Le conseil territorial de vendredi 26 février avait notamment pour objectif de voter les orientations budgétaires de la Collectivité pour cette année 2021, déjà marquée par la crise du Covid-19 et les incertitudes qui en découlent. Les élus sont montrés globalement en accord, sauf lors d’un débat sur le port du masque à l’école, qui, bien qu’absent de l’ordre du jour, s’est invité en fin de séance.
Ressources humaines
Les élus ont voté en faveur d’une modification de l’organigramme des services de la Collectivité. Pour mutualiser les besoins et les ressources des domaines portuaire et maritime. La Direction du port de Gustavia devient donc Direction des affaires portuaires et maritimes. L’emploi d’un assistant administratif et juridique est créé, il intégrera notamment les missions du Responsable du Service Maritime.
Affaires administratives
Une proposition vise à modifier le nom du centre d’imagerie médical des îles du Nord en hommage à Lawrence O’Donnel. Fidèle visiteur américain de Saint-Barthélemy décédé le 30 août dernier, il était un membre actif du FEMUR, la Fondation pour l’Equipement Médical d’Urgence de Saint-Barthélemy. Lawrence O’Donnel se rendait à SaintBarthélemy tous les six mois pour assister aux réunions de la fondation. Il y a proposé, en sa qualité d’avocat, de créer une autre fondation, la Saint- Barthélemy Medical Equipment Foundation aux Etats-Unis (SBMEF) afin de récolter sur le territoire américain des fonds pour alimenter les recettes du FEMUR de Saint-Barthélemy. Cette fondation, dont Mr O’Donnel était le Président, a grandement œuvré, en complément d’autres dons de visiteurs Américains, à fournir les fonds nécessaires au fonctionnement du FEMUR. Ces fonds ont permis d’équiper la grande majorité du matériel médical actuellement disponible au centre d’imagerie, mais également à l’Hôpital De Bruyn (radiographie, mammographie, cardiographie, équipements sportifs pour les tests d’effort…). Lawrence O’Donnel était aussi très impliqué dans la vie locale, notamment au sein du Festival de musique et de l’Association des propriétaires de villas de Saint-Barthélemy (SBIPOA). Les élus votent unanimement en faveur de cette proposition. Une plaque en en bronze sera accrochée au sein des locaux du centre d’imagerie mentionnant “Centre imagerie Lawrence O’Donnell - SBMEF - FEMUR ”.
Affaires juridiques
Le conseil territorial était invité à se prononcer en faveur de l’approbation d’une dispense d’accréditation de représentant fiscal dans le cadre d’une liquidation judiciaire. L’affaire concerne la société Rêve de Saint-Barth, en liquidation judiciaire, donc. Alors qu’une autre SCI souhaite racheter ses biens immobiliers, aucun représentant fiscal ne veut assumer ces dettes, notamment l’impôt sur la plus-value immobilière. « J’ai plus ou moins donné mon feu vert au service financier là-dessus, précise Bruno Magras, parce qu’il est préférable de percevoir au moins les 5% qui seront payés par l’acquéreur à la Collectivité même si le montant d’une plus-value éventuelle sera plus ou moins perdu dans ce cas précis. » Maxime Desouches (absent) propose un amendement qui vise à préciser dans le code des contributions que désormais, ce type de décisions pourra passer directement par le conseil exécutif. L’amendement et la dispense d’accréditation d’un représentant fiscal sont adoptés. Une autre affaire concerne la renonciation au paiement de tout ou partie des pénalités de retard dues par une société dans le cadre de l’exécution d’un marché public. Sophie Olivaud Durand, directrice des services techniques de la Collectivité, est invitée à expliquer le problème. Une société de peinture de Saint-Martin s’est vue imposer des pénalités de retard de l’ordre de 5.000€ dans le cadre d’un marché public. La société a fait un recours devant le Tribunal administratif. Sophie Olivaud Durand propose de renoncer à ces pénalités pour éviter de payer un avocat et risquer de perdre, dans le contexte de crise actuel, devant la justice. La proposition est adoptée.
Affaires foncières
La Direction Régionale des Finances Publiques (DRFIP) de Guadeloupe a confirmé aux services de la Collectivité que treize îlets autour de Saint-Barthélemy étaient considérés comme des biens vacants sans maître. La Collectivité veut revendiquer leur propriété. Il s’agit de l’île de Boulanger, de l’île Pelé, de La Poule et les Poussins, de Roche-Table, de Fourmis, des Grenadiers, de Coco, des Roches-Rouges, de l’île de Pain-de-Sucre, des Islettes, des Saintes, de l’Âne-Rouge et de l’île de la Pointe-Petit-Jean. « On n’en fera pas grand-chose, je vous rassure, mais ils peuvent entrer dans le patrimoine de la Collectivité », déclare Bruno Magras. La proposition est votée à l’unanimité.
Affaires budgétaires
En attendant le vote primitif du budget 2021, le Comité territorial du tourisme demande une avance de 250.000€ sur le montant total de la subvention demandée, évaluée à 794.000€. Bruno Magras précise que la subvention attribuée au CTTSB en 2021 sera réévaluée lors d’un point d’étape, en fonction des recettes de la Collectivité. La demande est acceptée.
Sur le même principe, l’Agence territoriale de l’environnement (ATE) demande une avance de 250.000€ sur les 500.000€ de subvention qu’elle va solliciter pour l’année. Les élus votent pour.
Le dernier point à l’ordre du jour était le débat sur les orientations budgétaires 2021. De débat, il n’y en a pas eu. Bruno Magras s’est félicité des bonnes recettes de la Collectivité en 2020 malgré la pandémie (voir JSB1412) et de l’avis favorable du CESCE (Conseil Économique Social Culturel et Environnemental) de Saint-Barthélemy. « Concernant le rapport d’orientation budgétaire, le CESCE constate qu’il présente une saine gestion, qu’il est important de souligner », est-il en effet écrit dans cet avis. L’institution consultative souligne tout de même l’importance des aides de l’Etat en période de crise et met en garde : « A l’heure où Saint-Barthélemy souhaite plaider en faveur d’un transfert de compétence de santé et de sécurité sociale, la crise du Covid pose (…) de nouvelles questions qui devront inévitablement être précisément étudiées. »
Dans le rapport transmis aux élus concernant les orientations budgétaires, la prudence est mise en avant face aux incertitudes liées à la crise. Le but est de « contenir l’évolution des dépenses de fonctionnement tout en garantissant un service public de qualité aux administrés. » Le rapport insiste sur « la maîtrise des dépenses de fonctionnement ».
Il prévoit donc des dépenses en hausse de 2% par rapport à l’an dernier et des recettes en baisse de 10%. Face au conseil territorial, Bruno Magras s’en explique : « Ce sont des mesures de précaution que nous prenons à chaque budget. Il est préférable de prévoir des recettes moindres et d’essayer de contenir les dépenses que de prévoir des recettes avec une surprise désagréable qui consisterait à s’apercevoir qu’elles sont bien moins importantes que prévu. » Un point d’étape sera fait en milieu d’année (probablement fin juin) pour éventuellement réévaluer les montants annoncés. Pour 2021, la Collectivité prévoit 37.170.000 € pour financer ses dépenses. Outre les projets déjà en cours mentionnés dans le dernier numéro du Journal de Saint-Barth, elle souhaite pouvoir « saisir les opportunités d’achat de terrain qui se présenteront à elle ». Objectif : bâtir un nouveau réservoir à Lurin, un centre d’accueil de jour à Anse des Cayes et réhabiliter l’ancienne mairie. En attendant le budget qui sera présenté dans le courant du mois de mars, les orientations budgétaires sont adoptées à l’unanimité.
Le port du masque à l’école débattu
A deux reprises, la question du port du masque à l’école dès six ans s’est invitée dans les discussions. Sollicité par plusieurs parents d’élèves en colère, Bruno Magras rappelle : « Je voudrais que chacun prenne conscience qu’il y a des compétences qui relèvent de la Collectivité et des compétences qui relèvent de l’Etat. La Collectivité n’est pas en mesure de se substituer aux décisions des services de l’état. Les professeurs sont là pour respecter les consignes données par leur hiérarchie. A partir de là je ne pense pas qu’il soit utile d’exercer une pression importante sur eux puisqu’il suffit de se mettre à leur place pour comprendre qu’ils doivent exécuter les ordres qui leurs sont donnés. ». Ceci étant dit, en fin de séance, le Président de la Collectivité donne plus franchement son avis sur ce masque qu’il considère comme une « muselière » et la « peur à tous les échelons » inculquée aux « enfants qui découvrent cette macaquerie ». Patrick Bordjel, gynécologue et élu Unis pour Saint-Barth prend à son tour la parole : « nous avons sollicité avec trois médecins généralistes les directrices d’école. Nous allons tenter d’instaurer un dialogue entre les parents d’élèves et les directrices d’établissement pour essayer de trouver une solution intelligente en respectant la loi mais en respectant aussi la santé des enfants. Il y a beaucoup d’enfants allergiques à cet âge-là, beaucoup de crises d’asthme ou de semi-asthme et le masque, hélas, n’est pas compatible avec ces états de santé. On va créer des insuffisances respiratoires dangereuses. Qui peuvent même à la limite mettre en responsabilité les directrices d’établissement. » Face à ces arguments Micheline Jacques, ancienne directrice d’école, s’emporte : « Ce n’est pas la directrice qui est responsable. Parce qu’il y a un décret. Si la directrice laisse entrer dans l’enceinte de l’établissement des enfants sans le masque et qu’il y a un cluster qui se développe, la directrice peut être poursuivie pénalement. C’est le ministère qui a donné un protocole sanitaire qui oblige les directeurs d’école. » Elle explique que certaines directrices d’établissements se sont fait insulter par des parents en colère, qu’une plainte va être déposée.
Bruno Magras dénonce le « jeu dangereux » d’Hélène Bernier, absente
En début de séance, à propos des recours introduits, le Président de la Collectivité s’en prend à l’élue Saint-Barth Autrement, absente, qui a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) après le vote par le Conseil territorial du 8 janvier du non-renouvellement du siège de Micheline Jacques au Conseil exécutif (JSB1406) : « Je regrette l’absence de Madame Bernier parce que j’ai horreur de parler derrière le dos des gens mais je me dois quand même de vous signaler que nous avons reçu un QPC, une question prioritaire de constitutionnalité qui a été introduite par Madame Bernier. Elle consiste à saisir le Conseil constitutionnel sur le contenu de la loi organique. C’est un jeu dangereux, me semble-t-il. Parce que si un élu veut contester la décision qui a été prise le 8 janvier, il a bien évidemment le tribunal administratif et dans le cas en question il a le Conseil d’Etat. Le Conseil constitutionnel a rendu un avis sur la constitutionnalité de la loi le 15 février 2007. Ce qui a permis au Président de la République de promulguer la loi. Prendre le risque de remettre devant le Conseil constitutionnel la loi organique qui fonde le statut de Saint-Barthélemy. C’est pour moi de la part d’un élu une irresponsabilité. Et j’espère que tout se passera bien. Dans le cas contraire, ceux qui l’ont encouragée à le faire, ceux qui la soutiennent financièrement et moralement auront peut-être des comptes à rendre à la population de Saint-Barthélemy. »
Hélène Bernier nous a transmis sa réponse par mail : «Avant de revenir sur la procédure engagée, je ne peux m’empêcher de noter que M. Magras a la mémoire bien courte. C’est en effet lui qui, en novembre 2010, engageait une procédure identique devant le Conseil constitutionnel. Si l’on suit sa logique, il est donc le premier irresponsable. L’irresponsable en chef en quelque sorte !
Mais, trêve de plaisanteries, et venons-en à ce qui a motivé ma démarche, entreprise à la suite de la démission de Micheline Jacques du Conseil exécutif et de la décision du Conseil territorial de ne pas la remplacer : la question prioritaire de constitutionnalité que j’ai engagée est un mécanisme mis en place sous le gouvernement Sarkozy, postérieurement à l’adoption de la loi organique fondant le statut de Saint-Barthélemy.
Ce mécanisme permet de contester la constitutionnalité d’une disposition législative lorsqu’elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Dans le cas où cette disposition n’est pas constitutionnelle, elle est tout simplement abrogée. Mais cela ne remet en cause que cette disposition et en aucun cas la loi dans laquelle elle s’inscrit, comme le laisse pourtant à penser le président Magras.
En l’espèce, la disposition législative que je conteste est l’article LO 6222-7 du Code général des collectivités territoriales, qui organise les modalités de remplacement d’un siège vacant, autre que celui du président, au sein du Conseil exécutif. Aux termes de ce texte, le Conseil territorial disposerait d’une simple faculté de pourvoir au remplacement et pourrait donc laisser ce siège vacant jusqu’au prochain mandat. C’est précisément ce qu’il a fait le 8 janvier dernier, en décidant de ne pas remplacer Micheline Jacques. Or, je pense que les dispositions de cet article ne sont pas constitutionnelles et violent notamment le principe du pluralisme politique (article 4 de la Constitution) en ce que le non-remplacement prive l’opposition d’un siège qui lui revient au sein du Conseil exécutif, en vertu de l’article LO 6222-6 du Code général des collectivités territoriales. Pour moi, le Conseil territorial ne jouit pas d’une simple possibilité ; il doit pourvoir au remplacement d’un siège vacant au sein du Conseil exécutif puisque la composition de celui-ci est censée refléter la composition du Conseil territorial. C’est cette question que le Conseil constitutionnel devra trancher.
En vérité, la véritable irresponsabilité tient à l’attitude de Bruno Magras qui s’entête à ne pas vouloir compléter le Conseil exécutif dans le seul objectif d’exercer son pouvoir sans partage et sans opposition, au risque d’exposer toutes les décisions du Conseil territorial et du Conseil exécutif à des annulations.»