Saint-Barth - Visite ministre OM

Le ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco, entouré du préfet de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Vincent Berton, et du président de la Collectivité territoriale, Xavier Lédée.

Entre médiation et suggestions, une visite ministérielle au pas de charge

Lorsqu’il débarque du bâtiment des douanes sur le quai qui fait face à l’hôtel de la Collectivité territoriale, Jean-François Carenco est attendu de pied ferme. Annoncée depuis de longues semaines, sa venue à Saint-Barthélemy intervient en une période marquée par de fortes discordes entre certains services de l’État et la nouvelle équipe gouvernante. Particulièrement la direction des établissements de santé des Iles du Nord. Le ministre délégué aux outre-mer a donc évidemment prévu de prendre le temps d’établir un bilan de la situation mais, aussi et surtout, de recadrer le débat. A un rythme qui n’a pas manqué de surprendre ses interlocuteurs tout au long de cette journée du dimanche 16 octobre. « J’ai été impressionné par la capacité du ministre à enchaîner », a notamment déclaré le président de la Collectivité, Xavier Lédée.

« On n’est pas à Mayotte »
Dès sa première intervention, Jean-François Carenco expose sa « méthode » de travail et son état d’esprit au moment d’entamer sa visite à Saint-Barth. « Je ne viens pas ici avec le préfet pour vous dire de faire ceci ou cela, assure-t-il. Je n’ai pas d’idée préconçue mais il faut discuter pour que l’on puisse construire derrière. Ensemble, on est plus fort. » Et de suggérer que la situation et les enjeux à Saint-Barth sont véritablement spécifiques à l’île en lançant : « On n’est pas à Mayotte ou à Maripasoula en Guyane ! » Une évidence.


Pour être certain que le ministre délégué dispose d’une énergie toute matinale et de sa plus grande énergie, l’épineux dossier de la santé et de l’offre de soin est le premier à être abordé. Après une visite éclair des quelques services de l’hôpital de Bruyn puis de l’Ehpad (établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes) de Gustavia en compagnie de la directrice des établissements de santé des Iles du Nord, Marie-Antoinette Lampis-Pattus, du directeur régional de l’Agence régionale de santé, Laurent Legendart, et de plusieurs élus territoriaux, le cortège s’est assis autour d’une table dans la salle des délibérations du conseil territorial. Avec pour objectif d’aborder toutes les questions liées à la santé mais aussi de crever les abcès entre la Collectivité et la direction de l’hôpital.


Malheureusement, comme toutes les réunions qui se sont tenues lors de cette journée, celle-ci s’est déroulée à huis-clos. Du moins, la presse en a été exclue. « Pour que les choses puissent être dites », glisse un officiel. Dites mais surtout pas écoutées et relayées, par conséquent. Quoi qu’il en soit, c’est dans une atmosphère électrique, parfois explosive que s’est déroulée cette première « séquence » de la visite ministérielle. Jean-François Carenco n’hésitant pas à hausser le ton et à taper du poing sur la table pour recadrer les débats et ses interlocuteurs. « Arrêtons de nous disputer, a déclaré plus tard dans la journée le ministre. La seule chose qui vaille, c’est d’améliorer notre capacité à soigner les gens. De temps en temps je monte un peu le ton, mais pour qu’on arrête de dire des bêtises. »
De ces échanges sont ressorties plusieurs directives du ministre délégué. Tout d’abord, celle d’établir un dispositif d’évacuation sanitaire fiable et efficace. Une mission qui a été confiée au préfet - qui dispose de « deux à trois mois » pour proposer des solutions selon le ministre - mais sur laquelle le représentant de l’Etat et les élus territoriaux planchent déjà depuis plusieurs mois. Notamment dans le but de permettre des vols de nuit entre Saint-Barth et Saint-Martin. Sur ce point, rien de nouveau, en somme. Ni sur la question d’un improbable partage de compétences en matière de santé.
En effet, le ministre a renvoyé les élus aux travaux parlementaires en cours sur les possibilités d’évolution statutaire et structurelle. Là encore, rien de bien nouveau. La seule avancée notable est, explique Xavier Lédée, la tenue d’une réunion à la fin du mois d’octobre entre la direction de l’hôpital et la présidence de la Collectivité pour évoquer l’affectation et l’utilisation des 4,7 millions d’euros obtenus dans le cadre du Ségur de la santé. Des fonds qui doivent servir à rénover le centre hospitalier de Saint-Barth.
Parallèlement, Jean-François Carenco aurait invité les services de santé de l’Etat à mettre tout en œuvre pour « rétablir un système de soin opérationnel dans les meilleurs délais ». Toutefois, le ministre délégué n’a pas fait état de cette directive lors de ses rares interventions réservées à la presse. Quant au personnel soignant de l’hôpital de Bruyn, il ne s’est pas manifesté auprès de la délégation ministérielle lors du passage de Jean-François Carenco à l’hôpital. Si tel a été le cas, l’exposé de la dégradation de leur conditions de travail s’est fait de la manière la plus discrète.

Energie : du diesel au « bio liquide »


En matière d’énergie, Jean-François Carenco ne manque pas d’idées. Il les a détaillées lors d’une visite de la centrale EDF de Public et d’une discussion avec les acteurs du secteur de l’énergie. Toujours de manière confidentielle puisque hors de la présence de tout observateur. « Tout le monde est confiant de la solidité du système, assure Jean-François Carenco. Le fait que Saint-Barth soit une île verte, c’est un argument touristique. Il s’agit d’augmenter notre capacité de production. Pour cela il faut à la fois garder l’usine classique en la renforçant peut-être avec une production au bio liquide, et parallèlement développer massivement l’énergie verte. Notamment l’idée d’électrifier tous les véhicules. » Le ministre aurait également suggéré à la Collectivité de louer à des particuliers le toit de leur habitation pour y installer des panneaux solaires pour ensuite revendre l’électricité produite à EDF.

Les honneurs de l’engagement ultramarin pour Christine Moizan et Bruno Magras


En soirée, après une dernière table ronde en compagnie des professionnels du tourisme, Jean-François Carenco a tenu à remettre deux distinctions honorifiques sous la forme de la médaille de l’engagement ultramarin, créée par son prédécesseur, Sébastien Lecornu. Les deux récipiendaires sont Christine Moizan, présidente de la Croix-Rouge à Saint-Barth, notamment pour saluer son action tout au long de la crise sanitaire du Covid, et l’ancien président de la Collectivité territoriale, Bruno Magras. « Au cours de ces 27 années, vous avez développé votre île et, grâce à vous, l’excellence française continue de rayonner, a déclaré Jean-François Carenco. C’est pendant l’orage que l’on connait le pilote et vous avez été ce pilote en faisant face à des catastrophes naturelles avec courage et détermination. »

 

« Soyez dans une action de fermeté respectueuse »

Lors de sa visite à la gendarmerie de Gustavia, le ministre délégué aux outre-mer a adressé quelques mots aux militaires. Il les a notamment invités à adopter « une posture » dans « une action de fermeté respectueuse ». Et le ministre de leur rappeler : « Une partie de l’avenir repose sur ce que vous allez faire. Vous êtes une large part de la République. Sans vous, la potentialité de ce territoire tombe à zéro. »

 

 

Dans les pas du ministre

"Faute" protocolaire ?
Si l’accueil réservé au ministre délégué par les élus de Saint-Barthélemy a été de très bonne facture, il est un détail protocolaire qui n’a toutefois pas échappé à certains observateurs. Une « faute » sans grande conséquence mais qui aurait pu valoir une remarque de Jean-François Carenco à l’adresse de... Xavier Lédée. En effet, lorsqu’il s’avance sur le quai pour accueillir le ministre délégué, le président de la Collectivité ne porte pas son écharpe d’élu de la République. A ses côtés, pourtant, la présence tricolore de la sénatrice Micheline Jacques aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Toutefois, la présidence de la Collectivité a tenu à préciser que les textes officiels n'obligent nullement Xavier Lédée à arborer son écharpe tricolore hors des cérémonies publiques. La réception d'un ministre n'en étant pas une, le président n'a donc pas commis d'impair protocolaire. Dont acte.

La galanterie selon Carenco


S’il n’est pas homme à s’embarrasser de formalités - il ne relève pas, du moins verbalement, l’absence d’écharpe du président Lédée - Jean-François Carenco n’en oublie pas pour autant les bonnes manières. Aussi, lorsqu’il salue la sénatrice Micheline Jacques, c’est par un baisemain sans doute un peu désuet mais fort élégant.

Johnny forever
Âgé de 70 ans, Jean-François Carenco appartient à la génération qui a grandi avec les musiques de l’idole des jeunes dans les oreilles. Alors, même à l’occasion de la plus officielle de ses visites à Saint-Barth, le ministre délégué n’a pu s’empêcher d’aller se recueillir quelques minutes sur la tombe de Johnny Hallyday, à Lorient. En toute discrétion.

« C’était bien. »
Quand il s’extirpe enfin de la tumultueuse réunion organisée à la Collectivité sur le thème de la santé, le ministre délégué est invité par les journalistes, qui n’ont pas été autorisés à assister aux débats, à s’exprimer. Manifestement pressé d’aller se rafraîchir puis déjeuner, Jean-François Carenco lâche un lapidaire « c’était bien ! » et poursuit son chemin. Avare.

Un livre sur le départ
Tandis que Bruno Magras attend sa remise de médaille, un journaliste lui fait remarquer que le ministre délégué ne s’est pas vu remettre un exemplaire de son livre de mémoires. «Je n’avais pas envie de m’encombrer avec », sourit l’ancien président de la Collectivité, avant de préciser : « Il retourne à Saint-Martin avec nous (entendez St Barth Commuter, ndlr) demain matin, donc je lui donnerai à ce moment-là. » L’occasion pour Bruno Magras de préciser qu’une nouvelle fournée de son ouvrage est arrivée à la librairie de Gustavia.

Un député oublié
Député des Iles du Nord, Frantz Gumbs ne s’est joint à la visite ministérielle à Saint-Barth qu’en milieu de matinée. La faute à l’absence de Voyager au départ de Saint-Martin plus tôt le matin. Quand on lui fait remarquer qu’il aurait pu être embarqué sur le bâtiment des douanes avec le ministre, il se fend d’un sourire complice et balaie le sujet d’un geste de la main. A peine élu, déjà oublié. Dure la vie en politique.

 

 

Journal de Saint-Barth N°1490 du 20/10/2022

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Une visite ministérielle rythmée