Quelle est votre vision pour le futur hôpital de Bruyn et quelles sont vos propositions pour attirer davantage de praticiens de santé (notamment des spécialistes) sur l’île ?
Romaric Magras :
« L'hôpital pâtit aujourd'hui d’un manque de souplesse dans sa gestion, qui ne permet pas de s’adapter strictement aux besoins de l’île. La santé étant une compétence de l’État, il s’agit d’impliquer davantage la collectivité dans les orientations de l’hôpital. Nous constatons des périodes de discontinuité de soins, avec parfois la fermeture des lits de médecine. Le changement du statut de l’hôpital permettra donc de lui apporter davantage d’autonomie et une gestion plus performante. Nous engagerons pour cela la discussion avec l’État afin de faire de l’hôpital un établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC) sur le modèle, par exemple, l’hôpital franco britannique ou l’hôpital Foch à Paris. Il restera donc un établissement à but non lucratif, ouvert à tous, mais avec une gestion privée et plus étroite avec la collectivité. L’hôpital pourra ainsi devenir un pôle, auquel nous adosserons une « Maison de santé ». Elle accueillera des spécialistes, physiquement ou par le biais de la télémédecine. Notre objectif est de faciliter l’accès aux soins, en réduisant les déplacements de la population et les délais d’attente. Pour mener à bien ce projet ambitieux et nécessaire pour l’autonomie de notre île en matière de santé, il m’est précieux de pouvoir compter sur la présence du docteur Gilles Alayrangues à mes côtés. »
Xavier Lédée :
« Depuis des années maintenant, la situation de l’hôpital de Bruyn est plus que compliquée. Notre dépendance à l’ARS en termes de fonctionnement et à St Martin en termes de direction est préjudiciable à la qualité du service offert à la population. Nous ne devons donc fermer aucune porte d’avancée significative et c’est pourquoi nous souhaitons travailler aussi bien sur la possibilité de récupérer la compétence administrative que sur la possibilité de voir l’hôpital évoluer vers un statut d’Etablissement de Santé Privé d’Intérêt Collectif. Ce sont des formules qui nous permettraient chacune d’avoir une plus grande autonomie et une plus grande attractivité pour le personnel médical. En parallèle, l’ARS vient d’annoncer que des travaux de réaménagement et d’extension de l’hôpital seront réalisés dans le cadre du Ségur de la Santé mais aucun montant n’a été précisé. Il est évident que nous devrons suivre ce projet de prêt et l’appuyer. Pour accompagner notre système de santé, nous souhaitons construire du logement qui sera destiné au personnel indispensable au bon fonctionnement de notre hôpital mais aussi développer l’offre de médecins spécialistes qui ne seraient pas présents à temps plein sur l’île avec une mise à disposition efficace de locaux, un développement accéléré de la télémédecine et une visibilité plus forte pour la population des possibilités qui s’offrent à elle. Enfin, nous souhaitons que le Conseil d'Administration de l'hôpital soit une vraie structure de réflexion sur laquelle s'appuiera la Collectivité pour l'organisation globale du secteur de la santé. »
Marie-Hélène Bernier :
« Il est important de comprendre que la compétence de la Santé relève des services de l’État. Cela dit la Collectivité a tout de même voix au chapitre. Et ce futur idéal (mais réaliste) que serait-il ? Un hôpital doté d’un système d’évacuation sanitaire performant à toute heure du jour et de la nuit, c’est possible. Un recours accru à la télé-expertise et la télémedecine. La pratique de petites interventions ambulatoires qui ne nécessitent pas de bloc, mais évite aux patients de devoir se déplacer à l’extérieur. Une réorganisation de l’offre de soins avec une requalification plus polyvalente des lits, l’élargissement des spécialités au sein des consultations avancées et une consultation quotidienne de médecine généraliste pour libérer les médecins urgentistes. Une équipe du SMUR dans le cadre de la réorganisation de la caserne des pompiers y contribuerait également. Et bien sûr un service continu des urgences, ce qui n’est plus le cas depuis plusieurs mois. Nous avons reçu en début de semaine le message d’un médecin de ville réquisitionné pendant 13 jours par le préfet pour se substituer à un médecin urgentiste. C’est très inquiétant quand on en est réduit à réquisitionner pour faire fonctionner normalement un service… Les praticiens de santé sont devenus des « denrées » rares partout dans le monde. Pour les faire venir ici, il faut au minimum répondre à leurs attentes. Nous n’avons pas la place de développer ici, mais les solutions touchent au logement (encore une fois), à la fiscalité (faut il vraiment attendre 5 ans avant de devenir résident fiscal?), à la rémunération. Créer un centre de santé qui offre aux patients l’accès en téléconsultation à une large palette de spécialistes, est une piste à creuser. »