Saint-Barth -

Mésentente cordiale sur l’évolution statutaire de Saint-Barth

Quand le président de la Collectivité territoriale et le représentant de l’Etat à Saint-Martin et Saint-Barthélemy exposent publiquement leurs divergences, ils prennent soin de le faire avec cordialité. Néanmoins, même enrobée de convenances et noyée dans des discours fleuves, la petite passe d’arme verbale entre Bruno Magras et Serge Gouteyron n’est pas passée inaperçue. Parce qu’elle s’est tenue, par allocution interposée, lors de la cérémonie du mardi 24 août à l’occasion de la fête patronale, mais aussi parce qu’elle a eu pour thème l’évolution statutaire de Saint-Barthélemy.

« Vers une plus grande autonomie de l’île »
Sans doute encore agacé par la prolongation du couvre-feu à Saint-Barth décidée quatre jours plus tôt par le préfet Gouteyron, Bruno Magras a ouvert les “hostilités” quelques minutes après avoir commencé son discours. « Dans les domaines de la santé et de l’éducation, mon sentiment est que le service rendu à la population a régressé depuis dix ans », déclare-t-il. La santé, l’éducation, deux compétences qui demeurent celles de l’Etat. « D’ailleurs, en matière de santé, les principales avancées de ces dernières années l’ont été du fait de la Collectivité », pique le président, qui enchaîne sans ménagement : «Un projet de santé ambitieux ne pourra réellement se concrétiser que s’il est pensé indépendamment des seules logiques de mutualisation et de coopération sanitaires avec la métropole. Nous pourrions faire beaucoup mieux localement. » Derrière son masque, le préfet ne cille pas.
Son tour de chauffe achevé, Bruno Magras lance un assaut encore plus direct. « Nous devons écrire une nouvelle page vers une plus grande autonomie de l’île, affirme-t-il. La différenciation n’est pas une fantaisie pour complaire aux uns et aux autres. L’autonomie ne signifie pas la rupture, la séparation ou l’indifférence. Bien au contraire. Lorsque l’Etat reconnaît notre autonomie, cela doit être compris comme une marque de confiance et de respect. » Et d’évoquer la nécessité d’établir « un nouveau pacte de confiance entre l’Etat et les collectivités d’outre-mer. »

« D’abord mieux exercer vos compétences »
Comme le veut le protocole dans les cérémonies officielles, le représentant de l’Etat s’exprime en dernier. A l’instar de l’avocat de la défense dans une enceinte judiciaire, en somme. Enfin démasqué, en bras de chemise et cravate au vent, le préfet Gouteyron accède enfin au micro. Non sans avoir été annoncé par Bruno Magras qui lance, sourire sous moustaches : « Monsieur le préfet, l’Etat en puissance ! »
Serge Gouteyron commence par rappeler l’attachement de la France à Saint-Barthélemy qui « fait partie du corps de la société française ». Puis il réplique, avec mesure : « Nous nous sommes aperçus lors de cette crise du Covid que la complémentarité fait sens. Sans l’Etat, sans sa structuration qui en fait l’expression juridique de la Nation, la Collectivité et son président ne peuvent pas, dans des domaines aussi précieux que celui de la santé, agir et protéger. Mais sans la Collectivité et la connaissance du territoire, l’action de l’Etat ne peut pas être aussi efficace. »
Le préfet assure que l’Etat continuera à travailler avec la Collectivité « au renforcement de la qualité des soins » puis lâche : « Pour l’autonomie, bien évidemment il y a à réfléchir, mais il faut d’abord encore mieux exercer les compétences qui sont les vôtres. »
Lors de l’entame de son allocution, Bruno Magras avait adressé ses remerciements au préfet ainsi qu’à ses prédécesseurs « pour le dialogue toujours constructif » bien que «parfois rugueux ». Les deux hommes se sont manifestement efforcés d’illustrer cette phrase d’introduction pendant le reste de la cérémonie.
  

Journal de Saint-Barth N°1435 du 26/08/2021

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