Depuis le 23 mars, 300 voyageurs sont arrivés sur l’île par les airs, et vingt-et-un bateaux au mouillage à Gustavia. Aucun cas n’a visiblement été importé parmi ces entrants. Pourtant au niveau de la quatorzaine, Saint-Barth a choisi la modération, contrairement à la plupart des territoires ultramarins. Cette mesure ne pourra pas durer éternellement. Les autorités travaillent sur le protocole de tests aux frontières.
Certes, le système n’est pas imperméable : on sait bien que parmi les entrants à l’aéroport, malgré les recommandations et le suivi effectué par les autorités, beaucoup ont fait des entorses à la quatorzaine. On sait aussi que certains sont entrés sur l’île pour un motif professionnel, alors que leur présence ne relevait pas de la nécessité absolue ; et que ceux-là ont bien souvent filé directement sur leur lieu de travail, l’employeur n’étant pas forcément ouvert à l’idée de rémunérer quatorze jours durant des travailleurs qui restent chez eux.
De même, au port, on sait que certains bateaux sont entrés sans autorisation ni motif impérieux. Ça a été le cas le 1er mai : l’histoire de ce couple arrivé en voilier depuis la Martinique, sans autorisation, et déambulant dans Gustavia où la capitainerie était fermée pour cause de jour férié, a fait le tour de l’île.
Si certains passent à travers les mailles du filet, il ne faut pas non plus voir des déferlements de “touristes américains” là où il n’y en a pas. Les autorités ont refusé à des gens qui souhaitaient se confiner sur l’île de monter dans l’avion ou de jeter l’ancre. Exemple avec cet étudiant majeur cloîtré aux Etats-Unis, qui souhaitait rejoindre la maison de ses parents sur l’île. Sa demande a été rejetée, le motif étant lié au confort, donc pas impérieux.
300 personnes à l’aéroport, 21 bateaux au port
Voici les chiffres officiels : entre le 23 mars et le 14 mai, 300 personnes sont entrées à Saint-Barthélemy par l’aéroport Remy de Haenen, avec Air Antilles et St Barth Commuter en grande majorité. Sur la même période, 488 personnes ont quitté l’île.
Côté port, dix-neuf bateaux de plaisance ont reçu l’aval des autorités pour venir à Saint-Barthélemy, entre le 18 mars et le 11 mai. A leur bord, des résidents de retour au bercail, des escales courtes le temps de ravitailler, des familles avec enfants en état d’urgence. Sept autres navires ont été refusés par la préfecture et la direction du port. Enfin, deux bateaux sont arrivés sans autorisation et ont été contrôlés a posteriori.
Les yachts pourraient
venir pour le plaisir
Et les yachts, alors ? Quatre sont actuellement présents, dont trois étaient déjà là avant le confinement, et un dernier arrivé fin mars avec une autorisation, depuis Saint-Kitts. Sur ces villas flottantes, le protocole est plus simple à respecter : l’équipage et les passagers ont tout ce qu’il faut à bord pour effectuer une quatorzaine au mouillage.
Le port de Gustavia a déjà reçu d’autres demandes de yachts ancrés dans la région, qui souhaitent venir à Saint-Barthélemy. A partir de cette semaine, il leur ouvre les portes, à condition qu’ils s’astreignent à une quatorzaine stricte : personne ne met pied à terre pendant 14 jours, les formalités administratives, l’approvisionnement et le déchargement des poubelles, notamment, seront effectués par un agent maritime à terre. Le protocole n’a pas encore été acté officiellement, mais il aurait déjà mis tout le monde d’accord (Collectivité, préfecture, port, agents maritimes).
Ces gros bateaux seraient donc les premiers à pouvoir venir sur l’île sans motif impérieux. Une fois leurs quatorze jours effectués à bord, ils pourront descendre et profiter des commerces, restaurants et bars ouverts, sans difficulté.
La quatorzaine, mesure
à durée limitée
Ce qui est certain, c’est que la quatorzaine, qu’elle soit “douce” comme à Saint-Barthélemy, ou stricte comme en Guadeloupe ou à La Réunion (un dispositif jugé contraire à la Constitution par les Sages), ne pourra pas durer éternellement. Intenable à long terme, et encore plus à l’approche des vacances d’été. Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé que les Français pourraient voyager sur tout le territoire national, outre-mer inclus, en juillet et en août. Incompatible avec l’idée de passer 14 jours cloîtré, que ce soit dans un hôtel ou à domicile.
Triple test
ou quatorzaine divisée
Le gouvernement travaille activement sur ce sujet, en lien avec les territoires. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères, a lancé une piste la semaine dernière sur Public Sénat : « Vous faites un test quatorze jours avant votre départ, vous en feriez un, peut-être, la veille ou le matin même, et un autre sept jours plus tard, pour s’assurer, à tout moment, que vous n’êtes pas porteur. Le travail est en cours, car il faut s’assurer que du côté de la santé, du point de vue scientifique, cela ait du sens. Les logiques de quatorzaine, même si elles sont faites dans une résidence que l’on connaît, sont très exigeantes ».
Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’Etat aux Transports, a donné une nouvelle piste lundi 18 mai, détaillant ce qu’il appelle un “corridor sanitaire” : une quatorzaine effectuée moitié avant le départ, moitié à l’arrivée -elle est réservée aux métropolitains arrivant dans les outre-mer, mais pas aux ultramarins arrivant en métropole-, combinée avec plusieurs tests de dépistage du Covid-19. «Comme nous avons des stratégies locales différenciées, il me semble que la possibilité de monter un corridor sanitaire de façon très territorialisée répondrait à ces objectifs localement portés », a-t-il expliqué aux députés. La semaine dernière, Michel Magras, comme d’autres parlementaires, a demandé à ce que la quatorzaine ne soit imposée qu’aux personnes testées positives au Covid-19 à leur arrivée sur le territoire. Refus d’Olivier Véran, ministre de la Santé, qui met en cause la fiabilité des tests.
Saint-Barthélemy s’est dotée d’une machine de dépistage Cepheid, d’une capacité de seize tests en une heure environ. Seize, c’est le nombre de passagers d’un avion, à peu près. L’idée d’installer une zone de tests à l’aéroport a été délaissée au profit du “drive”, où seraient conduits les arrivants. Pour le port, c’est plus délicat encore. Même en réduisant leur nombre de sièges, les ferrys débarqueront dans la petite gare maritime bien plus que seize passagers à la fois. L’équipement ne semble pas suffisamment spacieux pour accueillir une zone de test et d’attente ; néanmoins, au cas où, l’une des petites salles de la gare maritime a été aménagée dans ce but.
Reste à définir ce qu’on fera du touriste qui arrive et est détecté positif. Impossible de le remettre dans l’avion ou le bateau avec d’autres passagers ; sera-t-il confiné dans un hôtel, une villa, au centre d’hébergement ? Pris en charge par l’hôpital, selon son état de santé ? Qu’en sera-t-il des personnes ayant voyagé à ses côtés ? Les questions sont nombreuses, et les réponses, pas évidentes.