’étais motivé à 200%, assure-t-il. En Italie, sur le lac de Garde, je tirais des bords avec le champion du monde. » Mais le champion déchante rapidement.
Lors de la première manche du PWA World Tour, sur ce même lac de Garde, dès la première poule, il sent que quelque chose cloche. « Je me suis fait attaquer au vent puis sous le vent et je n’ai pas su répondre, raconte-t-il. Je n’ai pas trouvé les bons réflexes stratégiquement pour contrer mes adversaires. Ça m’a donné une sensation très amère à l’arrivée. Je n’avais jamais ressenti ça. » Malgré la déception et ce sentiment étrange, Antoine se dit que la saison ne fait que débuter. Il se lance donc avec enthousiasme dans la deuxième étape, à Grand Canaria, en Espagne.
Une course de slalom, sa spécialité, en aileron. Pas ce satané foil qui a transformé complètement la discipline. «Et puis j’avais connu l’événement de Grand Canaria il y a 15 ans et je me souvenais de vents à 25/30 nœuds, sourit-il. Je me frottais les mains en me disant que l’aileron pouvait encore faire la différence avec le foil. » Nouvelle déception.

« Plus à ma place »
« Au bout de la première journée, j’ai compris que je n’allais pas m’en sortir, soupire-t-il. Je me suis senti complètement en décalage sur la réalité des choses. Je ne me sentais plus à ma place, que ce n’était plus pour moi. A haut niveau, on évolue dans une bulle. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte pour réussir : le physique, le mental, la stratégie, la chance… Il faut que tout soit connecté pour se maintenir dans cette bulle. C’est assez spécial. » Quand il s’est senti sortir de cette bulle, il a compris que le temps d’arrêter était arrivé. « C’était une décision difficile, pour moi mais aussi pour les partenaires, souffle-t-il. Mais je l’ai vécu assez bien. »
L’évolution de son sport, particulièrement avec l’arrivée de nouvelles technologies comme le foil, a également contribué à précipiter sa fin de carrière. « Le foil, ça remue les lignes à mort, remarque Antoine. J’ai vu arriver des gens inconnus au bataillon mais qui dès leur première course atteignaient la bouée en première position. Ça, ce n’était pas possible en aileron. Avec le foil, c’est un nouveau sport. Il faut revoir toutes les stratégies de course. Les prises de décision ne sont pas aussi radicales qu’avec un aileron. Il y a besoin de moins d’expérience pour figurer en haut du classement. » Et puis, au-delà de l’évolution de sa discipline, le champion a vu l’environnement du sponsoring et des partenaires se réduire pendant et après la crise sanitaire. Même s’il a pu éviter l’écueil. « Quand le Covid est arrivé, j’avais des partenaires qui étaient des petites marques et je suis resté avec eux, explique-t-il. Mais il y a eu de grands chamboulements sur le circuit. Des magasins ont fermé en Europe, des contrats de sponsoring ont été arrêtés, etc. » Des préoccupations bien éloignées de celles qui étaient les siennes il y a plus de vingt ans quand, adolescent, il filait sur le lagon de Grand-Cul-de-Sac.

« J’ai fait mon parcours »
Antoine Questel se souvient. « Tout a débuté avec une personne qui habitait sur l’île et qui avait fait du sport-études à Marseille, raconte le champion. Il a vu ma motivation sur le lagon et il a voulu me donner un coup de main. Après je suis parti en Guadeloupe, en Martinique, en France. Je suis resté trois ans à La Rochelle pour chercher le meilleur niveau. Puis j’ai intégré l’école nationale de voile. J’ai fait mon parcours… » En effet.
Résumons : six titres de champion de France (deux en catégorie jeune, quatre en sénior), quatre podiums sur des étapes de coupe du monde et huit années passées dans le top 15 mondial. Avec, en point d’orgue, une 7e place au classement mondial en 2013. Pas vilain, le parcours… « J’ai la chance d’avoir le palmarès », glisse modestement Antoine. « J’étais presque le seul sportif de l’île à évoluer au haut niveau à l’époque, se souvient-il. Par conséquent la Collectivité territoriale m’a énormément aidé, jusqu’à mes 32 ans. Et puis j’étais leader chez mes sponsors, ce qui m’a permis de faire du développement, etc. » Une belle carrière qui, immanquablement, laisse des souvenirs.

« Une poussée  d’adrénaline »
Comme les premières performances au plus haut niveau. «Je me souviens de mon premier titre de champion de France en jeune, à Saint-Malo (Bretagne), sourit-il. Tu es en fin de croissance, à fond ! J’ai gagné avec une telle facilité, j’étais un gros cran au-dessus ! Et puis il y a le premier podium en coupe du monde, la première victoire lors d’une manche de la coupe du monde (en 2011, ndlr)… Ça te procure une poussée d’adrénaline, un truc fou que tu ne ressens pas tous les jours ! » Heureusement, ça deviendrait tellement banal ! « J’ai des souvenirs de voyages, de galère avec le matériel dans les aéroports », rêve-t-il à voix haute.
L’heure de la retraite a donc sonné. Mais pas celle de s’éloigner de l’eau. Car la compagne d’Antoine Questel, Delphine, concourt encore pour obtenir sa qualification pour les Jeux Olympiques de Paris. Après ? Les projets sont déjà en place. « On va s’installer ici (à Saint-Barthélemy) », assure Antoine, qui a déjà une activité professionnelle en tête. Néanmoins, il ne fait guère de doute que les amateurs de glisse le verront régulièrement sur les eaux de Saint-Barth. Ou simplement sur la plage, à observer les jeunes windsurfers. « Ça me ferait plaisir de transmettre », lance Antoine Questel en affichant un sourire enthousiaste. Qui sait si, dans quelques temps, le JSB ne publiera pas un article sur ce nouvel espoir découvert sur une baie ou dans le lagon par un ancien champion…
 

 

Journal de Saint-Barth N°1549 du 11/01/2024

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