Saint-Barth - Assemblée nationale

Une clause de revoyure nécessaire pour le statut de Saint-Barthélemy

La délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale a publié diverses recommandations sur l’avenir institutionnel des Outre-mer. Concernant Saint-Barthélemy, les députés suggèrent d’inscrire dans la loi un délai de réexamen du statut de l’île.

 

Il n’est pas toujours aisé de comprendre les statuts des territoires ultramarins. Saint-Barthélemy n’échappe pas à la règle avec ses compétences qui lui sont propres, acquises lors de son passage au statut de Collectivité d’outre-mer en 2007. La délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale a pourtant décidé de s’attaquer au sujet. Une mission d'information a été lancée en octobre 2023 pour tenter de répertorier “ les souhaits d’évolution institutionnelle les plus consensuels des outre-mer, de manière à être prêt à les mettre en œuvre le moment venu, lorsqu’une réforme statutaire sera lancée”.

Un rapport basé sur les travaux de Michel Magras
Des auditions de juristes, constitutionnalistes et universitaires ont été menées pour décrypter les différentes demandes d’évolution institutionnelle des territoires, et les pistes envisageables. Parmi ces experts, le nom de Michel Magras revient régulièrement. Les rapporteurs citent à plusieurs reprises le travail mené par le sénateur et président de la délégation sénatoriale aux Outre-mer dans son rapport intitulé “Différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ?”. Dès 2020, Michel Magras préconisait de « réunir les articles 73 et 74 de la Constitution et permettre la définition de statuts sur mesure pour ceux des territoires ultramarins qui le souhaiteraient. » Une évolution suggérée par plusieurs experts du droit pour sortir de cette “crise existentielle” vécue par certains territoires.

Les rapporteurs Philippe Gosselin et Davy Rimane de la délégation aux outre-mer ont procédé à la présentation du rapport sur l’avenir institutionnel des outre-mer le mercredi 15 janvier.

 

Pour compléter ces informations, les rapporteurs de la mission d'information se sont rendus sur tous les territoires ultramarins, exceptés Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Ils ont publié leur conclusion dans un rapport de plus de 300 pages, présenté le 15 janvier dernier par les députés Davy Rimane et Philippe Gosselin. Dans ce document, les rapporteurs détaillent trente recommandations, certaines sont générales, quand d’autres sont propres à chaque territoire.
Trois recommandations pour Saint-Barth
Même si les rapporteurs ne se sont pas rendus à Saint-Barthélemy, une partie de leur étude y est tout de même dédiée. Le président de la Collectivité Xavier Lédée a été auditionné en novembre dernier (JSB 1592) pour évoquer le statut particulier de l’île et ses éventuels besoins d’évolution. L’ancien préfet des îles du Nord, Vincent Berton, ainsi que le député Frantz Gumbs ont également apporté leur expertise sur les Îles du Nord. À l’issue de ces auditions, les députés ont communiqué trois recommandations au sujet de Saint-Barthélemy.

La première a déjà été suivie puisqu’elle concerne la mise en place d’une préfecture de plein exercice pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Depuis le 9 janvier, les deux territoires possèdent une préfecture de plein exercice et non plus une préfecture déléguée. Les rapporteurs préconisent aussi la création d’un tribunal judiciaire à Saint-Martin, en réponse aux demandes des élus. Actuellement, le tribunal de proximité de Saint-Martin est une chambre détachée du tribunal de première instance de Basse-Terre, en Guadeloupe. Ce qui l’empêche de traiter des procès en appel, mais également de ceux relevant de la cour d’assises, du tribunal de commerce et des prud’hommes.

Les rapporteurs rappellent cependant que la construction d’une maison d’arrêt est nécessaire pour transformer cette chambre détachée en tribunal judiciaire. Interrogé à ce sujet, l’ancien ministre des Outre-mer François-Noël Buffet, avait répondu que ce tribunal judiciaire « pourrait voir le jour en 2026. » Les rapporteurs invitent par ailleurs à poursuivre « la réflexion autour de la décentralisation d’autres services de l’État tels que le rectorat et l’agence régionale de santé. » Bien que, comme ils le rappellent, aucune décision de l’État n’a été prise pour faire avancer ces dossiers.

Une évolution statutaire réussie
Le statut de Saint-Barthélemy a été scruté par la mission d'information qui en tire cette conclusion : « À Saint-Barthélemy, l’évolution statutaire de 2007 est perçue comme une réussite, tant par les habitants que par la classe politique de l’île. Cette perception engendre une certaine stabilité, et les Saint-Barths ne semblent pas aspirer à un changement statutaire majeur. » Les rapporteurs se sont notamment appuyés sur les finances de l’île pour dresser ce portrait positif de son statut, le rapport de 2023 de la chambre territoriale des comptes constatant que la Collectivité territoriale n’a aucune dette. Auditionné à ce sujet, le président de la Collectivité, Xavier Lédée, a estimé que Saint-Barthélemy pouvait même servir d’exemple pour une « possible révision des articles 73 et 74 de la Constitution. »
Pour autant, le président de la Collectivité considère que certains ajustements institutionnels pourraient être bénéfiques tels que la mise en place d’une collaboration de compétences entre l’Etat et la Collectivité pour permettre une « action plus efficace », comme dans les domaines de la santé ou du contrôle des frontières. Les élus de Saint-Barthélemy ont également souligné leur souhait d’avoir de nouvelles compétences comme le contrôle du nombre de véhicules qui entrent sur le territoire. Sur les recommandations du président de la Collectivité, les rapporteurs préconisent qu’une « clause de revoyure» soit instituée à Saint-Barthélemy. Il s’agirait d’inscrire dans les textes l’obligation de réexaminer le statut de l’île dans un délai donné, à intervalles réguliers. Et ce, dans l’optique d’une « évolution pragmatique et souple du statut de Saint-Barthélemy.» Bien que les demandes varient selon les territoires, avec ce rapport, Davy Rimane et Philippe Gosselin exhortent le gouvernement à conduire à son terme « le processus institutionnel engagé dans chacun des territoires qui souhaite faire évoluer son statut. »
 

Journal de Saint-Barth N°1603 du 13/02/2025

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