Saint-Barth -

Dans le cadre de la première phase de la campagne de vaccination, 24 volontaires ont été vaccinés sur l’île.

Covid-19 : la campagne de vaccination a débuté

Jeudi 21 et vendredi 22 janvier, la première phase de la campagne de vaccination sur l’île s’est déroulée à l’hôpital. Vingt-quatre volontaires ont été vaccinés dans le cadre de la première phase établie par le gouvernement.

«A mon âge, je suis encore le premier dans certains domaines » s’amuse Bruno Questel. Résident de l’Ehpad de Saint-Barthélemy, il était parmi les personnes prioritaires pour se faire vacciner contre le Covid-19. « Le Président des Etats-Unis l’a fait, sa femme l’a fait, le pape aussi, je ne vois pas pourquoi je ne l’aurais pas fait », dit-il. Juste après lui, passe une autre résidente de l’Ehpad, qui préfère garder l’anonymat : « J’espère qu’après le vaccin on pourra enlever les masques. Avec l’épidémie, mes petits-enfants ne peuvent plus venir me voir », dit-elle pour expliquer sa décision.

Viennent ensuite deux agents travaillant à l’Ehpad, qui côtoient les personnes âgées au quotidien. Depuis un an, la crainte de la contamination les suit en permanence, du travail jusque dans leur vie privée. « Je me fais vacciner avant tout pour les résidents de l’Ehpad, ils sont encore plus fragiles que nous », expliquent les deux femmes d’une même voix.

En elle-même, la vaccination dure à peine quelques secondes, « ça fait moins mal que les piqûres à l’armée », selon Bruno Questel. Mais derrière chaque furtif coup de seringue, il y a toute une organisation qui prend, elle, beaucoup plus de temps.

Conservé à -80°C dans une sorte de « super-congélateur » en Guadeloupe, le vaccin Pfizer-BioNTech ne peut être gardé que cinq jours à une température de réfrigérateur classique après sa décongélation. Pour ne pas le gâcher et minimiser les risques, il faut donc tout préparer en amont.

Deux semaines avant l’arrivée des doses à Saint-Barthélemy, les équipes de l’hôpital ont interrogé les résidents de l’Ehpad et les autres personnes concernées par la première phase de la vaccination (les soignants de plus de cinquante ans et/ou avec comorbidités) pour identifier les volontaires.

« Nous les avons informés sur les bénéfices et les risques de ce vaccin. Comme dans toutes les campagnes de vaccination, le consentement est nécessaire», souligne Marie Allard, cadre de santé à l’hôpital.
Sur les vingt-huit résidents de l’Ehpad, quatre s’étaient portés volontaires. Mais au dernier moment, deux d’entre eux ont changé d’avis : l’un souhaitait se faire vacciner et des membres de sa famille s’y opposaient, un autre était encouragé par sa famille mais s’est finalement désisté. «Jusqu’au moment du vaccin, le candidat à la vaccination est libre d’accepter ou de refuser», explique Marc Jean, pharmacien à l’hôpital.

Une fois la liste des candidats à la vaccination établie, elle doit être validée par l’Agence Régionale de Santé (ARS). Comme il y a six doses par flacon, la liste doit présenter six, douze, dix-huit volontaires ou plus mais toujours des multiples de six. Après cette étape, le vaccin, décongelé peut arriver sur l’île.

Au moment de la vaccination, il est « reconstitué » : dilué avec du sérum physiologique. Le compte à rebours s’accélère : il reste 6 heures pour utiliser les doses présentes dans chaque flacon. A ce moment-là, il n’y a plus de précaution de conservation à prendre, la température ambiante lui convient.

Avec le retrait de deux volontaires à la vaccination (les deux personnes de l’Ehpad), il a fallu leur trouver des remplaçants en urgence, des candidats qui ne faisaient pas partie du public cible de la première phase. « Sur une île comme Saint-Barthélemy, il faut être pragmatique sur le calendrier, pour ne pas gâcher de doses », explique-t-on à l’ARS.
Et pour gaspiller le moins possible, il faut bien respecter le planning des rendez-vous. Mais il n’est pas question non plus de se précipiter : avant de recevoir leur piqûre, les patients s’entretiennent environ un quart d’heure avec le médecin qui s’assure qu’il n’y ait pas de contre-indication (comme un risque allergique, par exemple). Une fois vaccinés, ils restent environ quinze minutes en observation. S’ils vont bien, ils peuvent repartir avec une feuille qui liste les potentiels effets indésirables sur le long terme. Les résidents de l’Ehpad seront suivis quotidiennement mais les autres sont invités à signaler à un médecin tout effet ­secondaire.
« C’est une journée exceptionnelle pour les patients, mais pour nous, c’est une campagne de vaccination classique », explique le médecin en charge de la vaccination. Mais la plupart des personnes interrogées préfèrent rester anonymes, par soucis de tranquillité : « il y a de nombreux anti-vaccins sur l’île ».

A l’Ehpad, c’est Marc Jean qui a expliqué aux résidents et à leurs familles les enjeux de la vaccination, pour leur permettre de « décider en pleine conscience » (Voir encadré). «Je comprends les hésitations. Quand on regarde les réseaux sociaux, il y a 7 milliards d’individus sur cette planète et il y a 7 milliards d’experts », dit-il, ironique. « A mon sens, les réticences ne sont pas fondées.»
Pour lui, l’insularité peut jouer en notre faveur : « On n’est pas nombreux à Saint-Barthélemy, ça peut être rapide. On estime que si on arrive à 60% de la population vaccinée, on peut atteindre une sorte d’immunité collective. Il n’y aurait pas suffisamment de personnes porteuses pour que le virus se propage. »

La prochaine étape, qui concerne les personnes de plus de 75 ans résidant à domicile et/ou « présentant une pathologie conduisant à un très haut risque de forme grave de la maladie »,  débutera le 28 janvier. Au moins cinquante personnes se sont portées volontaires sur l’île. Les vaccins se feront au Centre Médico-social Inèze Gumbs à Gustavia. La deuxième phase de la campagne de vaccination établie par le gouvernement concernera les personnes âgées de 65 à 74 ans. Elle doit débuter en février.
Les volontaires pour la prochaine étape peuvent prendre rendez-vous sur : https://www.maiia.com/centre-de-vaccination/97133-saint-barthelemy/-centre-de-vaccination---medico-social-de-saint-barthelemy  
Les personnes n’ayant pas accès à internet peuvent appeler le : 0590 99 14 74.

 

Trois questions fréquentes sur le vaccin

Pharmacien à l’hôpital, Marc Jean a participé à la réunion d’information sur la campagne de vaccination avec les familles des personnes résidant à l’Ehpad pour les informer sur les vaccins Pfizer-BioNTech et Moderna. Il fait part des questions qui reviennent le plus souvent et y répond.

Quelle est la différence par rapport à un vaccin classique ?

Dans les vaccins « classiques », on utilise un « bout » de virus ou un virus atténué. Dans la technique de l’ARN messager on injecte une molécule qui va faire reproduire par l’organisme une protéine du virus (la protéine S). C’est cette protéine qui va provoquer la réponse immunitaire de l’organisme (fabrication d’anticorps). Le vaccin à ARN messager est nouveau dans l’utilisation chez l’homme en tant que vaccin mais cette technologie est utilisée dans le traitement des cancers. Il n’y a donc pas vraiment de nouveauté, c’est une réutilisation d’une technologie déjà connue. Cela a aussi permis d’aller plus vite dans la fabrication. Les vaccins « classiques » mettent plus de temps à être conçus et ils semblent pour l’instant moins efficaces. Les vaccins Pfizer et Moderna annoncent respectivement 95 et 94% d’efficacité.

Une fois vacciné, est-on certain de ne pas attraper le virus ?

Le vaccin n’empêche pas d’attraper le virus, il empêche de développer des formes graves. En cela il s’apparente au vaccin contre la grippe.

Quelle est la durée de protection du vaccin ?

Selon différentes études, la protection estimée est de deux ans après l’injection des deux doses. Mais nous manquons encore de recul. Ceux qui ont déjà contracté le virus, seraient, eux, protégés pour environ huit mois.

 

Médecins sur l’île : « Pourquoi je me fais vacciner »

Le 22 janvier, des médecins de Saint-Barth, éligibles à la vaccination, ont reçu une première dose du vaccin. Ils nous expliquent leur choix.

Jean-Michel Augé, dermatologue :


« J’ai une grande confiance dans la vaccination en général. Cela a permis de sauver un nombre incalculable de vies dans le monde. En médecine, on raisonne de façon statistique, on se base sur des études scientifiques qui montrent que dans la vaccination, le rapport entre le bénéfice et le risque est très favorable. Même si ce vaccin est nouveau, la technique utilisée, l’ARN messager, a déjà été testée sur d’autres pathologies. »

 

Stéphane Chareyre, médecin généraliste :


« Par respect vis-à-vis des patients. Je vois des gens fragiles et des gens malades, je suis potentiellement plus exposé pour attraper le Covid. Si je l’ai, je peux être asymptomatique et le transmettre à des personnes à risque. En ce moment tout le monde en parle. Les gens à risque, avec des pathologies à risque, je leur propose de se faire vacciner. Il y a des gens que je renvoie à leur responsabilité. Je leur dis « vous avez autant d’information que moi, vous vous faites votre opinion ». Les effets secondaires rares apparaissent à l’épreuve du temps. Aujourd’hui il y a eu plusieurs millions de gens vaccinés il n’y a pas d’effet secondaire majeur. Donc au jour d’aujourd’hui, pas de risque. »

 

François Chlous, stomatologue :


« Pour promotionner le vaccin. Je pense que c’est vraiment important. Même si c’est nouveau, la technique est ancienne. L’autre argument est plus économique : les laboratoires qui ont fait ça sont des énormes laboratoires qui ne peuvent pas se permettre de mettre sur le marché quelque chose qui ne fonctionne pas. Si demain il y avait de gros problèmes, ils seraient contraints de fermer. On sait que sur du court terme il n’y a pas de problème particulier. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas surveiller les effets secondaires sur les millions de vaccinés. On ne pourra pas sortir de cette crise sans avoir la couverture vaccinale du maximum de gens. On n’a pas le choix, on doit passer par là. »

 

 

 

Journal de Saint-Barth N°1408 du 28/01/2021

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