Le dossier semblait avancer de la manière la plus sereine. Très lentement, mais sereinement. Les échanges entre la Collectivité territoriale de Saint-Barth et le Conseil départemental de Guadeloupe laissaient augurer d’une rétrocession du foncier de l’hôpital De Bruyn, encore propriété du Département de Guadeloupe, avant la fin de l’année. Sans jamais s’être manifestés jusqu’à présent sur cette question, la direction de l’Agence régionale de santé et celle des établissements de santé des Iles du Nord ont alors répliqué avec véhémence. En effet, en début de semaine, la Collectivité a reçu deux courriers précédemment adressés au Conseil départemental de Guadeloupe par le président de l’ARS, Laurent Legendart, et par le cabinet d’avocats qui défend les intérêts de l’hôpital De Bruyn depuis Lyon.
Dans le premier, daté du lundi 26 septembre, Laurent Legendart rappelle que l’ARS détient la « qualité d’autorité de tarification et de contrôle » de l’établissement et invite le président du Département de Guadeloupe, Guy Losbar, à le tenir informé « du traitement » qu’il fera du dossier. Hier matin, mercredi, le directeur territorial des Iles du Nord pour l’ARS, Paul Guibert, a répondu de manière lapidaire aux sollicitations du Journal de Saint-Barth, déclarant : «L’agence de santé de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy n’a pas d’autre intérêt, dans ce dossier, que celui de la clarification définitive de la situation patrimoniale de l’établissement de santé. »
Menace d’une action en justice
Dans l’autre courrier, rédigé par le cabinet Akilys Avocats, basé à Lyon, la direction de l’hôpital de Bruyn conteste fermement le droit à la propriété foncière de l’établissement par la Collectivité de Saint-Barth. Maître Yannick Francia, auteur du courrier, écrit : « Après analyse du dossier, j’aboutis à la conclusion que les parcelles qui constituent l’assise foncière de l’hôpital De Bruyn sont la pleine et entière propriété du centre hospitalier depuis 1987. Elles lui ont été remises en dotation lors de son érection en établissement public autonome par arrêté préfectoral du 31 mars 1986. » Il poursuit : « Cette dotation a été octroyée à l’établissement avec l’agrément du Conseil général de Guadeloupe par délibération du 30 mars 1987. »
Par conséquent, la direction de l’hôpital, par l’intermédiaire de son conseil, estime que la cession des parcelles à la Collectivité « ne pourrait intervenir qu’en violation des droits de propriété du centre hospitalier. » Si tel était le cas, la direction et son avocat entendent «agir en justice pour faire valoir » leurs droits. Contactée par mail, la directrice des établissements de santé des Iles du Nord, Marie-Antoinette Lampis-Pattus a répondu au JSB : « Ce n'est pas nous qui contestons la propriété de l’établissement mais la Collectivité qui la revendique. Aucune action judiciaire n’est en cours, par contre, ayant appris la contestation du foncier par voie de presse, l’établissement a entrepris les démarches nécessaires auprès du Conseil départemental pour lever toute ambiguïté sur ce sujet. »
Les mises à disposition gratuites de la Collectivité
Du côté de la Collectivité, c’est la consternation. Marie-Hélène Bernier, première vice-présidente en charge des questions de santé, ne dissimule pas sa surprise et son agacement face à la position prise par l’ARS et la direction de l’hôpital. « La Collectivité a construit un Ehpad pour 14 millions d’euros et le met gratuitement à disposition de l’hôpital, rappelle l’élue. La Collectivité a versé 601.000 euros en 2019 sous la forme d’une dotation d’investissement et de fonctionnement, 321.508 euros en 2020 et 268.219 euros en 2021. Pour l’hôpital, toujours sous forme de dotation investissement et fonctionnement, la Collectivité a versé 10.000 euros en 2019, 13.473 euros en 2020 et 20.348 euros en 2021. Sans oublier le fait que la Collectivité met quatre logements, dont deux gratuitement, et trois chambres à la disposition de l’hôpital pour ses personnels. »
Marie-Hélène Bernier insiste sur le fait que « la santé est une des priorités de la majorité » et ajoute : «Notre objectif est de donner à la population et à nos visiteurs une offre de soin acceptable. La perte de chance pour nos vies est importante et nous allons tout faire pour avancer sur ce dossier. » Oubli ou élégance, l’élue ne mentionne pas les bâtiments de l’hôpital De Bruyn qui ont été grandement endommagés par le passage de l’ouragan Irma en 2017 et pour lesquels la direction de l’hôpital n’a toujours pas engagé les moindres travaux de rénovation.