Comme en 2017, Xavier Lédée a pris la décision de se présenter aux élections territoriales à la tête de sa propre liste. Après cinq années passées sur les bancs de l’opposition (trop « discrètement », critiquent certains), fort de son expérience, l’ambitieux élu affiche clairement son objectif : s’asseoir en 2022 dans le fauteuil de président de la Collectivité occupé depuis 2007 par Bruno Magras (précédemment maire depuis 1995). Entretien.
Qu’est-ce qui vous pousse à vous représenter ?
La première raison est que j’aime ce que je fais. C’est indispensable pour partir sur ce genre de chemin. Il y a de grosses responsabilités derrière donc si on n’est pas convaincu d’avoir envie d’y aller et que l’on peut apporter quelque chose, ce n’est pas la peine. C’est d’ailleurs pour ça que je n’ai pas gardé ce secret de polichinelle de savoir si oui ou non j’allais me présenter. J’ai exprimé depuis longtemps que l’envie était là, donc il n’aurait pas été honnête de ne pas le dire rapidement. La deuxième raison est que je pense pouvoir apporter quelque chose. Si notre situation n’est pas catastrophique, il y a des améliorations que l’on peut apporter, des orientations différentes que l’on peut prendre.
Compte tenu des attentes, existe-t-il une angoisse à - éventuellement - prendre la succession de Bruno Magras ?
Il n’y a pas d’angoisse. Ce n’est pas la première fois que je me présente et quand on est tête de liste, l’objectif est de remporter les élections et pas juste d’avoir deux ou trois places au conseil territorial. Ce sont donc des questions que je me suis déjà posées il y a cinq ans, que je me pose encore aujourd’hui et il n’y a pas d’appréhension. Je sais que la marge de manœuvre pour agir se réduit d’année en année. Ce qui est construit ne pourra pas être déconstruit. Il y aura forcément un héritage et ça ne sera pas simple. Le président prend souvent le positif de ce qu’il fait, et il y en a, mais j’ai le sentiment qu’il y a aussi du négatif et il faudra assumer tout cela pour travailler. Il y aura des attentes, c’est certain, puisque c’est la même personne qui dirige l’île depuis 1995. Mais je ne suis pas inquiet.
Marie-Angèle Aubin a annoncé qu’elle entendait vous rejoindre. Où en est la constitution de votre liste ?
Ça avance bien. J’y travaille, notamment pour ne pas être dans la même situation qu’il y a cinq ans où, pour le coup, je m’étais décidé relativement tard. Cette fois, j’ai commencé à travailler en amont. Après en avoir discuté, nous avons décidé, avec Marie-Angèle (Aubin) de travailler ensemble. La liste n’est pas close. Je veux me laisser le temps aussi de ne pas dire « oui » trop vite. Car au final, sur une liste, entre les différentes opinions et origines que l’on retrouve sur l’île, la parité ou les différents secteurs sur lesquels il faut réfléchir et travailler, on se rend compte qu’il y a très peu de places. Si on va trop vite, on peut vite se retrouver avec trois ou quatre personnes qui ont le même profil et passer à côté d’autres.
Sentez-vous une évolution entre 2017 et cette année par rapport à l’intérêt que l’on vous porte ?
Oui, je sens une évolution, on me contacte plus que la dernière fois. Mais comme je le disais, j’ai travaillé en amont en rencontrant les personnes et en faisant abstraction de tous les milieux. Ça fait dix ans maintenant que je suis élu et j’ai la prétention de croire que j’ai acquis un certain crédit. Et puis j’essaye de communiquer au maximum. Quitte à ce que ce soit critiqué par certains. Quand je suis arrivé en politique, des règles existaient mais je ne me suis pas présenté devant une feuille blanche. Il m’a fallu composer avec des choix qui avaient déjà été faits, donc parfois choisir le mieux plutôt que le bien. Dès le début de mandature, des personnes m’ont dit qu’elles étaient rassurées de voir qu’il y avait une alternative à la présidence de Bruno Magras. Même si ça ne veut pas dire qu’elles vont le laisser tomber pour moi.
Vous avez déclaré ne pas être dans l’opposition, malgré le fait que vous ne soyez pas dans la majorité.
En effet, je ne me suis jamais considéré comme un opposant. Pas parce que j’adhère à la politique de la majorité, mais tout simplement parce que je ne me définis pas par rapport aux autres. Je suis un élu à part entière avec des idées qui peuvent être partagées par d’autres. Je ne suis pas dans le culte de la personne, je débats sur des idées. C’est ce qui a fait une différence dans ma position « d’opposant », parce qu’à Saint-Barth on a l’habitude que ce soit toujours frontal. Donc j’ai essayé d’écouter les idées et de défendre ce qui me semblait juste. Même au niveau de la majorité, je pense que ce travail a été reconnu. Par exemple, je ne faisais pas partie de la commission environnement et lorsque le Code de l’environnement est venu sur la table, la présidente de la commission, Micheline Jacques, m’a contacté pour me demander si j’étais disponible pour venir travailler avec elle. Parce qu’elle savait, je pense, que l’on pouvait travailler ensemble et que je ne suis pas quelqu’un qui va claquer les portes à chaque discussion.
Vous avez (déjà) été attaqué sur votre bilan. Quelle est votre réponse à ceux qui estiment que vous avez été trop discret lors des cinq dernières années ?
En début de mandature, j’ai passé pas mal de temps à aider des élus qui débutaient leur premier mandat et qui ne maîtrisaient pas les sujets parce qu’ils n’étaient pas là avant. Et comme je ne suis pas dans un système d’opposition, j’ai pris le temps de répondre aux questions. Pour que chacun puisse participer. Il y a aussi des propositions qui ont été faites qui n’ont pas toujours été suivies par la majorité, malheureusement. Particulièrement au début, comme je venais de la majorité. Certains élus avaient des interrogations sur la manière dont j’allais me positionner. Si j’allais être vindicatif, par exemple. Une grosse partie du travail reste celui fait en commission avec des propositions sur les tarifs des taxis, le fonctionnement des subventions ou le travail sur les différents codes, pour donner quelques exemples.
Quels seront vos principaux chantiers ?
On va reprendre les thématiques qui restent d’actualité. La qualité de vie, en premier lieu, qui englobe beaucoup de choses : la circulation, la pollution, la protection des plages, la gestion de notre tourisme... L’objectif premier des élus est de s’assurer que la population vit dans les meilleures conditions possibles. L’urbanisme est un sujet qui restera d’actualité même si, il ne faut pas se leurrer, on ne pourra pas tout changer d’un coup de baguette magique. Les changements seront à mener avec délicatesse car le côté économique derrière l’urbanisme reste une problématique indispensable. Par exemple, dire qu’il y a trop de monde sur l’île n’est pas une bonne manière de voir les choses, de mon point de vue. Il n’y a pas trop de professeurs ni trop de personnels soignants. En revanche, il y a une économie et un rythme qui ne sont plus adaptés à l’île. Il y aura des choix à faire.
Des petits actes de délinquance à une poignée d’actes criminels, l’île semble vivre une évolution négative en matière de sécurité. Quelles seront vos solutions ?
Le premier cambriolage qui a eu lieu a été surprenant et choquant. Mais il faut garder une certaine mesure. On n’est pas devenu une île de délinquants et, Dieu merci, on peut encore laisser les maisons plus ou moins ouvertes. Maintenant, il est évident qu’il y a une forme de tension générale qui se crée sur l’île en raison de la densité de population importante et d’une promiscuité qui grandit avec des loyers qui sont moins accessibles, par exemple. J’étais assez favorable à l’installation de caméras de surveillance à Gustavia. Si ce n’est pas très grave d’être filmé dans un lieu public, particulièrement quand on n’a rien à se reprocher, il faut aussi expliquer le fonctionnement de la vidéo surveillance afin de rassurer les gens. Peut-être faut-il également penser à augmenter les effectifs de la police territoriale, sur laquelle nous avons « la main » ? Il y a une réflexion à mener sur ce point.
Entendez-vous poursuivre le travail de la Collectivité vers une plus grande autonomie de l’île ? Notamment sur la compétence « santé » ?
La compétence santé serait certainement trop importante à récupérer. Par contre, une compétence administrative me semble indispensable. C’est un sujet qui sera compliqué parce que mon sentiment est qu’il y a une volonté de réduire l’hôpital à sa plus stricte expression. Partout en métropole, l’idée est de multiplier les regroupements et de couper les financements. Je pense qu’il n’y aura pas d’autre choix que de prendre notre bâton de pèlerin et aller réexpliquer notre situation au niveau de l’Etat. Réexpliquer que faire une évacuation de Saint-Barth à Saint-Martin, ce n’est pas comme faire un Paris-Versailles. Nous avons également une dette globale de compensation que l’on paye tous les ans et il y a des réflexions à mener sur la réalisation de logements. Pour les mettre à disposition des personnels de santé ou des enseignants. On pourrait alors aller voir le gouvernement en lui disant que l’on met 10 à 15 millions sur la table pour ces logements mais qu’en échange on revoit le calcul de cette dette globale.