Depuis plus d’un mois, les coupes annoncées dans la loi de finances 2025, particulièrement au sujet de l'article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ont soulevé de nombreuses inquiétudes au sein des entreprises ultramarines. Particulièrement dans la perspective d’une réforme de la Loi d'orientation économique Outre-mer (Lodeom, anciennement connue sous l’appellation de Loi Girardin), qui permet aux employeurs de bénéficier d’une exonération spécifique de cotisations sociales patronale. De fait, lors d’un entretien accordé à France-Antilles le 19 novembre, le président de la Fédération des entreprises d’Outre-mer (Fedom), Hervé Mariton, assurait que « la situation économique ne permet pas un coup de rabot sur la Lodeom ». Néanmoins, pour l’heure, il semble que l’amendement défendu notamment par la sénatrice de Saint-Barthélemy, Micheline Jacques, a permis d’éviter le redouté «coup de rabot » évoqué par Hervé Mariton.
« Préserver la compétitivité du coût du travail à Saint-Barthélemy »
Sollicitée par le JSB après l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2025 par le Sénat, le mardi 26 novembre, la sénatrice Micheline Jacques explique : « Les exonérations de cotisations patronales dans les outre-mer seront révisées par ordonnance, impliquant une période de discussion entre le gouvernement et les parlementaires. Cette ordonnance a pour but d’organiser l’articulation entre les dispositifs nationaux d’exonérations et ceux des outre-mer. Il va sans dire que je ferai tout pour préserver la compétitivité du coût du travail à Saint-Barthélemy au cours de cette négociation. L’ordonnance sera prise dans les 6 mois après la promulgation de la loi, donc d’ici juin, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2025. »
Pour mémoire, la loi de financement de la sécurité sociale 2019 a permis à Saint-Martin et Saint-Barthélemy de négocier un dispositif Lodeom d’exonération de charges patronales tenant compte d’une échelle de salaires large mais prévoyant une exonération de cotisations sociales concentrée sur les charges de sécurité sociale, aménagée à la demande des deux îles.
En septembre dernier, à la demande de la Fedom et en prévision d’une éventuelle réforme gouvernementale, la Chambre économique multiprofessionnelle (Cem) de Saint-Barth avait sollicité les entrepreneurs de l’île afin de collecter des données. Ce, dans le but de disposer d’éléments précis indispensables pour démontrer les effets actuels du régime sur le résultat de l’entreprise, sur l’emploi et sur les prix.
Repenser le système de protection sociale
Ancien président du Conseil économique, social, culturel et environnemental (CESCE) de Saint-Barthélemy, Pierre-Marie Majorel considère que les évolutions annoncées de la Lodeom invitent à l’anticipation. Donc à repenser le système de protection sociale en vigueur à Saint-Barth. « Le CESCE a été le premier à soulever les excédents financiers importants entre cotisations et consommation (prestations) lequel a été suivi par les travaux de Michel Magras (ancien sénateur, ndlr) suivis par ceux de la Sénatrice Micheline Jacques, rappelle Pierre-Marie-Majorel. Pour autant, et même si la compétence sociale faisait partie initialement du panel disponible dans les transferts à la jeune Collectivité territoriale de Saint-Barthélemy en 2007, le dossier de la protection sociale demeure en pause et le régime général est apparu finalement comme bien utile et confortable par rapport aux nombreux risques financiers liés à l'autonomie de la protection sociale totale. » Un système qui existe en Polynésie mais qui pose, notamment, des problèmes de financement.
Pour l’ancien président du CESCE, tout dépend de la croissance du modèle économique et du niveau de l'emploi prévalant sur le territoire. Son idée est donc de passer un accord avec l’État pour obtenir la possibilité de collecter les charges sociales localement, de manière « à mieux contrôler les déclarants ». Tout en restant dans le régime général en matière de prestations. « L'avantage se situant au niveau des taux de cotisations qui seraient plus en rapport avec le service rendu », assure Pierre-Marie Majorel.
En 2021, le dispositif Lodeom a eu un impact estimé à 21 millions d’euros. « Or nous savons que les habitants de Saint-Barthélemy cotisent davantage qu’ils ne dépensent et cet excédent de cotisation s’accroit si les exonérations de charge diminuent », explique Pierre-Marie Majorel. Un excédent noyé dans les mécanismes complexes du système du régime général de sécurité sociale. « L’économie privée locale est particulièrement florissante et finalement tend à payer beaucoup trop pour le service rendu par la sécurité sociale », estime l’ancien président du CESCE, qui lance donc une réflexion sur l'opportunité de créer une Caisse de prévoyance santé autonome à Saint-Barth.