Saint-Barthélemy est peut-être le seul endroit au monde, actuellement, où les Américains ou encore les Brésiliens peuvent venir en vacances, alors que ces pays sont en plein boum d’épidémie de Covid-19. Malgré le test demandé aux voyageurs, les habitants sont inquiets et les rumeurs s’affolent.
Les outre-mer de France sont encore fermés aux voyageurs hors espace Schengen, et les arrivants doivent se plier à une septaine, en plus du test Covid préalable. En accord avec la préfecture, la Collectivité de Saint-Barthélemy, elle, a décidé d’ouvrir l’île dès le 22 juin aux touristes, sans restriction de nationalité. Aujourd’hui seuls les Guyanais doivent fournir un motif impérieux pour entrer sur l’île.
Ce week-end du 4 juillet, les restaurants prisés des visiteurs fortunés ont fait le plein. Du 29 juin au 5 juillet, Tradewind, compagnie prisée des Américains qui transitent via Porto Rico, a emmené 184 voyageurs jusqu’à Saint-Jean (sur 446 arrivées et 313 départs, toutes compagnies confondues). Si la plupart des hôtels de luxe sont fermés, le parc de villas et les établissements indépendants compensent. Nils Dufau, président du CTTSB, indiquait la semaine dernière que la demande sur les villas s’élevait à 80% du volume habituel en juillet (JSB 1382). « La fréquentation est moindre par rapport à l’an dernier à la même période. Habituellement, l’été est plutôt propice au tourisme venu de métropole ; et cette année nous avons davantage d’Américains, qui restent plus longtemps que d’habitude, entre quatre et six semaines. Ils ont un sentiment de sécurité ici, savent qu’on est bons élèves », explique Nils Dufau, président du Comité du tourisme et 2e vice-président de la Com. Sur les tests de dépistage Covid-19, il n’y a pas d’obligation dans les textes, pour le moment. « Mais de ce que j’entends, ils jouent le jeu dans la grande majorité. »
Rouvrir l’île pour éviter l’asphyxie économique : telle était la volonté des autorités locales, alors que le gouvernement français se montre plus prudent. Sur l’île voisine aussi, l’aéroport international de Sint-Maarten reste fermé aux Américains, en attendant que l’épidémie s’apaise au pays de l’oncle Sam. Les Etats-Unis recensent plus de 132.000 morts du Covid-19 et plus de 3 millions de cas confirmés.
« Il aurait fallu attendre »
Voyant chaque jour ces chiffres battre des records, les habitants de l’île sont inquiets. « C’est n’importe quoi », tranche un commerçant. « Ils n’ont pas de masque, aucun geste barrière… On va le payer ! » Une autre commerçante prédit : « C’est certain qu’il y aura des cas importés. Ce qui m’inquiète, c’est qu’on risque d’être reconfinés à l’automne, et là c’est la vraie saison touristique qui va en pâtir. » « Il aurait fallu attendre. De toute façon, c’est la basse saison, les hôtels sont fermés ; les restaurants qui ont ouvert sont habituellement fermés à cette époque de l’année. Ça n’a pas de sens. » « Ce qui m’inquiète, c’est que je vois les avions atterrir en provenance de Porto Rico ; il n’y a aucun contrôle à l’aéroport, les gens sortent et font leur vie, sans masque ni rien, je doute qu’ils se fassent tester», confie une autre locale.
« Il y a de l’inquiétude ; quelque part, c’est sain parce que ça pousse les gens à rester alerte », tempère Nils Dufau. « Cependant ça ne doit pas virer à la psychose. »
Chaque semaine, le bulletin de l’ARS sur le Covid atteste qu’aucun nouveau cas n’a été détecté sur notre île, depuis le mois d’avril. Pourtant sur l’île personne ne semble y croire. « Vingt-deux cas », « six Brésiliens contaminés », « deux personnes à l’hôpital »… Les ouï-dire circulent activement, comme les soupçons de résidents persuadés que les autorités cachent quelque chose.
«Ce sont manifestement des rumeurs », tranche l’ARS Guadeloupe. « Je n’aurais aucun intérêt à cacher l’apparition d’un cas de Covid à Saint-Barthélemy », rassure Valérie Denux, directrice de l’organisme. « Au contraire, les gens ont besoin de comprendre la situation », et d’adopter en conséquence les bons gestes, explique-t-elle, soulignant qu’au début de la crise, quant il était difficile de se faire dépister, il a pu y avoir des cas de Covid non recensés car non testés. «C’est tout l’objet de la surveillance épidémiologique mise en place. » Elle fait allusion aux bulletins de Santé Publique France, qui recensent les cas avérés mais aussi les suspicions des médecins et de l’hôpital sur place. La dernière publication, datée du 3 juillet, atteste qu’aucun des test PCR réalisé depuis la fin du mois de mars n’est revenu positif. Au total plusieurs centaines de tests ont été effectués et les patients sont toujours aussi nombreux au drive. Lundi, c’était l’embouteillage rue de Piteå ! Ces quinze derniers jours, 345 tests PCR ont été réalisés, tous négatifs. 266 tests sérologiques (sanguins) ont été réalisés, dont certains sont revenus positifs. Ces derniers ne sont pas contagieux ; ils ont simplement été en contact avec le virus durant les derniers mois écoulés. Côté généralistes, aucune consultation n’a éveillé de soupçon Covid depuis treize semaines.
« Je rassure tout le monde, il n’y a pas de cas
à Saint-Barthélemy »
Lundi, Nicole Gréaux a profité de la réunion sur les cyclones (lire page 4) pour faire un point sur ce sujet, expliquant avoir reçu des appels d’habitants anxieux à l’écoute des rumeurs. « Je rassure tout le monde, il n’y a pas de cas à Saint-Barthélemy. Il y en aura peut-être, mais ce n’est pas le cas dans l’immédiat », affirme la première vice-présidente.
Beaucoup de résidents soupçonnent la Collectivité de dissimuler des cas de Covid pour ne pas ternir l’image de l’île. Si bien qu’elle a publié un communiqué lundi soir pour remettre les points sur les i : « Il est rappelé que chaque semaine, l'ARS publie un bulletin indiquant le nombre de cas nouveaux. Les résultats des tests PCR réalisés à Saint-Barthélemy sont eux transmis quotidiennement à l'ARS directement. Les protocoles sont identiques aux protocoles nationaux. La Collectivité viendra uniquement en appui de l'ARS et de l'Assurance-maladie, si un cas positif est identifié », écrit l’institution. «Il est rappelé à chacun, résident, visiteur, professionnel, de continuer à respecter les gestes barrière et la distanciation sociale. Cette attitude demeure la meilleure protection possible. »
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Le protocole s’affine
Le protocole à Saint-Barthélemy n’est toujours pas inscrit dans les textes, mais les autorités locales continuent de l’affiner. L’absence totale de contrôle à l’aéroport et au port est désormais palliée par une société privée de sécurité, employée aux frais de la Collectivité. Les agents prennent la température des arrivants et vérifient les tests Covid-négatif à moins de 72 heures. Si le visiteur n’en possède pas, ils doivent l’inviter à prendre un rendez-vous au laboratoire, pour se faire dépister dans les 24 heures, et rester confiné entre-temps. Si une personne est positive au test PCR, une chaîne d’alerte s’enclenche. Le laboratoire prévient immédiatement l’ARS, qui enclenche le travail d’identification des “cas contacts”, afin que ces derniers se fassent dépister à leur tour. Le patient contaminé est isolé durant huit jours dans sa villa ou son hôtel. « Même s’il a réservé quatre jours, il restera huit jours, c’est vu avec les socioprofessionnels qui sont au coeur du dispositif », insiste Olivier Basset, représentant de la préfète à Saint-Barthélemy.
A partir du 10 juillet, date de sortie de l’état d’urgence sanitaire en France, la loi devrait encadrer les choses et rendre obligatoire les tests réalisés à moins de 72 heures. Bien que ce ne soit pas encore acté, la Collectivité de Saint-Barthélemy le précise dans son communiqué : « A compter du 10 juillet inclus, tous les voyageurs à destination de Saint-Barthélemy ayant séjourné au cours des 14 derniers jours dans un autre territoire que la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin, Sint-Maarten ou un Etat membre de l'espace Schengen, devront obligatoirement présenter un test PCR négatif réalisé moins de trois jours francs avant le départ. En l'absence de ce test, l'embarquement à destination de Saint-Barthélemy sera refusé. Il ne sera plus possible d'entrer à Saint-Barthélemy en s'engageant simplement à réaliser le test à l'arrivée. » Cette mesure sera certainement uniformisée un peu partout dans le monde.
JSB 1383