Comment résumer 40 ans d’existence ? Au départ, les interlocuteurs se montrent timides. Une anecdote par ci, une anecdote par là. Il y aurait tellement d’épisodes à raconter, comment en choisir un seul ? Parfois, il n’y a pas besoin de mots. La chaleur dans leur voix et le sourire qui s’étire sur leur visage suffisent à raconter l’amour qu’ils ont pour ce club. « Si il n’y avait pas eu les Barras, on serait peut-être partis de l’île », lâche Philippe Bertin, alias Porcu.
Il n’est pas le seul, nombre de joueurs sont tombés amoureux de Saint-Barth grâce aux Barracudas. « Je suis arrivé le vendredi sur l’île, et la semaine d’après, je prenais ma licence chez le Barras », résume Denis Ragot, le président actuel des Barracudas. D’autres, comme l’emblématique Paul Bessières, sont venus à Saint-Barth uniquement pour rejoindre le club. Invité par son ami Fabien Maurel, le joueur qui a fait ses classes au Stade Toulousain a intégré les Barras il y a 15 ans (JSB1586). Grâce à ces piliers, plus amoureux du club que du sport, les Barracudas ont su créer un groupe solidaire de sportifs et de bénévoles. « L’aspect familial est très important, appuie Paul Bessières. On va toujours s’entraider s’il y en a qui a besoin d’un boulot, ou d’un logement. »
L'équipe des Barracudas en décembre 1994.
Barbecue et beach rugby
Même s’il a connu de nombreux clubs de rugby, celui-là n’a rien à voir avec les autres insiste Denis Ragot : « On est des insulaires, donc on se connait tous un petit peu et on se voit aussi à l’extérieur du rugby. » Au fil des années, le noyau dur de joueurs installés définitivement sur l’île s’est étoffé. Mais aux débuts du club, les entraîneurs devaient s’accommoder à l’incessant turn over des saisonniers. En 1986, cette association montée par Gonzague Delvas et Dominique De Bénédictis comptait une vingtaine de joueurs, pour la plupart des saisonniers qui ne pouvaient pas faire les déplacements. On est loin des 130 adhérents actuels.
A l’époque, Luc Rio avait 11 ans. Il se souvient encore des entraînements sur le terrain qui recouvrait l’ancienne décharge. « Parfois, on était contraint d’arrêter le jeu parce qu’un bout de ferraille sortait du sol », détaille le joueur de rugby. Dans les années 90, les Barras rencontraient des difficultés pour intégrer le championnat de Guadeloupe. Les joueurs ne se décourageaient pas, ils se confrontaient lors des matchs aux clubs des îles anglaises. Si les victoires n’étaient pas toujours au rendez-vous dès les débuts, la convivialité elle était déjà présente. « C’était vraiment top, on se retrouvait entre copains, on faisait des barbecues et même du beach rugby », précise Luc Rio.
En mai 2003, Les Barracudas remporte pour la première fois le titre de champion de Guadeloupe à Baie Mahault.
« Ce qui se passe au rugby, reste au rugby »
Le nouveau millénaire a signé l’entrée des Barracudas dans leur âge d’or. Une période faste lancée par leur première victoire du championnat de Guadeloupe en 2003. Cet évènement s’est gravé dans les mémoires des membres du club, mais aussi des habitants de Saint-Barth. « On avait fait la fête sur le rond-point devant Le Piment et on avait bloqué les voitures jusqu’à l’aéroport », sourit Philippe Bertin. Le joueur, entraîneur et ancien président du club pourrait sortir des anecdotes à la chaine : les calendriers dénudés, l’enregistrement d’un album, ou encore les inoubliables 3ème mi-temps dans les hôtels ou les aéroports. Mais il ne faut pas trop rentrer dans les détails : «Ce qui se passe au rugby, reste au rugby ».
Avec dix victoires du championnat de Guadeloupe et trois titres du championnat Antilles-Guyane, les Barracudas ont eu droit à leur lot de célébrations. Attirés par ce sens de la fête ou le goût du sport, de plus en plus de curieux ont rejoint l’association. La classique équipe senior a fait de la place sur le terrain pour l’école de rugby, l’équipe de vétérans Les Poissons Clowns et la sélection féminine Les Rascasses. Ces dernières ont d’ailleurs remporté leur premier match le week-end dernier face aux Bruc des Abymes (voir page 9). A leur retour à Saint-Barth, elles étaient reçues par un comité d’accueil, comme pour les seniors.
Les Barras décrochent une sixième étoile en 2012 du championnat de Guadeloupe de rugby et ramenent le Bouclier de Brennus à la maison.
Un nouveau club de supporters
C’est visible à chaque rencontre, les Barras savent attirer les foules. « C’est une chance d’avoir les tribunes pleines à craquer à chaque match », s’enthousiasme Paul Bessières. Pour mettre en valeur cet engagement, Denis Ragot va même lancer un club de supporters avec leur propre tee-shirt, leur président et leur nom officiel. Toujours dans l’univers marin évidemment. Ceux qui aiment le rugby mais pas les plaquages pourront par le biais de ce club rejoindre la grande famille des Barracudas.
Une famille où se côtoient désormais toutes les générations. Les anciens joueurs qui ne peuvent plus être sur le terrain, sont souvent derrière le bar en tant que bénévole. «Quand on passe aux Barras, on s’en souvient et on est reconnaissant », avance Paul Bessières, qui a raccroché les crampons en octobre 2024. Les plus jeunes qui ont quitté l’île pour faire leurs propres expériences commencent à revenir, et ne manquent pas de retrouver le club de leur enfance. C’est le cas de Tim, le fils de Philippe Bertin qui a repris les entraînements sur le stade de Saint-Jean. Même si Porcu avait laché le terrain, il a décidé de reprendre sa licence chez les Barras pour jouer avec son fils, en famille.
Doublé historique en 2017. Lundi 17 avril au stade du Robert en Martinique, le XV de Saint-Barth remportait son 3ème titre de champion Antilles-Guyane (TAG), après ceux de 2013 et 2016 (en photo). Puis deux mois plus tard, samedi 3 juin, en remportant 10-6 en finale face Bruc, le club des Abymes, le XV de Saint-Barth lève le trophée du championnnat de Guadeloupe.
Programme des 40 ans des Barracudas 14h-17h : Jeux pour les enfants. Structures gonflables et animations |
Témoignages
A l'occasion des 40 ans du club de rugby Les Barracudas, les figures marquantes de l'ovalie en Guadeloupe se sont prises au jeu des anecdotes et des messages d'anniversaire pour le club des Barracudas.
Frédéric Rouillon
président Ligue de Rugby Guadeloupe
« Oh la la ! Jouer sur cet ancien terrain-là, c'était du tuff ou du stabilisé, je ne sais plus trop... par contre les bouts de coquillages qu'on se retirait de la peau après le match, ça je m'en rappelle bien (rires). De mémoire, on dormait dans une ancienne bibliothèque près du cimetière quand on venait jouer à Saint Barth. C'était une vraie expédition pour monter jouer la-haut, mais au bout du compte on est toujours super bien accueillis chez les Barracudas, c'est vraiment un truc à vivre quand tu fais du rugby aux Antilles. »
Rachel Masi,
présidente des Archiball Rugby Saint Martin
« Au nom des Archiball SXM, c'est avec joie et respect que nous célébrons vos 40 ans, les Barracudas. Quatre décennies à faire vivre le rugby et à transmettre les valeurs du sport sur nos petits cailloux. Barras et Archis cec sont d'abord des ententes chez nos féminines et nos jeunes mais aussi l'incontournable derby des îles du Nord, un combat acharné de 80 minutes où respect et amitié l'emportent toujours à la fin. Vive les Barras, vive les îles du Nord, vive le Rugby ! »
Samuel Moreau
ancien arbitre fédéral et ancien président du Bastruc
« Les Barracudas sont un des symboles de cette magnifique île qu'est Saint Barthélémy, avec cette ferveur, ce 16e homme qui soutient les ciels et blancs. C'est un déplacement extraordinaire pour nos jeunes et quel que soit la catégorie, c'est toujours une équipe difficile à jouer, la preuve, ils gagnent souvent ! Des rugbymen Basse-Terrien ont aussi porté victorieusement ce maillot. Pour ma part, j'ai été le 1er à arbitrer sur le terrain synthétique de Saint Jean... en ayant joué sur l'ancien, je peux vous dire que c'est une belle évolution (rires). »
Damien Gateau,
éducateur RCM
« Les Barras, c'est la convivialité et un état d'esprit qui nous a emmené à avoir Marius Domont comme parrain de notre club. Ce club, comme ce joueur, sont un exemple pour le rugby antillais et pour notre jeunesse. »
En 2022 l’entente Rugby des i?les du Nord des moins de 12 ans a encore glane? un trophe?e en remportant le Challenge Rene? Dane du Diamant, Martinique. Les jeunes de l’e?cole de Rugby de Saint-Barth terminent premier, a? l’issue de sept rencontres dispute?es contre des e?quipes Martiniquaises et Guadeloupe?ennes,
Dominique Graniou,
coach du Bruc Abymes et ancien sélectionneur équipe de Guadeloupe de Rugby
« 40 ans, le bel âge pour ce club incontournable du Rugby Antillais. J'ai beaucoup de souvenirs de nos matchs avec le Bruc contre les Barracudas et aussi en sélection de Guadeloupe, quand j'ai eu le plaisir d’entraîner les Saint Barths. Bon anniversaire les Barras. »
Jérémy Guyard,
entraîneur Loisir RC Goyave.
« Avec Goyave, notre 1er déplacement là-bas, il y a 8 ans de cela, était épique ! On a pris l'avion, le bus, le bateau, les voitures ... et arrivés à Saint Jean, on découvre une enceinte sportive flambant neuve, avec de l'éclairage, un terrain nickel, des infrastructures top... tout ce qu'on n’avait pas en Guadeloupe (rires) ! Bon, on prend 80 à 0 et on passe même dans le Rugbynistère, c'est dire ! Heureusement, on a eu une chouette 3ème mi-temps avec ces gars-là. C'est un club qui sait recevoir, c'est vrai. »
Yvan Bodot,
membre fondateur du Rugby Club de Saint-François.
« Bon anniversaire ! Quand je jouais contre Saint Barth, ils me mettaient la fièvre, pourtant j'adorais arbitrer chez eux par la suite. Les Barras, c’est des souvenirs et des rencontres qui nous ont tous construit humainement et sportivement, c'est à cela, qu'on voit un beau club. »
Gérald Maitre,
responsable de l'école des Jaguar
« Les Jaguars (Rugby Club de Baie-Mahault) saluent les Barracudas pour leurs 40 ans de passion et d’engagement. Club encore jeune avec à peine sept ans d’existence, les Jaguars ne peuvent qu’admirer le parcours d’une équipe célébrant ses 40 ans – un âge de raison pour une telle aventure sportive. Derrière cette longévité, on imagine aisément le travail accompli : des générations de bénévoles mobilisés pour structurer un club unique, isolé sur une petite île, à 40 minutes de bateau de Saint-Martin et plus de deux heures de la Guadeloupe. Un défi relevé avec brio, et qui force le respect.
Les Jaguars ont eu le plaisir d’accueillir les Barracudas à plusieurs tournois de l’école de rugby, où leurs jeunes joueurs ont fait preuve d’un remarquable niveau de jeu. Sans oublier les incontournables Poissons-Clowns, l’équipe Loisirs, dont le passage dans le club-house reste un souvenir marquant. Bravo à eux pour ce parcours exemplaire, et longue vie aux Barras ! Bon anniversaire ! »
©Maël Aumonier
Pierre Calvet,
président du Rugby Club du Moule
« Les noces d'émeraude entre les Barracudas et le Rugby ! Les Barras c'est beaucoup de haut, quelques bas et des champions, comme Marius Domont ! En plus, vos tournois sont fabuleux, pour vos 40 ans, on est tous
Barras. »
David Alquier,
co-président du Good Luck Gosier
« C'est une équipe qui a toujours été solide, même sur le terrain de leur ancienne déchetterie, en terre battue. Parmi les équipes à battre tous les ans, les Barracudas en font clairement partie. Et c'est vrai, c'est toujours sympa d'aller jouer là-bas, parce qu'on peut parfois rencontrer des stars, comme Naomi Campbell, par exemple (rires). »
David Rondeau,
responsable école de Rugby Archiball
« Historiquement, pour les écoles de Rugby des îles du Nord, le déplacement à Saint-Barth, c'était un peu le voyage de l'année pour nos gamins. Ce sont nos frères, parfois frères ennemis, mais que sur le terrain, jamais en dehors. On est des modèles l'un pour l'autre, on les supporte dans la victoire et on les encourage aussi dans la défaite, et eux font pareil avec nous. Archi et Barras c'est un peu des frangins, avec qui tu as grandi, avec qui tu t'es toujours fritté, mais avec qui tu as fait les 400 coups, ou plutôt 40 pour le coup. »