Le retrait des délégations police et sécurité à la première vice-présidente Marie-Hélène Bernier par le président Xavier Lédée a soulevé des questions quant à la bonne conduite des affaires au sein de la Collectivité.
L’annonce de la décision du président de la Collectivité territoriale de retirer les délégations de police et de sécurité à Marie-Hélène Bernier, la première vice-présidente, n’a pas été sans déclencher quelques remous au sein de l’institution, mais également chez les administrés de l’île. Ainsi, des questions quant à la possibilité de voir l’Etat s’ingérer davantage dans le fonctionnement de la Collectivité, en “reprenant la main”, ont été posées. Comme l’invraisemblable suggestion que les récentes interventions de la gendarmerie dans plusieurs établissements de Saint-Barth soient à l’origine du retrait des délégations à la première vice-présidente, qui ne dispose d’aucun pouvoir sur la gendarmerie. Bref, de scénario improbable en hypothèse rocambolesque, il semble nécessaire de clarifier la situation.
Enquête administrative
Pour mémoire, c’est par un arrêté daté du 29 décembre que Xavier Lédée a retiré les délégations police et sécurité à Marie-Hélène Bernier. Dans ce document, le président justifie sa décision par « la rupture constatée du lien de confiance à l’origine des délégations de fonctions en ce qui concerne les domaines de la police et de la sécurité ». Il a ensuite invoqué « un conflit » entre la première vice-présidente et « un agent », qui n’est autre que le collaborateur de cabinet de Marie-Hélène Bernier. « De manière préventive et conservatoire, j’ai retiré les délégations police et sécurité parce que si j’écoute ce que dit Hélène et l’autre personne concernée, il y a de grandes chances pour que ça parte en justice », a expliqué Xavier Lédée au JSB la semaine dernière (JSB1549). De fait, la conduite d’une enquête administrative a été réclamée. Elle devrait débuter la semaine prochaine avec la venue à Saint-Barth de deux auxiliaires de justice diligentés par le Centre de gestion de la Guadeloupe.
Depuis l’annonce de la sanction « préventive » infligée à la première vice-présidente, l’atmosphère s’est quelque peu dégradée entre les élus de la majorité territoriale. Les six anciens colistiers de Marie-Hélène Bernier (Bettina Cointre, 2e vice-présidente, Maxime Desouches, 4e vice-président, Pascale Minarro-Baudoin, Dimitri Lédée, David Blanchard et Jonas Brin) ont fait front derrière leur ancienne tête de liste, tandis que les cinq élus issus de la liste initiale portée par Xavier Lédée se sont rangés dans le camp de leur président. Des prises de position qui ont notamment conduit à l’annulation d’un conseil exécutif (CE), le mercredi 10 janvier.
Problème de quorum
En effet, lors de cette réunion, seuls Xavier Lédée, Marie-Angèle Aubin et Bettina Cointre ont répondu présents. Maxime Desouches et Marie-Hélène Bernier ne sont pas venus. Quant aux deux représentants de l’opposition membres du CE, Alexandra Questel et Romaric Magras, ils étaient absents. Deux élus sur sept, le quorum était loin d’être atteint. Et c’est précisément une des questions qui a émergé après l’annonce des conflits qui agitent la majorité territoriale : l’assemblée sera-t-elle en mesure de voter sereinement dans les prochaines semaines ? Rien n’est moins sûr.
Il paraît hautement improbable que des élus décident de « sécher » les réunions (le CE d’hier, mercredi 17 janvier, a pu se tenir normalement). Par conséquent, le président ne devrait pas rencontrer de difficulté pour atteindre le quorum lors des réunions du conseil. Le quorum, il est utile de le rappeler, est atteint lorsque la majorité des élus sont présents physiquement. Il en faudra donc toujours, au minimum, dix sur dix-neuf en conseil territorial et quatre sur sept en conseil exécutif. En revanche, que les lignes aient encore plus bougé au sein de la majorité qu’avant le retrait des délégations à la première vice-présidente, c’est une certitude. Par conséquent, il n’est pas improbable que les voix des partisans de Xavier Lédée et de ceux de Marie-Hélène Bernier ne suivent pas les mêmes chemins lors de prochains votes. Ce qui pourrait faciliter la tâche des six conseillers du groupe d’opposition Saint-Barth d’Abord.
Les tensions restent vives
En revanche, voir l’Etat regagner du terrain dans les prises de décisions semble relever de la fiction. Les finances de la Collectivité vont encore s’afficher à la hausse lors du débat d’orientation budgétaire en mars. Or, seule une situation financière catastrophiquement alarmante a, jusqu’à présent, justifié l’intervention de l’Etat dans une collectivité. Quant à l’instabilité politique, elle est encore bien indéterminée. Et quand bien même les conflits au sein de l’assemblée territoriale viendraient à s’intensifier, les outils démocratiques et législatifs internes existent pour rétablir un exercice du pouvoir plus serein. « Je ne rêve pas, en me rasant le matin, de prendre le pouvoir à Saint-Barthélemy », a déclaré le préfet délégué des Iles du Nord lors de la première conférence de la Cop Saint-Barth, lundi 15 janvier.
Quoi qu’il en soit, pour l’heure, les tensions restent vives. La tenue de réunions entre les élus de la majorité semble indispensable pour désamorcer une situation qui a déjà des conséquences sur l’image de la nouvelle gouvernance auprès de la population.