Les électeurs de Saint-Barthélemy qui se sont exprimés dans les urnes samedi 23 avril lors du deuxième tour de l’élection présidentielle ont accordé 54,73% de leurs voix à la candidate d’extrême droite, Marine le Pen.
Qu’il soit de défiance ou de conviction, le vote de la majorité des électeurs de Saint-Barthélemy a été accordé à la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, lors du deuxième tour de l’élection présidentielle, le samedi 23 avril. Ainsi, 54,73% des 2.781 suffrages exprimés sur l’île sont allés à la candidate du parti d’extrême droite. Le président sortant, réélu dimanche dernier avec 58,54% des voix, n’a obtenu que 45,27% des suffrages à Saint-Barth. Un désaveu pour Emmanuel Macron qui a essuyé un même revers dans toutes les Antilles et en Guyane.
Le Pen en tête partout
Marine Le Pen est arrivée en tête dans les cinq bureaux de vote de l’île. Elle recueille ainsi 56,32% des voix dans la salle du conseil territorial de la Collectivité, 55,76% dans l’ancienne école de Lorient, 55,06% à Colombier, 51,97% dans le bâtiment administratif de Lorient et 54,49% dans la salle des mariages de la Collectivité. Au total, sur les 2.781 suffrages exprimés, Marine Le Pen récolte 1.522 voix contre 1.259 à Emmanuel Macron.
Pour ce deuxième tour, le taux de participation a été de 56,57%. En 2017, il avait été de 52,17% (2.760 votants pour 5.290 inscrits). Une légère hausse de l’intérêt porté à l’élection présidentielle mais qui reste parfaitement négligeable. Pour mémoire, il y a cinq ans, Emmanuel Macron avait recueilli 58,43% des voix et Marine Le Pen 41,57%. Le rejet du président sortant a donc été tel que la majorité des électeurs de Saint-Barth lui ont préféré la candidate du parti d’extrême droite. Essentiellement en raison des mesures prises lors de la crise sanitaire. Une « indigestion » de restrictions qui s’est exprimée à travers toute la Caraïbe.
Raz-de-marée lepéniste aux Antilles-Guyane
Saint-Barthélemy n’est pas le seul territoire à avoir estimé qu’élire la présidente du parti à la flamme néo-fasciste serait une solution pour être libéré des décisions gouvernementales contraignantes. A Saint-Martin, où l’abstention s’est élevée à 66,88%, Marine Le Pen a recueilli 55,75% des suffrages. A la Martinique, la candidate d’extrême droite obtient 73.000 voix (46.918 pour Emmanuel Macron) pour atteindre 60,87%. Là encore, le taux d’abstention est élevé puisqu’il est de 54,55%. En Guyane, 61,10% des électeurs (62.970 sur 103.058 inscrits) ont choisi de s’abstenir. Marine Le Pen émarge à 60,70% avec 21.734 voix recueillies. Des chiffres éloquents qui sont toutefois bien inférieurs à ceux enregistrés en Guadeloupe.
En effet, 92.106 électeurs de l’île papillon, soit 69,60% des suffrages exprimés, ont donné leur voix à la présidente du Rassemblement national. Emmanuel Macron plafonne à 30,40% et 40.229 voix. Le taux d’abstention a été de 52,82% puisque seuls 149.057 des 315.941 inscrits ont fait le déplacement dans les bureaux de vote.
Ailleurs, Saint-Pierre-et-Miquelon (50,69%), Mayotte (59,10%) et la Réunion (59,57%) ont également plébiscité Marine Le Pen. En revanche, Emmanuel Macron a été préféré en Nouvelle-Calédonie (61,04%), à Wallis-et-Futuna (67,44%), en Polynésie (51,80%) et par les Français de l’étranger (86,14%).
Le vote des Antilles fait jaser
S’il est un sujet qui entretient les discussions depuis la promulgation des résultats du deuxième tour de la présidentielle, c bien les pourcentages obtenus par Marine Le Pen aux Antilles et en Guyane. Interrogé par nos confrères de France Info, le sénateur de Guadeloupe et ancien ministre des Outre-mer Victorin Lurel estime que ce vote découle notamment d’une « véritable incompréhension entre le pouvoir en place et les Outre-mer depuis cinq ans ». Le parlementaire affirme : « Il y a une impression de surdité et certains ont parlé de maltraitance. Expliquez cela dans l’Hexagone, les gens ne comprennent pas. Cela donne le sentiment que vous demandez toujours plus. Les gens ont voulu sanctionner le président. Je ne dis pas que tout est mauvais, mais nous n’avons pas eu l’impression d’être entendus. Les Outre-mer ont l’impression d’être minimisées, de n’être jamais citées, jamais prises en compte. Donc c’était un résultat prévisible, ce n’est pas un vote d’adhésion pour Marine Le Pen, ça n’a pas non plus été un vote d’adhésion pour Mélenchon au premier tour, c’est un vote de rejet protestataire, contestataire. » Et d’ajouter : « Le chlordécone, le Covid, la crise sociale, cela date, ce n’est pas simplement Emmanuel Macron qui est en responsable, c’est le style, la façon de le traiter. J’ai dit à tous les ministres, aux différents ministres des Outre-mer qu’il y aurait un retour de bâton. »
L’analyse de Victorin Lurel est partagée par un grand nombre d’observateurs. Et elle émerge dans les commentaires recueillis dans la rue, à Saint-Barth comme en Guadeloupe ou en Martinique. « Je ne digère pas la gestion du Covid et qu’on nous force à nous faire vacciner », assure une habitante de Saint-Barth, qui précise toutefois ne pas être allée se faire vacciner. « On aurait dû laisser sa chance à Marine Le Pen, explique un Guadeloupéen interrogé à Saint-François par la correspondante de Ouest-France. Peut-être que son père était raciste, mais elle semble différente. Ça n’aurait pas pu être pire que Macron. » Une autre remarque : « Il faut aussi admettre qu’en terme de programme, certaines des propositions de Marine Le Pen font écho chez nous. »
Néanmoins, quelles que puissent être les analyses et les commentaires, le vote de samedi dernier marque une rupture profonde entre les populations des Antilles et de la Guyane avec le président réélu. Emmanuel Macron a-t-il, parmi ses projets, celui de travailler à la restauration d’une confiance entre ces territoires d’Outre-mer et sa présidence ? Seules ses prochaines décisions permettront d’en avoir une idée précise.