Il suffisait d’une étincelle, une de plus, pour que la Guadeloupe s’embrase. Mais peu de personnes, en tout cas pas assez, avaient imaginé que la situation puisse évoluer de la sorte, jusqu’à en devenir quasiment incontrôlable. Pourtant, depuis une semaine, l’appel à une grève générale s’est mué en un climat quasi insurrectionnel. Barrages, pillages, incendies, affrontements avec la gendarmerie et la police, les épisodes de violences se sont multipliés jusqu’à décider Paris à envoyer 250 gendarmes en renfort, dont des unités du GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) et du Raid (Recherche, assistance, intervention et dissuasion). Hier, plus de 90 interpellations et 60 gardes à vue avaient été enregistrées, selon le ministère de l’Intérieur.
Parallèlement, le préfet de Guadeloupe a décidé la prorogation du couvre-feu de 18 à 5 heures jusqu’au dimanche 28 novembre. Alors même que cette mesure devait initialement être levée mardi dernier, le 23 novembre. Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a fait du rétablissement de l’ordre public « le préalable à toute discussion ». Pour ce faire, le premier ministre Jean Castex a annoncé lundi la création d’une « instance de dialogue » afin de « convaincre et d’accompagner individuellement, humainement » les professionnels concernés par l’obligation vaccinale. Une décision qui n’a pas convaincu.
La mobilisation se poursuit
« Bien sûr qu’on continue la mobilisation. On n’attendait pas grand chose de Castex et du gouvernement Macron, donc on n’est pas déçus », indique Hilaire Luce à l’AFP (Agence France Presse), membre du collectif qui a appelé à la grève générale, sur un barrage fait d’arbres et de pneus brûlés près du Gosier. « Ils font preuve d’un mépris caractérisé : ils créent une instance d’écoute, ça veut dire qu’ils nous prennent pour des illettrés ? », s’indigne-t-il.
L’île de la Guadeloupe est le théâtre d’une large contestation sociale enclenchée, il y a une semaine, par l’appel à la grève générale d’un collectif d’organisations syndicales et citoyennes pour protester contre le passe sanitaire et l’obligation vaccinale, en particulier des soignants. Après de premières manifestations qui ont mobilisé jusqu’à plusieurs milliers de Guadeloupéens cet été, des barrages ont été érigés en travers de nombreux axes routiers et l’accès aux établissements hospitaliers a été filtré.
«Un danger de mort»
Devant le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, les seuls véhicules autorisés à entrer vendredi dernier étaient les ambulances. De leur côté, les centres de dialyse avertissaient que les barrages pouvaient empêcher d’accéder aux soins près de 800 patients, pour lesquels cela constituait « un danger de mort ». La nuit, la mobilisation a dégénéré, à plusieurs reprises, en violences urbaines.
Dans plusieurs communes de l’île, des magasins alimentaires ont été pillés. « A chaque fois, une barricade placée en amont nous empêchait d’avancer », ont affirmé les gendarmes qui font état également de soupçons quant à de « faux appels pour [les] attirer ailleurs, tout comme les pompiers ». Un poste de police a également été incendié dans la commune de Morne-à-l’Eau, et, selon la préfecture, quatre pharmacies ont été fracturées.
A l’origine de la mobilisation générale, un cahier de revendication sur lequel figurent 32 points. Notamment « l’augmentation généralisée des salaires », « la résorption de tous les emplois précaires et des embauches massives », « l’arrêt de la répression judiciaire et patronale » et l’abrogation de la loi du 5 août 2021 encadrant l’extension du passe sanitaire ainsi que la vaccination obligatoire pour certaines professions.
Pour l’heure, les barrages n’ont pas été levés sur les différentes routes de l’île. L’économie est donc plus que jamais à l’arrêt. Avant même d’avoir débuté, la haute saison se trouve par conséquent au plus bas.
La Martinique aussi
Sans doute désireuse d’emboîter le pas de sa voisine Guadeloupéenne, la Martinique a également lancé un mouvement de grève générale en début de semaine. Des barrages ont été dressés en travers de certaines routes de l’île et des violences, notamment des tirs à balles réelles sur des policiers et des pompiers dans le quartier de Sainte-Thérèse, à Fort-de-France, ont été rapportés le mardi 23 novembre.
Les barrages ont été installés tôt mardi matin à l’appel d’une intersyndicale de dix-sept organisations qui formulent des revendications variées, parmi lesquelles la fin de l’obligation vaccinale et des suspensions pour les soignants, mais aussi la hausse des salaires et des minima sociaux et la baisse des prix des carburants et du gaz.
L’accès à l’agglomération de Fort-de-France, au centre de l’île, est impossible depuis le sud et le nord. Des camions, des taxis, mais aussi des palettes et des pneus ont été disposés à des points stratégiques. Les réseaux de transports en commun étaient totalement à l’arrêt mardi, mais les personnels soignants et les forces de l’ordre ont, malgré tout, pu franchir quelques barrages, a constaté une journaliste de l’AFP. Ces blocages ont également contraint le rectorat à fermer plus de la moitié des établissements scolaires.