Le psychologue Michel Faure reçoit les habitants pour évoquer le stress et la fatigue liés à Irma, et leur appréhension de la nouvelle saison cyclonique.
A l’aube d’une saison cyclonique plus que jamais redoutée, les habitants qui ont traversé la crise Irma sont encore sujets à un stress particulier, une grande fatigue, voire des troubles du sommeil ou de l’hyper-vigilance. On sent la tension poindre à la simple idée de la prochaine alerte cyclonique.
La Collectivité a convié un psychologue qui, jusqu’au 29 juin, est au service de la population pour l’aider à gérer ce stress et appréhender la saison cyclonique qui commence. « Je suis intervenu juste après Irma au sein d’une équipe d’urgence médico-psychologique », rappelle Michel Faure. « J’ai été de nouveau sollicité à la suite d’un partenariat entre la Collectivité et la MSA, qui me permet de recevoir en toute confidentialité les habitants pour des consultations gratuites. Aujourd’hui, mon autre mission consiste à aider les socioprofessionnels –enseignants, gendarmes, secteur médico-social, Collectivité, etc. Ils ont aussi été impactés, tout en devant en plus aider la population sinistrée. »
« La particularité d’un phénomène climatique comme Irma, c’est que tous ceux qui se trouvaient à ce moment-là sur l’île ont été impactés. On parle beaucoup de stress post-traumatique, mais un tel événement ne provoque pas systématiquement ce type de stress ; ce qui permet de comprendre pourquoi certaines personnes vont très bien et d’autres assez mal, et il y a tous les états intermédiaires », explique Michel Faure. Qui détecte chez ses patients de nombreux signes d‘anxiété : angoisse, peur de revivre un tel événement, hyper-vigilance, troubles du sommeil… « Par exemple, des gens me disent qu’ils ont pu être réveillés à 4 heures du matin car il y avait du vent, et ils ne se sont pas rendormis. Ou bien ils se sentent inquiets quand passe une rafale un peu forte. Il y a une grosse différence entre ce que les gens vivent et ce qu’ils disent et montrent à leur entourage », décrit le psychologue. « Les facteurs de stress peuvent se cumuler. Ici, c’est le cas avec la pénurie de logements, et on voit des situations sociales très difficiles. Beaucoup d’habitants sont très fatigués, ils ont dépensé une énergie considérable pour remettre debout leur île. Il y a un peu d’irritabilité, d’incivilité, de retrait social… »
Limiter la portée du stress
Le mot « psychologue » freine beaucoup de personnes, qui considèrent qu’il est normal de se sentir stressé ou anxieux, après Irma, à l’approche d’éventuels nouveaux cyclones. A quoi bon palabrer sur le sujet ? « S’il est normal d’être affecté, cela n’empêche pas d’en souffrir », répond Michel Faure. « Ce n’est pas un problème de devoir être aidé quand on a vécu des choses extrêmes. Cela ne veut pas dire qu’on est faible ou atteint d’une maladie grave. Je ne peux pas supprimer le stress, mais en limiter l’intensité, la portée et les conséquences ; ça n’est déjà pas mal. » Pour plus de discrétion, Michel Faure est installé dans un bureau du dispensaire qui comporte une entrée séparée.
« Beaucoup de gens ont l’expérience des ouragans sur cette île. Mais Irma a été imprévisible par son intensité, ce qui a été générateur d’un stress particulier. On se prépare à ce qu’on imagine, donc il y avait une impréparation relative. C’est pour cela qu’aujourd’hui la crainte de revivre un tel événement est difficile à gérer. »
Comment éviter de se laisser envahir ? « L’anticipation est sûrement la meilleure réponse au stress. Il y a un certain nombre de peurs qui seront amplifiées à l’annonce d’un événement, c’est un risque à prendre en compte. Il est très important de prendre en considération la souffrance que les habitants de cette île ont vécue, contrairement à l’image qui a pu être donnée au niveau national après et depuis Irma. Je suis frappé par la capacité de mobilisation des gens, leur réactivité, leur caractère volontaire ; et paradoxalement, les habitants de cette île n’ont pas de propension à se plaindre, ni l’habitude que l’on s’occupe d’eux. Mais l’important est seulement d’aider à retrouver des repères pour traverser et dépasser les événements le mieux possible. »
> Pour prendre rendez-vous : jusqu’au 29 juin, téléphonez à Michel Faure au 06.90.33.48.98. Permanence sans rendez-vous au dispensaire, chaque mercredi de 13 heures à 18 heures.
JSB 1281