Debout face à la table sur laquelle sont posés les bulletins de vote et les enveloppes, un écolier de CM2 semble un peu perdu. Il se retourne vers son institutrice. « Maitresse, je n’ai pas compris comment il faut faire », dit-il, désolé. A dix ans, les étapes de l’exercice démocratique ne sont pas forcément évidentes à retenir. Pourtant, depuis lundi, les élèves de six classes de CM2, six de 6e, trois de 5e et trois autres de 4e participent au scrutin électoral qui va permettre de constituer la première assemblée d’élus territoriaux du Conseil des jeunes. Quelques jours seulement après que leurs aînés ont entériné sa création lors du conseil territorial du jeudi 6 octobre.
Pour les écoliers et les collégiens, l’affaire est on ne peut plus sérieuse. De fait, l’élection se prépare depuis des semaines. Les candidats ont travaillé sur leur programme qu’ils ont présenté à leurs camarades sur des affiches. Des petits aux plus grands, l’engagement se veut enthousiaste et sincère. Comme dans les « bureaux de vote » improvisés dans chaque établissement scolaire de l’île. « Ce qui est bien avec cet exercice, remarque une enseignante, c’est que des élèves qui ont besoin d’être mis en confiance prennent des responsabilités. » Il suffit d’observer la concentration et l’attention de Axel Martel dans son rôle de président de bureau ou la vigilance dont font preuve ses deux assesseures, Daniela et Noa, lors du scrutin des CM2A du groupe scolaire de Gustavia. Et quand les CM2B investissent la bibliothèque pour voter, le sérieux est également de mise. La présence du président de la Collectivité, Xavier Lédée, qui se fait pédagogue et conseiller, n’est sans doute pas étrangère à ce regain d’attention.
Presque une campagne de professionnels
Au collège, la désinvolture adolescente aurait pu être un facteur de désintérêt pour l’élection. Il n’en a rien été. Comme dans les écoles, les candidates et candidats se sont pris au jeu démocratique. « Ils ont vraiment envie et sont impliqués, constate une professeure de français, Géraldine Cloots, qui accompagne une classe de 4e. Ils ont fait leur campagne et leurs idées comme leur manière de les formuler étaient presque professionnelles. » Que ce soit en 6e ou en 4e, c’est avec la même volonté de représenter leurs camarades que les candidats sont partis à la pêche aux voix.
Toutes les deux âgées de treize ans, Emma et Anna sortent du bureau de vote du collège après avoir accompli, pour la première fois de leur vie, leur devoir de citoyennes. « On se croirait plus grandes, constate avec étonnement Emma. Il faut bien réfléchir avant de voter. J’ai bien écouté leurs propositions pour savoir s’ils étaient à l’écoute des autres élèves. » Anna, acquiesce : « Moi aussi j’ai bien regardé pour être sûre qu’ils étaient sérieux, et j’ai écouté leur discours. » Anna avoue qu’elle a failli se porter candidate. « Mais j’étais trop stressée », regrette-t-elle. Emma aussi a été tentée. « J’ai longtemps hésité et puis, finalement, il était trop tard. »
Un sujet de discussion est souvent revenu dans les échanges entre les élèves et leur professeur : le vote blanc. « Pourquoi il y a des gens qui n’ont voté pour personne ? », interroge un écolier, dubitatif sur le fait que certains de ses camarades n’aient pas été capables de faire un choix. « En démocratie, chacun est libre de voter comme il le veut », explique l’institutrice. La petite moue sur le visage de l’écolier laisse à penser qu’il faudra développer le concept pour qu’il admette qu’ouvrir une enveloppe vide est acceptable.
Les élections se terminent aujourd’hui, jeudi 20 octobre, avec le vote des classes de 6e. A l’issue de tous les dépouillements, les dix-huit jeunes conseillers territoriaux et leurs suppléants seront connus. Leur première réunion officielle devrait se tenir dans le courant du mois de novembre. Avec, comme président de séance, Xavier Lédée. Sa présence ne devrait pas être inutile car, à la vue des thèmes abordés lors de la campagne, les enfants ont déjà clairement une vision qui dépasse les grilles de leur établissement scolaire. Ce ne sont pas les horaires de la cantine ou les heures de récréation qui les intéressent, mais des aspects pratiques de leur enseignement et, surtout, l’avenir de leur île.
|
Douze des dix-huit conseillers sont élus |
