Corinne Gréaux Fébrissy souhaitait qu’avant de demander l’ouverture des frontières, Saint-Barth obtienne la reprise de l’école à plein temps, comme avant Covid-19, ce qui implique un allégement des contraintes sanitaires. Cette requête a été ajoutée au voeu de réouverture de l’île. Avec quatre élus employés de l’Education nationale, et un Président en froid avec les enseignants, et qui les rend responsables de la non reprise totale des écoles dès le 11 mai, le sujet a monopolisé la réunion.
Corinne Gréaux Fébrissy, conseillère territoriale Saint-Barth d’Abord, a déposé un amendement : pour elle, il faut d’abord obtenir la reprise normale des écoles, avant l’ouverture des frontières. Cette question a occupé une large partie de la réunion. « C’est la distanciation sociale qui nous bloque. Avec un allégement de ces contraintes, si dans quinze jours rien ne se passe, je pense qu’on pourra émettre le vœu d’accueillir des gens ; mais si on émettait déjà le vœu de rouvrir les écoles, ça irait plus dans la logique nationale », argumente l’élue en charge des sports. Sa collègue Elodie Laplace est d’accord : « Comment peut-on rouvrir l’île complètement en ayant des centaines de familles bloquées à la maison parce que les enfants ne vont pas à l’école ? Il reste quatre semaines, il faut assouplir ces quatre semaines.» Aujourd’hui, la plupart des élèves de primaire vont à l’école deux matinées par semaine. Enseignante de profession, Bettina Cointre (Tous pour Saint-Barth) est plus mesurée sur cette idée : « A partir du mois de juin, dans l’établissement où je travaille, nous recevrons plus de 92% des élèves. Mais beaucoup de parents nous ont confié qu’ils refuseraient de les remettre à l’école si c’était en classe entière. » « Si on rouvre, les employeurs auront besoin de leurs employés à temps plein », note Corinne Gréaux Fébrissy. « Les hôtels et restaurants auront besoin d’embaucher et ne vont pas attendre que la maman ou le papa puisse se libérer de son enfant pour venir travailler. Je dis que l’un ne va pas sans l’autre. » « Si j’avais eu seize salles de classe et seize enseignants, on aurait accueilli tous les enfants », répond la vice-présidente Micheline Jacques, directrice d’école à la ville. « Le souci c’est le respect de cette distanciation, on ne peut pas repousser les murs. » Andy Laplace, vice-président de la Com, travaille au collège Mireille-Choisy : « Le protocole est tellement strict qu’il y a un monde entre ce qu’on voit dans la vie quotidienne, et ce qui se passe à l’école. Aujourd’hui, j’ai l’impression que ça devient anxiogène pour les élèves d’aller en cours. Pour l’anecdote, j’ai suivi une formation sur les gestes barrière. Quand j’ai posé des questions, on m’a dit : mettez votre cerveau de côté. Eh bien, je refuse. Ce qu’on demande aux enseignants et aux élèves, c’est beaucoup trop, c’est délirant.»
« Dès qu’on a le nez qui coule, c’est le Covid ! »
Bruno Magras : « Je ne vais pas revenir sur ce débat… (JSB 1375) C’est une organisation locale qui a voulu que les élèves ne reprennent pas tous en même temps dès le 11 mai. Quand ça fait soixante jours qu’il n’y a pas de cas, je ne vois pas les raisons qui font qu’aujourd’hui, il y a des contraintes à l’école. L’unique risque actuel est l’importation du virus, c’est donc là dessus que nous devons nous concentrer. »
Pendant qu’il parle, sa vice-présidente Micheline Jacques fait non de la tête. «Ce ne sont pas les enseignants qui ont refusé de prendre tous les élèves ; c’est le protocole qui nous l’impose. Il n’y a pas eu de peur au niveau des enseignants, ce n’est pas eux qui ont empêché la reprise. Mais nous suivons des directives nationales, c’est une question de responsabilité. » Andy Laplace l’appuie : « Cette semaine, les 4e, 3e et 2de vont reprendre. Des demandes ont été envoyées au collège pour savoir si on pouvait rouvrir plus tôt ; je vous le dis, les blocages sont venus d’en haut, pas de l’établissement lui-même. » Bruno Magras : « Je ne ferai pas de lettre au recteur de moi-même. Si les profs, qui ont été à l’origine de la situation actuelle, me demandent d’intervenir pour que les classes reprennent normalement, là, je ferai un nouveau courrier au recteur. Si on m’avait écouté moi, les écoles auraient repris normalement dès le départ. Les parents en ont beaucoup souffert ; j’ai vu les conséquences immédiates pour ceux qui ne pouvaient pas travailler. Le virus n’arrive pas par hélicoptère. Le vrai problème c’est la peur. Dès qu’on a le nez qui coule, c’est le Covid ! Il y a une perte de lucidité dans tout ça qui est dramatique. La distanciation, c’est du cinéma, ce n’est respecté nulle part, mais dans les écoles on met les enfants à bâbord, les autres à tribord… Combien de temps allons-nous considérer qu’il faut vivre à 1,50 mètre les uns des autres, ne plus se dire bonjour ? Quel cinéma ! Je ne ferai pas de courrier sans une demande des profs, c’est clair, net et précis. »
Nicole Gréaux, première vice-présidente et jeune retraitée de l’Education nationale, rapporte les propos tenus par le recteur de l’Académie de Guadeloupe Mostafa Fourar, la veille lors d’une conférence de presse : « Le recteur a dit “je n’accepterai pas que les mesures de distanciation ne soient pas respectées dans les établissements scolaires.” »
« La préfète était d’accord, nous étions d’accord. Mais nous n’avions aucun écrit, nous étions donc obligés de respecter les directives, c’est une question de responsabilité. Ce n’est pas nous qui étions contre la reprise pleine et entière », répète Micheline Jacques, agacée. « Ne va pas me dire ce soir qu’il y a eu unanimité autour de cette idée », coupe Bruno Magras. « L’école n’a pas repris, elle n’a pas repris, aujourd’hui vous vous démerdez, pour parler vulgairement ! »
« Je vais décevoir Corinne, mais je pense que malheureusement on ira jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours avec les consignes sanitaires instaurées », indique Francius Matignon, président de la commission Affaires scolaires. « Le protocole a déjà été très lourd à mettre en place, je pense qu’ils vont poursuivre et que le fonctionnement changera au mois de septembre. »
L’amendement de Corinne Gréaux Fébrissy est adopté et ajouté à la délibération : outre la réouverture des frontières, le conseil territorial demande donc la reprise des écoles (ce qui implique l’allègement des contraintes sanitaires), la reprise des associations et de toutes les entreprises, dans des conditions normales.
JSB 1378