Elles étaient deux à Gustavia, pancartes à la main et convictions chevillées au corps, vendredi soir, à protester contre la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur et celle de Dupond-Moretti à la Justice. En métropole des milliers de personnes, principalement des femmes, ont manifesté ce même jour leur colère.
“Un violeur à l’Intérieur, un complice à la Justice!”. Elles étaient quelques milliers à scander ce slogan vendredi 10 juillet, un peu partout en France. A Gustavia, deux jeunes femmes, Lola et Lily, ont pris part à ce mouvement national.
Pour Lola, à l’initiative de cette micro-manifestation, la nomination de Gérald Darmanin comme “premier flic de France”, alors qu’il est lui-même visé par une enquête pour viol, ne passe pas. «C’est tragique, on dirait presque une mauvaise blague», explique la jeune femme de 26 ans. « Je me suis rendu compte il y a peu de la proportion terrifiante de femmes qui ont subi un viol, une agression, du harcèlement… Nommer ministre un homme qui est accusé de viol, c’est comme leur dire “Ce n’est pas grave ce qui vous est arrivé”. Alors que ça doit déjà être si difficile d’en parler ! La présomption d’innocence, d’accord, mais j’ai souvent l’impression que dans ces affaires les hommes sont présumés innocents, mais les femmes sont présumées menteuses ! »
Outre le remaniement, c’est la culture du viol dans sa généralité que les deux femmes sont venues dénoncer. « C’est un problème de société, au-delà du problème individuel», affirme Lily. «C’est incroyable que l’on continue d’entendre que c’est aux femmes de faire attention, et pas aux agresseurs de se tenir. »
Le nouveau Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti n’est pas mêlé à une quelconque affaire, mais il s’est plusieurs fois exprimé contre les mouvements MeToo, Balance Ton Porc, contre le délit d’outrage entériné fin 2018, avec la verve provocatrice qui le caractérise : « Le mouvement MeToo a permis de libérer la parole et c’est très bien. Mais il y a aussi des ‘follasses’ qui racontent des conneries et engagent l’honneur d’un mec qui ne peut pas se défendre car il est déjà crucifié sur les réseaux sociaux », lançait-il il y a quelques mois. Ajoutant que certaines femmes « regrettent de ne plus être sifflées dans la rue». Les manifestantes lui reprochent aussi certains propos tenus à l’encontre des victimes lorsqu’il défendait des accusés dans ce genre d’affaire, notamment Georges Tron.
Le 8 juillet, Lola a posté sur les réseaux sociaux de Saint-Barth un appel pour proposer à ceux qui croient à la même chose qu’elle de se joindre à la manifestation. Las : «Beaucoup étaient d’accord sur le fond, mais personne n’a voulu agir en venant aujourd’hui », regrette Lola.
Elle a aussi été la cible de moqueries voire d’hostilité. «Tous ceux qui ont ri ou ont fait preuve d’agressivité sont des hommes », note l’ex-étudiante de Sciences Po. « Je pense qu’ils ne se rendent pas compte. Et puis j’ai eu des gens qui me disaient qu’à Saint-Barth on n’est pas concernés, et j’en ai même une qui m’a demandé de ne pas manifester parce que cela pourrait salir l’image de l’île ! Ne pas parler pour ne pas nuire à l’image de Saint-Barth, c’est une négation complète de l’individu ! » En tout cas, les débats sur les réseaux sociaux n’ont pas conduit à la mobilisation. Aucune importance pour Lola et Lily. « Nous avons décidé de venir, quitte à être toutes seules. Au moins nous serons allées au bout de nos convictions. »