La réforme du CESE a été votée à l’Assemblée nationale le 16 novembre, et avec la diminution du nombre de conseillers, Saint-Barth risque bien de perdre son siège, aujourd’hui occupé par Inès Bouchaut-Choisy. Ce serait un appauvrissement important de la représentation de notre île au niveau national.
Représentée actuellement par Inès Bouchaut-Choisy, Saint-Barthélemy pourrait bien perdre son siège au CESE (Conseil économique, social et environnemental), la troisième institution de France.
Lundi 16 novembre, les députés ont débattu de ce sujet. Point important de son programme en 2017, Emmanuel Macron avait promis une refonte des institutions et notamment une diminution de leurs membres. Pour le CESE, il compte faire passer l’assemblée de 233 à 175 membres. Or les outre-mer sont au cœur de la discussion, parce qu’ils redoutent d’être sous-représentés dans la troisième institution du pays. Avec la nouvelle version du CESE, 8 sièges seraient garantis aux ultramarins, contre 11 actuellement. Trois territoires d’outre-mer ne seraient donc plus représentés au Palais d’Iéna. Saint-Barthélemy, avec ses 10.000 habitants, passerait certainement à la trappe…
Des sénateurs et des députés, tout comme les conseillers ultramarins du CESE, Inès Bouchaut-Choisy en tête, se battent depuis des semaines pour que cela n’arrive pas. Un amendement réinstaurant la présence des 11 outre-mer avait été adopté au Sénat. Le sujet a été très discuté en commission des lois de l’Assemblée nationale, le 10 novembre. « Quand on dit qu’on trouvera bien le moyen de représenter d’une manière ou d’une autre les outre-mer, l’expérience prouve qu’en général ils passent à la trappe. Il me semble préférable de préciser qu’il y aura un représentant par territoire», notait George-Pau Langevin (Paris, PS). Catherine Kamowski (Isère, LREM): « Il s’agit de garantir la représentation la plus juste possible de la société civile organisée. Ce principe posé, entrer dans une logique de chiffres ou de quotas ne me paraît pas la bonne solution.»
Finalement, en séance publique, le projet présenté était une sorte de compromis : huit sièges garantis pour l’outre-mer, qui comporte onze territoires habités. Maïna Sage (Polynésie, Tapura huiraatira) a de nouveau demandé au gouvernement de garantir dans la loi la présence des onze territoires. «Ici dans l’Hexagone, ça ne changera rien, mais pour les outre-mer, ça changera tout ! Pensez-vous que Wallis-et-Futuna pourra parler au nom de Saint-Pierre-et-Miquelon?» Pas de quoi émouvoir Eric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, qui estime que l’outre-mer est loin d’être lésée. « Tous les groupes du CESE ont subi une baisse du nombre de leurs membres de 25 %. Faites le calcul : appliquée aux onze membres du groupe de l’outre-mer, cela donne 8,25 membres. L’équilibre auquel nous avons abouti résulte d’assurances données sur l’effectivité de la représentation des ultramarins. (…) Nous proposons une exception à ce paradigme en spécifiant, dans le texte, que le groupe de l’outre-mer ne sera pas plus lésé que les autres par la réduction du nombre de membres du CESE. J’ajoute que cet amendement n’exclut pas la possibilité que des représentants issus des outre-mer soient désignés dans d’autres catégories.* » Philippe Gosselin (Manche, LR) répond au ministre de la Justice. « Je vous connais assez, monsieur le ministre, pour savoir que vous êtes moins un défenseur de l’égalité que de l’équité. Faire preuve d’équité, c’est faire passer ce nombre de huit à onze. » Sans succès.
Et maintenant ? Le texte doit de nouveau être examiné par le Sénat. « Nous ne lâchons rien », commente Inès Bouchaut-Choisy, combative. «La diversité des situations, des cultures, des systèmes institutionnels, économiques, sociaux, environnementaux et aussi juridiques nécessitent la désignation d’un représentant par territoire. L’égalité n’est pas l’égalitarisme. Nous poursuivrons notre combat au Sénat pour relever le collège des territoires de 45 à 48 afin de garantir 11 représentants des Outre-mer. »
Mais les chances que la majorité à l’Assemblée nationale revienne sur le compromis trouvé sont minces. Quels seront les huit territoires ultramarins préservés, comment seront-ils choisis ? On ne le saura pas avant 2021.
Tout repose
sur Micheline Jacques
La perte du siège de Saint-Barth au CESE représenterait un manque notable pour la représentation de notre île, si mal connue au niveau national. Si elle était exclue du CESE, il resterait deux élues à Paris pour défendre et expliquer notre petit territoire et ses nombreuses particularités: la députée des Îles du Nord Claire Javois Guion-Firmin (LR) et la sénatrice de Saint-Barthélemy Micheline Jacques. Autant dire que tout repose surtout sur la seconde... Car depuis son élection en juin 2017, Claire Javois Guion-Firmin n’a jamais pris position sur un sujet concernant Saint-Barthélemy, évoquant à de très rares exceptions, uniquement Saint-Martin dans ses questions au gouvernement. Et cela même quand les sujets englobent les deux îles, comme lorsqu’elle défendait la création d’un établissement statistique à Saint-Martin. Pourtant depuis leur passage en Collectivité en 2007, Saint-Barth comme Saint-Martin est exclue des données statistiques, par exemple lors d’études sur la santé ou le coût de la vie.
C’est donc au Sénat que Saint-Barth a une carte nationale à jouer. Or, la réforme des institutions voulue par Macron prévoit, comme au CESE, une importante diminution du nombre de sénateurs. Là aussi, le siège de notre île, où le sénateur est désigné par seulement 21 grands électeurs, sera menacé. Il n’y a plus qu’à espérer que Saint-Barthélemy sauvera son siège dédié…
* La garantie de sièges pour les outre-mer ne concerne qu’une catégorie du CESE : “Quarante-cinq représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative, dont huit représentants des outre-mer.” Dans les autres catégories les outre-mer ne sont pas mentionnés, mais les ultramarins peuvent devenir conseillers comme tout Français.