Avec des mois de retard sur le programme annoncé, le conseil territorial devrait valider vendredi 22 mai la convention sur l’énergie cosignée avec l’Etat et EDF. Bien qu’elle entraînera une hausse du prix de l’électricité, c’est un pas important pour le territoire puisqu’elle garantit pour cinq ans la péréquation tarifaire. Explications.
En France, l’Etat applique le principe de péréquation tarifaire. Financé grâce à une taxe sur les factures énergétiques (la CSPE), il permet de lisser le prix de l’électricité pour tous les Français, qu’ils habitent au pied d’une centrale nucléaire ou sur une île ultramarine. Saint-Barthélemy en bénéficie. Cela représente 25 millions d’euros annuels pour le territoire.
Cette solidarité nationale devrait être actée par une convention tripartite, soumise aux élus vendredi 22 mai. En effet, ce principe n’était plus garanti depuis le passage de Saint-Barthélemy en Collectivité d’Outre-Mer, en 2007. La Com a récupéré la compétence énergie, qu’elle n’a jamais utilisé jusqu’alors : pas de code ni de règlementation locale sur le sujet, pour le moment. L’Etat n’étant plus compétent en la matière sur l’île, il aurait pu décider de mettre fin à la péréquation tarifaire. Ce qui aurait eu pour conséquences de multiplier les tarifs actuels de l’électricité par trois ou quatre. Il ne l’a pas fait jusqu’à aujourd’hui, fort heureusement.
Jusqu’à 20% de hausse sur les factures
Pour autant, les factures EDF devraient quand même augmenter. A Saint-Barth, l’électricité est produite grâce à des moteurs. Or tout le carburant qui entre sur l’île est soumis à une taxe de la Collectivité (3 millions d’euros en 2019), et EDF paie cette taxe. Donc si l’Etat est d’accord pour financer la solidarité entre Français, il ne compte pas financer indirectement la Com à travers la taxe sur le carburant. Deux solutions pour la Collectivité : soit exonérer EDF du paiement de cette taxe, soit lui permettre d’augmenter le prix du kilowattheure. Cette question avait été évoquée publiquement par Bruno Magras en octobre dernier (JSB 1348), il avait déjà indiqué qu’il pencherait pour la seconde solution. Les consommateurs devraient donc voir leur facture augmenter de 15% à 20%, une hausse lissée sur trois ans à partir de 2021. C’est toujours mieux qu’une hausse de 300%.
Faire payer plus aux gros consommateurs ?
En octobre, le conseiller territorial Ernest Magras (Saint-Barth d’Abord) s’était interrogé sur l’équité d’augmenter le prix de l’électricité pour tous, alors que certains chauffent des piscines et climatisent H-24, tandis que d’autres ont des comportements plus raisonnables. « Ce n’est pas tout à fait normal de chauffer sa piscine aux frais du contribuable », avait admis le Président de la Collectivité, indiquant qu’il n’était pas opposé à faire payer davantage les plus gros consommateurs. La question sera sans doute de nouveau abordée vendredi soir par les élus.
Un plan pour la transition énergétique
Pour obtenir l’accord de l’Etat, la Collectivité a dû fournir quelques garanties. D’abord, un Code de l’énergie local devra être rédigé. Ensuite, la Collectivité devra travailler sur une PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie). Ce document a deux objectifs : garantir l’alimentation de l’île en énergie dans les années qui viennent, et planifier la transition énergétique.
La première mesure à prendre pour brûler moins de gasoil dans les moteurs de Public, c’est de limiter les besoins. C’est le levier d’action numéro 1 pour tendre vers une île plus propre. Pour cette raison, un comité de maîtrise de la demande en énergie doit être créé ; cela a été fait par anticipation, en novembre 2019 (JSB 1351).
Solaire et biocarburants
Ensuite, bien sûr, l’énergie solaire semble une évidence sous nos latitudes. Néanmoins les projets photovoltaïques de la Collectivité patinent. Elle avait lancé l’installation de 2.000 mètres carrés de panneaux sur le toit du site de propreté à Public, mais la poussière de ciment qui nappe tout le quartier a compromis ce projet. Depuis deux ans, ce sont les ombrières solaires qui reviennent régulièrement à l’ordre du jour, notamment pour une installation sur le parking de la Collectivité. En 2016, 99,9 % de l’énergie produite sur l’île provient du fioul, 0,1% du solaire, selon un rapport de 2017 sur la péréquation tarifaire dans les ZNI (Zones non-interconnectées, c’est à dire non reliées au réseau électriques métropolitain).
Mais le gros projet pour améliorer le bilan carbone de Saint-Barth se situe au cœur même de la centrale. EDF doit remplacer les six moteurs les plus anciens par de nouveaux, plus performants donc moins gourmands en carburant. Ces moteurs pourraient même être compatibles avec le biocarburant, sur lequel les avancées sont prometteuses. Un investissement très lourd que l’entreprise ne pouvait pas se permettre de lancer, tant que la convention avec l’Etat n’était pas signée. Si les élus donnent leur aval vendredi, ce qui fait peu de doutes, EDF pourra enfin concrétiser ce projet, dans les tuyaux depuis plusieurs années.
Besoins exponentiels
Il y a trois ans, dans le cadre de cette même étude sur les ZNI, EDF indiquait qu’il était urgent d’accroître la productivité sur notre île : elle tablait sur une hausse des besoins de 5 MW entre 2016 et 2023. Effectivement, aujourd’hui déjà, la centrale ne peut répondre à la demande de grosses villas ou d’hôtels, qui se dotent de groupes électrogènes de plus en plus énormes pour fonctionner en haute saison. Le rapport -à consulter via le site internet du Journal de Saint-Barth-, fixait justement comme première recommandation à Bercy de clarifier la situation juridique de Saint-Barth (et Saint-Martin) par rapport à la péréquation tarifaire. Après négociations entre toutes les parties, celle-ci devrait enfin avoir sa base juridique, avec la convention soumise aux élus, valable pour une durée de cinq ans.