Par crainte d’une hypothétique obstruction par la gendarmerie, l’heure et le lieu de la manifestation ont été précieusement dissimulés. De fait, ce n’est que quelques minutes avant l’heure dite que le site du rassemblement a été dévoilé : le parvis de la Collectivité territoriale. Samedi 11 septembre, vers 17 heures, plusieurs dizaines de personnes ont ainsi répondu à l’appel du Collectif Santé de Saint-Barthélemy. L’objectif était d’afficher le refus de se soumettre à l’obligation vaccinale imposée aux professionnels de santé à partir du mercredi 15 septembre, mais aussi de protester contre l’instauration du “passe sanitaire” dès le lundi 13 septembre.
« Impact dévastateur sur notre système »
Pour les membres du Collectif Santé de Saint-Barth, il s’agissait avant tout d’affirmer leur position après une rencontre infructueuse avec la directrice de l’Agence régionale de santé, Valérie Denux, une semaine plus tôt. « Madame Denux et Monsieur le préfet n’ont pas voulu évaluer le bénéfice risque pour notre système de santé local de l’application de l’obligation vaccinale, explique le Collectif. Leur discours se résume à « la loi est la loi » et ce sans considérer l’impact dévastateur sur notre système de santé et sur la liberté du patient à choisir son soignant. »
La crainte des professionnels de santé opposés à l’obligation vaccinale porte notamment sur le sort réservé aux patients des praticiens libéraux. « L’obligation va tuer de nombreuses relations de confiance entre soignants et soignés, insiste le Collectif. Les libéraux ont souvent compensé le manque de personnels hospitaliers, notamment après le passage de l’ouragan Irma. » Quant au vaccin, le Collectif n’en voit pas l’utilité au sein de l’hôpital. « Il n’apportera pas l’immunité collective et des soignants vaccinés peuvent être infectés et contagieux, affirme des soignants. Faire croire que l’hôpital sera un lieu exempt de diffusion de virus grâce à la vaccination de tous les soignants est illusoire et contre-productif. »
Un traitement différent
Au-delà des débats sur l’utilité et l’efficacité du vaccin, c’est la question du statut du secteur de la santé à Saint-Barth qui se pose à travers le mouvement du Collectif. Dépendants de la Guadeloupe, où les professionnels visés par l’obligation vaccinale bénéficient d’un report de la mesure jusqu’au 15 novembre, date officielle de l’éventuelle levée de l’État d’urgence sanitaire, les soignants de Saint-Barthélemy se sont vus refuser l’accès à ce report par la direction de l’ARS. Un traitement différencié qui n’est évidemment pas compris par les personnels qui refusent de se faire vacciner.
Le président de la Collectivité, Bruno Magras, se dit impuissant face à cette situation. « Comme je l’ai dit aux soignants, même s’ils connaissent parfaitement ma position, c’est que la loi s’impose à moi, rappelle-t-il. Je ne suis pas favorable à cette vaccination. Là où je suis ennuyé, c’est par rapport à la continuité des soins. La directrice de l’ARS m’a dit qu’elle était capable de pourvoir à nos besoins. On verra. » Un argument de plus pour le président qui prône une accentuation de l’autonomie de Saint-Barth, particulièrement dans le domaine de la santé. Pour mémoire, lors de son discours du 24 août (JSB1435), Bruno Magras avait déclaré : « Un projet de santé ambitieux ne pourra réellement se concrétiser que s’il est pensé indépendamment des seules logiques de mutualisation et de coopération sanitaires avec la métropole. Nous pourrions faire beaucoup mieux localement. »
Depuis hier, mercredi 15 septembre, tous les professionnels de santé de l’île sont soumis à l’obligation vaccinale. Nombreux sont ceux qui ont déjà franchi le pas. Pour les autres, l’Agence régionale de santé entend faire appliquer la loi à la lettre.