Dr Emmanuelle Bourgoin, responsable du laboratoire d’analyse Bio Pôle Antilles, détaille le fonctionnement des différents protocoles de tests que la Collectivité et l’ARS souhaitent mettre en place à Saint-Barth. Après le conseil territorial du 4 avril, les machines nécessaires ont été commandées aux Etats-Unis.
Quel rôle tient le laboratoire dans les tests effectués jusqu’à aujourd’hui ?
A ce jour, notre laboratoire n’a pas la capacité d’effectuer les dépistages Covid-19 par PCR*. L’analyse est réalisée à l’Institut Pasteur de Guadeloupe. Les prélèvements transitent par notre laboratoire, qui gère leur acheminement dans des conditions sécurisées, respectant la chaîne du froid (triple emballage, transport réfrigéré, confidentialité). Notre plateau technique travaille à s’équiper en automates et réactifs pour la mise au point de ces méthodes d’analyses (PCR et sérologie) pour le diagnostic du Covid-19.
En quoi consiste exactement le test PCR que souhaitent mettre en place la Collectivité et l’ARS pour la population de l’île ?
La PCR (Polymerase Chain Reaction) est une méthode de biologie moléculaire qui permet de mettre en évidence une quantité infime de virus grâce à une amplification génique. Cette méthode est très sensible. Les automates GenExpert commandés par la Collectivité appartiennent à une nouvelle génération : ils sont plus rapides (résultat en 1 heure au lieu de 4 à 6h), plus faciles à utiliser car compacts et robustes. Ils permettront de diagnostiquer le Covid-19 à notre laboratoire, de façon rapide.
Dans quelle mesure ce test est-il fiable ?
Ce test est très fiable (à 98%) mais il existe des faux négatifs (environ 10%). Le taux de faux négatifs varie selon le moment où le prélèvement est fait par rapport à l’évolution de la maladie : en début de maladie, le virus est très présent dans le nez mais ensuite il migre au niveau des poumons. La présence du virus est transitoire, il faut faire le prélèvement au moment de l’apparition des symptômes. Avant ça on peut être infecté, mais toujours en période d’incubation où le virus n’est pas détectable.
Une campagne de tests sérologiques a également été évoquée. De quoi s’agit-il exactement ?
Les tests sérologiques se font sur du sérum (prise de sang) par la mise en évidence d’anticorps. Les anticorps sont sécrétés par l’organisme pour lutter contre l’infection. Ils sont détectables 1 à 2 semaines après le contact avec le virus.
Il existe deux types de tests sérologiques :
- Tests rapides (Trod, Test rapide à orientation diagnostique) par ponction au bout du doigt, ou prise de sang. Ces tests donnent une réponse qualitative uniquement : positif ou négatif.
- Test “Elisa” sur du sérum (prise de sang) : test plus long, il donne une réponse qualitative et quantitative (taux d’anticorps).
Actuellement on ne connaît pas bien la cinétique des anticorps (quand ils sont produits, combien de temps ils restent dans le sang), ni le degré d’immunité qu’ils procurent après une première infection.
Ces tests peuvent être très utiles et nécessaires pour détecter les personnes négatives qui doivent continuer à utiliser des moyens de protection. La présence d’anticorps peut être concomitante avec un test PCR positif et donc une contagiosité persistante.
Le résultat d’un test sérologique ne s’interprète donc pas seul et nécessite de connaître le contexte médical du patient testé.
Il faudrait, selon l’estimation privilégiée par la France, que 60% de la population ait été immunisée, donc ait développé des anticorps, pour un bouclier efficace. Pensez-vous que Saint-Barth puisse avoir atteint ce chiffre ?
On parle en effet d’une nécessite de 60 à 70% de personnes immunisées pour que la population ait une protection collective.
Aujourd’hui nous ne connaissons pas précisément le nombre de personnes immunisées sur notre île mais au vu de nombre de dépistages réalisés (environ 60) et du nombre de patients suspects du Covid ayant consulté leur médecin (environ 60), nous sommes probablement en dessous de ce taux bouclier.
On entend beaucoup parler de dépistage à l’aide d’une radio des poumons. Comment est-ce que cela fonctionne ?
Le centre d’imagerie médicale des Iles du Nord du Dr Bartoli a toute sa place dans le diagnostic Covid-19, il fait partie du réseau Covid imagerie. Le scanner des poumons pose un diagnostic précoce. L’aspect du scanner est spécifique de l’infection à Covid-19.
Est-il légalement possible d’imposer le test PCR ou le test sanguin à tout un chacun ?
Il est légalement impossible d’imposer un examen biologique à un patient en France. La réalisation du dépistage commence par l’autorisation du patient.
Comment sait-on qu’un patient est guéri ?
Les critères de guérison et donc de levée de l’isolement des patients Covid-19 ont changé récemment. La levée du confinement peut avoir lieu à partir du huitième jour suivant le début des symptômes, et au moins 48 heures après la disparition de la fièvre et au moins 48h après la disparition de la dyspnée (difficulté respiratoire, ndlr). La disparition de la toux ne constitue pas un bon critère dans la mesure où peut persister une toux irritative au-delà de la guérison. Dans les 7 jours suivant la levée du confinement, il est recommandé d’éviter les contacts rapprochés avec des personnes à risque de forme grave.
Le laboratoire dispose-t-il de moyens suffisants pour effectuer une vaste campagne de tests, en plus de son travail habituel ?
Le laboratoire travaille de concert avec la Collectivité pour organiser au mieux ce dépistage : sites de prélèvement, personnel soignant et technique, aménagement du laboratoire. Il faudra mobiliser des ressources, l’île ne manque pas de personnes compétentes engagées capables de nous aider.
Bien entendu l’activité habituelle du laboratoire ne devra pas être entravée par ce dépistage, il y va de la santé de nos patients.
(*) Polymerase Chain Reaction ou réaction de polymérisation en chaîne. Il s’agit des tests réalisés à partir des prélèvements par le nez.