Les cérémonies de la fête patronale de la Saint-Barthélemy sont rarement marquées par des coups d’éclat. La journée du jeudi 24 août n’a pas dérogé à cette règle et l’esprit bienveillant qui sied à ce rendez-vous annuel était bien de rigueur. Avec, toutefois, quelques prises de position affirmées lors de la traditionnelle séance des discours officiels. Ainsi, dans la salle des délibérations de l’hôtel de la Collectivité territoriale - le parvis a définitivement été délaissé au profit de la grande salle climatisée – les parlementaires, le président de la Collectivité et le préfet ont tour à tour pu s’adresser à leur auditoire et à la population.
Le bilan du président
Xavier Lédée a bien évidemment ouvert le bal en rappelant l’importance de l’esprit de « communauté » car, a-t-il affirmé, « plus que jamais notre territoire a besoin de retrouver les valeurs de solidarité et d’intérêt commun ». Après avoir souligné l’engagement et le travail réalisé par l’ensemble des élus territoriaux ainsi que des deux parlementaires que sont la sénatrice Micheline Jacques et le député Frantz Gumbs, Xavier Lédée, soucieux de remettre à leur place les observateurs impatients qui « sont assez prompts à porter une appréciation plutôt négative sur l’action menée depuis bientôt 18 mois », se lance dans l’énumération quasi exhaustive des travaux réalisés ou en cours d’élaboration de sa majorité depuis le début de son mandat, en avril 2022. « En moins de 18 mois, nous avons publié 786 arrêtés, voté plus de 2000 décisions en conseil exécutif et adopté 162 délibérations en conseil territorial », résume-t-il. Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), codes divers et variés (environnement, accès au travail des étrangers, contributions, etc), travaux d’aménagement de l’île, campagne de recouvrement des impayés de la CFAE, développement économique et social, collaboration avec l’Etat, santé, déchets, Xavier Lédée n’oublie rien. Et puis au moment d’aborder des questions plus épineuses, le président fait montre d’une plus grande fermeté dans ses propos. Sans aller jusqu’à écrire qu’il y a désormais un nouveau shérif sur l’île, le ton déterminé du président de la Collectivité n’est pas passé inaperçu.
« Pas les bienvenus ici »
Sur le thème de la sécurité, tout d’abord, et particulièrement de la lutte contre les stupéfiants. « J’appelle à la responsabilité collective, a-t-il déclaré. La consommation de stupéfiants est importante et personne ne doit cautionner cela. » Le timbre de voix ne change pas lorsqu’il évoque la politique de régulation en matière de logement et de construction. Il explique : « Les demandes de permis sont trop nombreuses et que l’augmentation constante du foncier et du coût de la construction posent un problème pour la population de Saint-Barthélemy. Nous ne pouvons cautionner qu’un résident de l’île ne puisse plus se loger chez lui en raison des prix excessifs générés par des investissements étrangers destinés exclusivement à la location saisonnière. »
Enfin, sur le tourisme, Xavier Lédée estime que « l’ADN de Saint-Barthélemy n’est pas la recherche permanente de la rentabilité au mépris de la déontologie et du savoir vivre ». Et d’affirmer : « Je le dis ici sans ambigüité : ceux qui investissent sur nôtre île sans aucune autre considération que le profit, sans aucun respect pour ce qui est Saint-Barthélemy, son histoire et les efforts qui ont été déployés pour en faire le joyau de la Caraïbe, ceux qui ont une vision à court terme ne sont pas les bienvenus ici. »
Le député des Iles Nord, Frantz Gumbs, prend la place du président Lédée derrière le pupitre. Comme son prédécesseur, il prend soin de détailler la nature de ses travaux à l’Assemblée nationale depuis son élection. Il cite différents dossiers mais s’attarde sur sa lettre adressée le 21 août au ministre délégué chargé des Outre-mer (lire en page 3). « Je continuerai ma mission afin que Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne soient pas oubliées », assure-t-il avant de céder le micro à la sénatrice Micheline Jacques.
Micheline Jacques, sénatrice et conseillère territoriale
Comme lors de chacune de ses interventions, Micheline Jacques oscille entre sa fonction de sénatrice et celle de conseillère territoriale d’opposition. Un jeu d’équilibriste qui lui permet de réaffirmer son rôle de « relais de la Collectivité auprès de l’État en ce qui concerne les missions qu’il a conservées localement», notamment sur le thème de la santé. « Je puis vous assurer que le gouvernement, en particulier le ministère de la Santé, est désormais très au courant des besoins sanitaires de Saint-Barthélemy et de leurs enjeux», souligne-t-elle tout en faisant état de sa collaboration dans ce domaine avec la première vice-présidente de la Collectivité, Marie-Hélène Bernier. « Dès le mois de mai, le ministère m’a confirmé que Saint-Barthélemy pourra disposer, sur place, d’une réserve de sang lyophilisé, précise la sénatrice. Par ailleurs, l’organisation des urgences reste une préoccupation majeure et, à cet égard, j’ai fait savoir au ministère que tout devait être mis en œuvre pour que la propriété du foncier de l’hôpital soit transférée à la Collectivité. » Micheline Jacques ne manque pas de citer son prédécesseur Michel Magras au moment d’évoquer la différenciation territoriale. Outre ses actions au Sénat, elle adresse ses félicitations à Bruno Magras pour son titre de président honoraire de la Collectivité, mais aussi à Nils Dufau, l’ancien président du Comité du tourisme, qui recevra quelques minutes plus tard des mains du préfet la médaille de bronze du tourisme.
Durcissement de la lutte contre les trafics
Le préfet Vincent Berton, précisément, est le dernier à prendre la parole. Comme le veut le protocole. Pour le représentant de l’Etat à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, il est indispensable que Saint-Barth parvienne à conserver « l’intégrité de l’île en même temps qu’une forme d’authenticité qui est vulnérable ». Il souligne l’importance pour les fonctionnaires de disposer de logements accessibles afin d’assurer la continuité des services de l’Etat et affirme que celui-ci « continuera à prendre toute sa part dans l’accompagnement de la Collectivité ».
Le préfet profite de l’occasion pour annoncer la nomination d’un directeur pour l’hôpital Irénée de Bruyn, sans doute fin octobre. Il mentionne les difficultés énergétiques ainsi que le projet d’assises de la pêche qui devraient réunir des professionnels de toutes les îles environnantes. Puis, sur la sécurité, Vincent Berton insiste sur le fait que les opérations de lutte contre les stupéfiants vont s’intensifier sur l’île. Notamment grâce à l’arrivée d’un maître-chien. « La drogue est un fléau pour cette île », a-t-il martelé. Quant aux dérives liées à la consommation excessive d’alcool et de stupéfiants, il entend également y mettre un terme. «C’est inacceptable », a-t-il lancé en évoquant les « comportements peu responsables» de certains gérants d’établissements festifs. « J’ai fermé deux débits de boisson en 2022 et je le dis très fermement, si les comportements ne changent pas, nous allons durcir la politique. Ce ne sera plus deux mois mais 4 ou 6 avant la fermeture définitive.» A bien y réfléchir, le shérif porte - presque - toujours un couvre-chef.