La préfète Sylvie Feucher a publié l’arrêté stipulant les règles du déconfinement à Saint-Barthélemy. C’est bon pour les restaurants et les bars, pas pour les discothèques, ni pour la navigation de plaisance, pour le moment. « Je suis obligée de prendre quelques précautions », explique-t-elle.
L’arrêté préfectoral tant attendu est signé et publié. Il détaille les activités qui sont autorisées à reprendre à compter du mercredi 13 mai, et celles qui ne le sont pas. Avec quelques différences par rapport au niveau national, à commencer par les bars et les restaurants, qui pourront accueillir leurs clients dès aujourd’hui, après un faux départ lundi. « Mais attention, ce que j’ai vu lundi soir, cela ne m’a pas du tout plu », prévient Sylvie Feucher, préfète de Saint-Martin et Saint-Barth. « J’ai reçu plein de photos de certains établissements à Saint-Barthélemy, ouverts sans aucun respect des mesures barrière. Si les gens ne font pas ce qu’il faut, je prendrai des mesures de fermeture administrative. Une fiche du ministère du Travail doit sortir pour ces établissements, mais il y a déjà des mesures de simple bon sens à prendre. Si on m’envoie des photos, c’est bien parce que ça choque. Je suis pour que l’activité reprenne, mais si on n’adopte pas les bons gestes dès maintenant, que ferons-nous à la réouverture des frontières ? »
Seuls commerces qui auront l’interdiction de recevoir du public même à partir du 13 mai, les discothèques, « pour des raisons assez évidentes. » Les activités nautiques commerciales (plongée sous-marine, jet-ski, bateau en day-charter, etc.) ne seront pas non plus autorisés à reprendre leur activité pour le moment.
Les commerces ont repris, notamment les boutiques de vêtements et accessoires, prises d’assaut en cette période de soldes (lire page suivante). Là aussi, elles doivent appliquer un minimum de gestes barrière. «J’ai bien conscience que certaines mesures sont un peu utopiques, comme le nettoyage des vêtements qui ne peuvent pas toujours supporter la vapeur. Mais il faut faire preuve de bon sens. Le nettoyage des poignées de portes, des postes de carte bancaire, des locaux en général, ce sont des choses que l’on peut faire. On sait vers quoi il faut tendre.»
Navigation de plaisance interdite pour l’instant
Côté grand public, malgré l’insistance du Président Magras, la navigation de plaisance reste interdite pour le moment. « Evidemment, 5 milles des côtes, ce n’est pas loin. Mais nous n’avons pas la capacité de surveiller chaque bateau, et de nous assurer qu’un bateau ne va pas chercher du monde sur les îles autour pour le ramener à Saint-Barthélemy. Pour la navigation de plaisance, on verra comment la situation évolue à Saint-Martin et Sint-Maarten. Je suis préfète des Îles du Nord, je ne peux pas considérer uniquement Saint-Barthélemy, sans Saint-Martin et Sint-Maarten à côté. Ces règles pourraient être assouplies dans quinze jours, voire une semaine. Il faut de la patience, on ne peut pas tout faire d’un seul coup. » Bruno Magras avait fait du forcing sur Tropik FM, vendredi 1er mai : « J’ai prévenu la préfète que si elle était contre, je prendrai un arrêté pour l’autoriser, et qu’elle n’aurait pas d’autre choix que de l’attaquer au tribunal.» Cette dernière reste droite dans ses bottes : «C’est ma responsabilité.»
En revanche, les activités nautiques non motorisées comme le surf, la planche à voile ou le kite, sont autorisées. « Uniquement dans le cadre de la pratique individuelle, pas dans un cadre commercial », souligne Sylvie Feucher. Ce qui signifie que les sociétés de location de bateaux à la journée, de tours en jet-ski ou de plongée ne peuvent pas encore exercer.
La question des frontières est étudiée en ce moment par les autorités. Pour le moment, les restrictions sur les voyageurs demeurent : il faut un motif impérieux pour entrer sur l’île. Et les arrivants doivent se soumettre à une quatorzaine chez eux. « Je ne suis pas allée sur le confinement obligatoire à l’hôtel, qui ne me paraissait pas adapté à Saint-Martin et Saint-Barth. La règle se poursuit telle qu’elle est. Ce système fonctionne puisque nous n’avons pas encore eu de nouveau cas. »
Ces règles seront difficiles à accepter pour certains, mais la représentante de l’Etat refuse de passer du noir au blanc d’un seul coup. « On n’est pas dans l’idée de faire durer cela quinze ans », rassure la préfète. Assez surprise de voir qu'après des semaines à recevoir des demandes de toute part de rigueur sur le confinement, on lui demande un déconfinement express. « Je veux pouvoir contrôler, branche par branche, la façon dont ça se passe. Nous devons faire les choses progressivement, créer un sas. Les assouplissements pourront arriver rapidement, mais il faut faire une chose après l’autre. » Parce qu’en cas d’échec du déconfinement, un reconfinement n’est pas exclu. « C'est tout à fait imaginable. Il faudra s’y pencher si on a cinq ou six cas de Covid-19 d’un coup. Mais je ne veux pas de reconfinement, il faut donc faire les choses correctement. »
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Faux départ lundi
Le faux départ du déconfinement, lundi, n’a pas concerné que Saint-Barthélemy mais toute la France. C’est le gouvernement qui autorise ou non le déconfinement et les mesures qui vont avec. Le texte proposé a été débattu longuement par les parlementaires, qui ont déposé par moins de 600 amendements à étudier. Avant d’être validé, il devait passer le scanner du Conseil Constitutionnel. Celui-ci a mis plus de temps que prévu a étudier la chose ; donc dans la nuit de dimanche à lundi 11 mai, peu après 1 heure du matin, le gouvernement a indiqué qu’il avait besoin d’un délai supplémentaire. Le déconfinement étant d’ores et déjà annoncé et entamé dans le pays, Edouard Philippe a signé un décret un peu dans l’urgence, valable uniquement lundi et mardi. Il y laissait sur bon nombre de sujets la possibilité pour les préfets, notamment dans les Collectivités d’outre-mer, de déroger à certaines règles, selon la situation des territoires. Mais la préfète des Îles du Nord a dû attendre d’avoir le texte final pour publier son arrêté spécifiant des exceptions pour Saint-Barth, sans quoi il n’aurait reposé sur aucune base juridique.
Alors vu d’en bas, ces atermoiements administratifs ont donné bien du fil à retordre aux professionnels de l’île. D’autant plus que Bruno Magras avait annoncé qu’il visait un déconfinement accéléré, et que Emmanuel Macron avait donné son accord. Le président de la Collectivité avait réuni la semaine dernière, en lien avec la préfecture, les socioprofessionnels de l’île pour leur expliquer qu’ils pourraient très très probablement rouvrir dès lundi 11 mai. Il a aussi multiplié les déclarations sur sa volonté de rouvrir toutes les activités de l’île, sans exception. Arguments : l’île s’est dotée d’une machine de tests rapides, et elle ne compte plus aucun cas de Covid-19 depuis des semaines. Les frontières restent fermées pour le moment. Alors forcément, quand les bars et restaurants ont rouvert pour la plus grande joie de leur clientèle déconfinée, et qu’ils ont vu arriver les gendarmes, venant leur expliquer que le décret n’était pas encore applicable et que donc, dans les faits, ils n’avaient pas le droit d’ouvrir... Mieux vaut avoir un certain sang-froid en cette période troublée !