Saint-Barth - Xavier Lédée

Conseil territorial - Motion de défiance : stop ou encore pour Xavier Lédée ?

Quelle que puisse en être l’issue, la réunion du conseil territorial programmée le lundi 17 mars restera dans l’histoire de la jeune Collectivité de Saint-Barthélemy. A 8h30, les dix-neuf élus qui composent l’assemblée sont convoqués dans la salle des délibérations de l’hôtel de la Collectivité pour décider qui, de Xavier Lédée ou de Marie-Hélène Bernier, occupera la présidence lors des deux prochaines années du mandat en cours. Une motion de défiance signée par les huit conseillers du groupe Action-Équilibre et déposée le 3 mars par la deuxième vice-présidente Bettina ­Cointre auprès de la direction des services contraint les dix-neuf élus du conseil territorial à faire un choix : celui de maintenir Xavier Lédée sur le fauteuil de président ou d’y installer sa première vice-présidente, cheffe de file du groupe Action-Équilibre, Marie-Hélène Bernier.

Tout sauf un épilogue
Le dépôt d’une motion de défiance par le groupe Action-Équilibre a surpris par sa soudaineté. Néanmoins, la démarche n’est qu’une nouvelle étape dans la déliquescence progressive d’une gouvernance de succession marquée par d’innombrables incidents. Après 27 années sous la présidence de Bruno Magras, Saint-Barthélemy devait entrer dans une ère de renouveau grâce à Xavier Lédée et sa majorité. Celle-ci étant née d’une fusion avec la liste portée par Marie-Hélène Bernier dans l’entre-deux tours des élections territoriales, en mars 2022. Mais les trois années qui ont suivi leur accession au pouvoir n’ont fait que confirmer la prédiction de Bruno Magras dès l’annonce de l’union des deux listes : que ce « mariage de la carpe et du lapin » tournerait court. De fait, à peine plus d’un an après l’élection de mars 2022, l’apparente entente cordiale entre Xavier Lédée et Marie-Hélène Bernier s’est fissurée, jusqu’à rompre et conduire au dépôt d’une motion de défiance. Mais le vote du lundi 17 mars 2025, qu’il soit favorable au président ou à sa première vice-présidente, s’apparente à tout sauf à un épilogue.

Au bout d’une logique
Depuis la rupture entre Xavier Lédée et les élus du groupe Action-Équilibre, début 2024, la possibilité du recours à une motion de défiance est évoquée. Une perspective devenue on ne peut plus concrète à la fin du mois d’avril quand des négociations ont été entamées entre les élus du groupe Saint-Barth d’Abord et ceux d’Action-Équilibre. Tous semblaient convenir du fait qu’il leur fallait éjecter Xavier Lédée de la présidence. Un projet de motion de défiance avait même été rédigé par Saint-Barth d’Abord en juin 2024. Mais les deux groupes ne sont jamais parvenus à trouver un accord sur le nom de celle ou de celui qui prendrait la place du président. Saint-Barth d’Abord estimait que ce devait être Romaric Magras quand Action-Équilibre proposait Bettina Cointre ou Marie-Hélène Bernier. Au final, aucun terrain d’entente n’avait été trouvé et aucune motion déposée. Par conséquent, après le conseil territorial du jeudi 27 février au cours duquel Saint-Barth d’Abord, par la voix d’Alexandra Questel, a formulé de vives critiques à l’encontre de la gouvernance de Xavier Lédée lors du débat d’orientations budgétaires, les huit membres d’Action-Équilibre ont estimé qu’il était temps de placer leurs collègues face à « leurs responsabilités ». Déposer une motion de défiance revient donc à aller au bout de leur logique.


L’improbable ralliement de Saint-Barth d’Abord
Désormais, toutes les cartes sont entre les mains de la formation officiellement dirigée par Romaric Magras. Même si celui-ci a pris ses distances avec la vie de l’assemblée depuis le début de l’année. En effet, le conseiller territorial a démissionné de ses fonctions au sein du conseil exécutif, sans pour autant quitter son siège de conseiller territorial. Aussi, c’est Alexandra Questel qui porte la voix du groupe.
Interrogée sur la position de Saint-Barth d’Abord avant le conseil territorial du lundi 17 mars, l’élue fait montre d’une prudence qui tranche avec son discours velléitaire du 27 février en conseil territorial. «Notre position est neutre, tempère-t-elle. Notre objectif est de trouver une solution pour sortir de la crise et de ce blocage. On a initié des discussions avec Action-Équilibre, avec le président aussi. Il faut extraire l’aspect personnel de l’histoire, savoir ce que l’on peut faire et avec qui. » De fait, la question n’est pas uniquement de déterminer qui, de Xavier Lédée ou de Marie-Hélène Bernier, doit être maintenu ou porté sur le fauteuil de président.
Pour Saint-Barth d’Abord, le choix s’avère cornélien. Après trois années passées à critiquer ouvertement les choix, « l’inaction » et «l’inertie » présumées du président Lédée, le groupe peut saisir l’occasion pour évincer celui auquel il reproche de mener « une politique hésitante et frileuse». Néanmoins, plusieurs obstacles se dressent sur le chemin décisionnel du groupe. Des obstacles qui rendent un ralliement aux élus d’Action-Équilibre pour entériner la motion de défiance pour le moins improbable.

L’ombre tutélaire de Bruno Magras
Tout d’abord, le fait d’installer Marie-Hélène Bernier dans le fauteuil de président. Au-delà des désaccords qui opposent Saint-Barth d’Abord à Action-Équilibre sur différents sujets, Marie-Hélène Bernier incarne l’opposition à l’ancien président, Bruno Magras, lors des précédentes mandatures. Par conséquent, pour les élus de la formation historique de l’ancien édile, soutenir l’élection de Marie-Hélène Bernier peut s’apparenter à une trahison du père et de son héritage. Or, l’influence de ce dernier demeure prédominante. Pour preuve, depuis le début de la mandature en mars 2022, nombreux sont les élus (des trois groupes) qui ont défilé dans le bureau de Bruno Magras ou qui l’ont contacté pour prendre conseil. Le président Lédée en premier lieu. De plus, un autre paramètre est à prendre en compte pour Saint-Barth d’Abord.

Élections sénatoriales en vue
En juin 2026 auront lieu les élections sénatoriales. Contrairement aux autres scrutins (territorial, législatif, présidentiel), l’élection des sénateurs s’effectue au suffrage universel indirect à deux tours. C’est-à-dire que ce sont les 21 grands électeurs de Saint-Barthélemy qui élisent leur représentant au Sénat. Les dix-neuf élus du conseil territorial, le député et le sénateur. Or, la sénatrice Micheline Jacques, élue depuis 2020, ne cache pas sa volonté de poursuivre sa tâche au sein du Palais du Luxembourg, au sein duquel elle a acquis une certaine stature (présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer). Pour ce faire, elle doit être assurée de récolter 11 voix. En cas d’entente entre le groupe présidentiel (cinq élus) et Saint-Barth d’Abord (six élus), la sénatrice ne bénéficierait que d’une très légère marge de manœuvre et de peu de certitude. Autre hypothèse : en s’accordant avec le groupe Action-Équilibre, qui compte huit conseillers, l’addition monterait à quatorze voix. Nettement plus confortable.

Vote ouvert ou à bulletin secret ?
Pour le vote de lundi matin, là encore, deux options s’offrent aux conseillers territoriaux. La première, évidente, est le vote ouvert et public. Celui-ci permettra de connaître en temps réel la décision prise par chacun des élus. Il s’agit sans doute du procédé le plus favorable au président Lédée. En effet, il est moins probable de voir les éventuels indécis exprimer ouvertement leur choix si le vote est public et nominatif. Autre solution : le vote à bulletin secret. Dans cette configuration, les hésitants ou celles et ceux qui ne souhaitent pas nécessairement suivre la voie tracée par leur groupe pourront voter librement.

Pas de neutralité possible pour Saint-Barth d’Abord
Dans les deux cas, la motion devrait recueillir huit voix au minimum. Celles des élus d’Action-Équilibre (Marie-Hélène Bernier, Bettina Cointre, Maxime Desouches, Dimitri Lédée, Jonas Brin, Pascale Minarro Baudoin, David Blanchard et Cécile Rubino Tessier), rédacteurs et dépositaires de la motion. Pour qu’elle soit adoptée, il faut que dix élus votent “pour”. Par conséquent, puisqu’il est difficilement imaginable que l’un des cinq conseillers du groupe présidentiel (Xavier Lédée, Marie-Angèle Aubin – qui vient de démissionner de la présidence de la commission environnement – Fabrice Querrard, Olivier Gréaux et Melissa Lake) se prononce contre l’éviction du président, l’issue du scrutin va reposer sur les épaules du groupe Saint-Barth d’Abord.
Romaric Magras, Alexandra Questel, la sénatrice Micheline Jacques, Rudi Laplace, Sandra Baptiste et Francius Matignon devront faire fi de la neutralité évoquée plus avant par Alexandra Questel et choisir un camp. Soit en permettant à Xavier Lédée de terminer la mandature sur le fauteuil de président, soit en faisant basculer la gouvernance dans une autre direction. Une lourde responsabilité, qui, dans un cas comme dans l’autre, ne laisse pas présager d’une fin de mandat sereine.

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Marie-Angèle Aubin quitte la présidence de la commission Environnement
Par le biais d’un courrier adressé au président Xavier Lédée en date du 7 mars, Marie-Angèle Aubin, troisième vice-présidente, présente sa démission de la présidence de la commission Environnement. L’élue indique toutefois qu’elle « souhaite cependant rester membre ».

Une représentativité à revoir au conseil exécutif ?
Voilà quelques jours, le conseiller territorial et président du groupe Saint-Barth d’Abord Romaric Magras a quitté ses fonctions au sein du conseil exécutif de la Collectivité. Désormais, le CE est composé de six élus : Xavier Lédée et Marie-Angèle Aubin pour le groupe présidentiel (qui compte cinq élus), Marie-Hélène Bernier, Bettina Cointre et Maxime Desouches pour Action-Équilibre (huit élus) et Alexandra Questel, seule représentante de Saint-Barth d’Abord (six élus). Par conséquent, la question du respect de la représentativité des groupes au sein du conseil territorial semble se poser. Un sujet qui sera sans doute abordé lors des prochaines ­réunions entre les élus.

Un budget sous haute tension
Le 27 mars, dix jours après le vote de la motion de défiance, les élus du conseil territorial vont se retrouver pour examiner et voter le budget primitif 2025. Quelle que puisse être l’issue de la séance consacrée à la motion de défiance déposée par Action-Équilibre, il paraît évident que le vote du budget se déroulera dans une atmosphère des plus pesantes. En 2024, le groupe Saint-Barth d’Abord avait voté contre le budget porté par le groupe majoritaire. Il avait été suivi par Marie-Hélène Bernier, première vice-présidente, qui avait ainsi affirmé avec force sa rupture avec le président Lédée. Avec une assemblée constituée de trois groupes distincts, tout peut donc arriver lors du conseil territorial du 27 mars.

 

 

Journal de Saint-Barth N°1607 du 13/03/2025

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