Le Conseil économique, social, culturel et environnemental a émis un avis favorable sur l’avant-projet de la loi dite « 4D », actuellement en cours d’élaboration à Paris. Un avis qui arrive en soutien de la volonté de la Collectivité d’acquérir de nouvelles compétences et ainsi d’engager une évolution institutionnelle.
Le sujet n’est évidemment pas nouveau. Depuis plusieurs années, la Collectivité de Saint-Barthélemy réclame une révision constitutionnelle afin de bénéficier d’une plus grande autonomie. Notamment dans le domaine de la santé. En 2014, le sénateur Michel Magras avait déposé un projet de loi en ce sens. Quelques années plus tard, lorsque l’élaboration de la loi dite « 4D » (décentralisation, déconcentration, différenciation, décomplexification - lire ci-dessous) a débuté, le président Bruno Magras a clairement exprimé sa volonté d’accéder à une modification statutaire pour Saint-Barth. Le dossier avance doucement, mais sûrement. Depuis, le Conseil économique, social, culturel et environnemental (CESCE) de Saint-Barth s’est rangé derrière la Collectivité territoriale en émettant un avis favorable à l’avant-projet de loi.
« Un changement bénéfique »
« Un changement statutaire ne pourra qu’être bénéfique à l’île, assure Pierre-Marie Majorel, le président du CESCE. Parmi les compétences qui nous manquent, celle du social et de la santé est la plus importante. Depuis qu’il existe les guichets de la Caisse de prévoyance santé (CPS), les services aux citoyens sont bien meilleurs. Néanmoins, avec la pandémie, on a vu que si le statut changeait, on envisagerait l’avenir avec davantage de sérénité. » C’est la raison pour laquelle le Conseil a rendu un avis favorable.
Dans le cadre d’une nouvelle organisation, le CESCE assure partager la position du Conseil exécutif territorial. «Nous estimons qu’il serait important que la Collectivité dispose d’un représentant désigné par le Conseil territorial au sein du futur conseil d’administration de l’Agence régionale de santé de Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, explique le CESCE. La Collectivité aurait ainsi la possibilité de faire valoir et expliquer sa situation propre pour défendre une meilleure adaptation de certaines mesures aux particularités du territoire. »
A Saint-Barth sa propre caisse de sécurité sociale
En décembre 2020 (JSB 1400), Bruno Magras a indiqué au ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, qu’il ne parvenait « pas à comprendre les raisons qui s’opposeraient à ce que la CPS se voie attribuer une personnalité juridique pleine et entière ». Et le président d’ajouter : «En dehors de Saint-Barth et Saint-Martin, chaque territoire d’outre-mer disposent de son propre organisme de sécurité sociale. » Le CESCE ne dit rien d’autre et confirme : « Il est temps de franchir une nouvelle étape pour que Saint-Barthélemy soit dotée d’un organisme de sécurité sociale avec un meilleur partage des compétences et une gestion plus locale. » Sur ce sujet, le dossier de Saint-Barth semble évoluer rapidement, comme le démontrent les discussions tenues mardi 20 juillet au Sénat (lire ci-dessous).
Par ailleurs, le CESCE estime « normal et justifié » qu’intervienne une évolution de la réglementation de notoriété acquisitive. « Il existe un grand nombre de biens immobiliers détenus en indivision résultant de successions non réglées entre les héritiers souvent nombreux et géographiquement éloignés », souligne le Conseil. Celui-ci propose donc que le possesseur d’un bien situé à Saint-Barth, devenu propriétaire par prescription, ait la possibilité de faire constater sa possession dans un acte de notoriété.
« Un statut polynésien »
Le Conseil économique, social, culturel et environnemental est également favorable à ce que la Collectivité puisse être consultée avant la délivrance de chaque titre de séjour. De plus, il estime que le rôle du greffe du tribunal de commerce devrait être confié à la Chambre économique multi-professionnelle (Cem) afin de simplifier les démarches des entrepreneurs de l’île. Aussi, il propose que la Collectivité fixe les règles applicables dans le cadre d’un bail mixte commercial et d’habitation principale. Les deux étant, pour l’heure, réparties entre le Code du commerce et la Collectivité.
Enfin, l’adaptation du Code rural et de la pêche maritime. « Certaines dispositions pourraient être mieux adaptées à Saint-Barth », remarque le CESCE qui cite notamment l’assainissement et la qualité des eaux. « Aujourd’hui, nous devons aller vers un statut polynésien et obtenir le plus vite possible une enveloppe constitutionnelle différente », insiste le président du CESCE, Pierre-Marie Majorel.
La loi « 4D » à l’étude
Le texte de loi se décompose, d’évidence, en quatre volets. La différenciation, qui doit permettre de s’adapter aux réalités locales. La décentralisation, dont l’objectif est de conforter les compétences des collectivités locales. La déconcentration, qui a pour but de rapprocher l’État du terrain dans une logique d’appui et de contractualisation avec les collectivités territoriales. Enfin, la décomplexification a pour vocation de simplifier le fonctionnement des collectivités et des établissements de l’Etat. Notamment en évitant aux usagers de fournir plusieurs fois les mêmes informations à des entités administratives différentes.
Le Gouvernement « enclin à donner une suite favorable »
Jeudi 15 juillet, le Sénat a poursuivi son étude du projet de loi dite « 4D ». Lors de la séance, la sénatrice de Saint-Barthélemy Micheline Jacques a rappelé que « Saint-Barthélemy est, parmi les collectivités d’outre-mer ayant le statut de PTOM, la seule à ne pas disposer de sa propre caisse de sécurité sociale». Elle a déclaré que « malgré un contexte financier excédentaire de plus de 20 millions d’euros, l’hôpital est déficitaire » avant d’insister sur le fait qu’une « organisation différenciée doit permettre la mise en place d’une gestion optimisée au bénéfice de la population.» Le rapporteur, Mathieu Darnaud, a répliqué en ces mots : « Il semble que le Gouvernement soit enclin à, donner une suite favorable. » Une remarque confirmée par l’intervention de Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer : « J’émets un avis favorable sur ce rapport. Ça va obliger à faire bouger les lignes et ça permettra au Gouvernement et au Parlement de prendre les décisions les plus éclairées dans le cadre des lois de finances et de sécurité sociale. »